Toutes les Publications De Books'nJoy

En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut : un tourbillon de folie

Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître : le premier roman d’Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, est tout simplement jubilatoire ! L’auteur nous fait découvrir un univers surréaliste, bigarré et ingénu. Lire ce roman équivaut à plonger tête la première dans le monde merveilleux d’Alice au pays des merveilles. On est happé, entraîné dans une succession de situations décalées, de dialogues loufoques, de démonstrations d’amour féroces, et tout ça sur le rythme endiablé du titre « Mr. Bojangles » de Nina Simone. Ce livre est mon premier gros coup de coeur de l’année 2017, il est à lire, relire et rerelire !

« – Donnez-moi le prénom qui vous chante ! Mais je vous en prie, amusez-moi, faites-moi rire, ici les gens sont tous parfumés à l’ennui ! »

« – Quand la réalité est banale et triste, inventez-moi une belle histoire, vous mentez si bien, ce serait dommage de nous en priver. »

Résumé

Devant leur petit garçon, ils dansent sur « Mr. Bojangles » de Nina Simone. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir et la fantaisie. Celle qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible. Elle les entraîne dans un tourbillon de poésie pour que la fête continue, coûte que coûte. L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom.

Gallimard

booksnjoy - en attendant bojangles - olivier bourdeaut

Une folie maîtrisée 

L’auteur aborde avec brio le thème pourtant douloureux et délicat de la folie. La singularité du roman réside dans le fait que le père ne cherche pas à imposer la réalité à sa femme, ni le fils à sa mère. Au contraire, ils se prêtent complètement au jeu. La folie est envisagée non pas comme une maladie mais comme une source d’amusement. Les complications et préoccupations sont reléguées au second plan, si ce n’est le dernier. Le mari appelle sa femme tous les jours par un prénom différent : Renée, Georgette, Marguerite, Hortense, Colette, Constance, Eugénie… Ils protègent l’univers qu’elle s’est créee pour que la magie ne cesse jamais d’opérer. Leur rôle est d’alimenter sans arrêt son quotidien en fantaisies et loufoqueries.

Le père : « Et moi dans ce cirque, j’avais accepté d’endosser le rôle de Monsieur Loyal, d’enfiler une redingote à breloques, de mettre en scène les envies, les concours, les orgies, les fantaisies et, avec ma baguette, tenter de diriger ces folles opérettes. Pas une journée sans son lot d’idées farfelues, pas une soirée sans dîners improvisés, sans fêtes impromptues. »

Dès le début le mari a pris le parti d’accepter sa folie, elle fait partie intégrante de leur vie. Il fait un pari sur l’avenir : celui de maîtriser cette démence le temps qu’il le pourra. Il ne leur reste plus alors qu’à profiter du laps de temps qu’elle leur laissera. Ce livre est une course contre la montre. Chaque moment est précieux, il faut le savourer, ils ne peuvent pas se permettre de vivre séparés.

Le père : « J’étais conscient que sa folie pouvait un jour dérailler, ce n’était pas certain mais, avec un enfant, mon devoir était de m’y préparer, il ne s’agissait plus désormais de mon seul destin, un bambin y serait mêlé, le compte à rebours était peut-être lancé. Et c’est sur ce « peut-être » que tous les jours nous dansions et faisions la fête. »

Des personnages déjantés

La mère est terriblement attachante. Elle est consciente de qui elle est, et peut s’avérer étonnante de lucidité.

« De toute façon, j’ai toujours été un peu folle alors un peu plus un peu moins, ça ne va pas changer l’amour que vous avez pour moi, n’est-ce pas ? »

 Elle joue son rôle à la perfection, se met en scène et nous offre des moments savoureux :

« […] Papa lui apporta une couronne en carton de la galette des rois, mais elle la refusa et s’exclama en riant :

– Je suis la reine des fous, apportez-moi plutôt une passoire ou un entonnoir, à chacun son royaume, à chacun son pouvoir ! »

L’amour qui lie le père et la mère est indéfectible. Et c’est cet amour qui est retranscrit à travers les yeux de leur petit garçon, témoin de la folie de la mère et de la connivence du père. Ce roman donne une belle leçon d’humanité. On ne cesse pas d’aimer parce que l’autre est imparfait. C’est justement cette originalité, l’extravagance de cette femme qui l’a charmé et envoûté. En attendant Bojangles, est empreint d’humour et de légèreté. C’est cette frivolité qui permet d’édulcorer la souffrance et la tristesse qui finissent par tomber comme un couperet. Cette union originale frappe par sa marginalité, son refus d’adhérer aux règles élémentaires de la société et de la vie en communauté. Le courrier reste fermé, les impôts impayés.

« Je voyais bien qu’elle n’avait pas toute sa tête, que ses yeux verts délirants cachaient des failles secrètes, que ses joues enfantines, légèrement rebondies, dissimulaient un passé d’adolescente meurtrie, que cette belle jeune femme, apparemment drôle et épanouie, devait avoir vu sa vie passée bousculée et tabassée. Je m’étais dit que c’était pour ça qu’elle dansait follement, pour oublier ses tourments, tout simplement […] Je m’étais dit que j’étais moi aussi légèrement frappé de folie et que je ne pouvais décemment pas m’amouracher d’une femme qui l’était totalement, que notre union s’apparenterait à celle d’un unijambiste avec une femme tronc, que cette relation ne pouvait que claudiquer, avancer à tâtons dans d’improbables directions. »

La poésie du récit et le travail sur les sonorités   

La prose de l’auteur est sublime. L’écriture est mélodieuse, on sent que l’auteur a travaillé l’harmonie de son livre en jouant sur les sonorités. Cette musique renforce la dimension poétique. Le lecteur relèvera un très grands nombres d’assonances. Par assonance on entend la répétition de voyelles à la fin de chaque phrase. L’assonance, de même que l’allitération a pour visée l’harmonie imitative, la répétition du même timbre vocalique. L’auteur nous livre un récit aux consonances harmonieuses. Il existe une affinité entre les sons, une uniformité. Cette maîtrise de la langue, du rythme et du récit attestent du talent fou de l’auteur. Il dirige son récit avec une facilité déconcertante. Il joue avec les sonorités. Le rythme ne s’essouffle jamais, la dynamique est maintenue. En attendant Bojangles est une lecture en flux tendus, à un rythme effréné.

booksnjoy - en attendant bojangles - olivier bourdeaut

Conclusion

Si vous ne vous l’êtes pas déjà procuré, un seul conseil courez chez votre libraire le plus proche l’acheter ! 😉 Promis, vous ne le regretterez absolument pas. Olivier Bourdeaut fait mouche avec son premier roman, En attendant Bojangles. Rien d’étonnant à ce qu’il ait remporté pas moins de trois prix littéraires : le Grand Prix RTL-Lire 2016 / le Prix France Télévisions 2016 et Le Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama 2016.

>>> Chronique du second roman d’Olivier Bourdeaut par ici !

Partager

Mousseline la Sérieuse, Sylvie Yvert : les mémoires apocryphes de la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette

En rédigeant les mémoires apocryphes de « Mousseline la Sérieuse », surnom donné par Marie-Antoinette à sa fille, Sylvie Yvert réhabilite un illustre personnage de l’Histoire de France injustement jeté aux oubliettes. À partir des feuillets laissés par Marie-Thérèse-Charlotte de France à la prison du Temple, dont elle sera la seule survivante, l’auteure se lance dans la rédaction de son journal fictif. Le résultat est savoureux ! De par son érudition et sa connaissance précise de cette période particulièrement instable politiquement, Syvie Yvert nous entraîne dans une biographie dense et surprenante. Pléthore de textes, mémoires, écrits, fictions, biographie ont pour objet le couple royal tombé sous la guillotine. Néanmoins, celle qui leur survécut jouit d’une notoriété moindre. Celle que l’on surnomme « Mousseline la Sérieuse », vécut de 1778 à 1851. Elle naquit sous la monarchie, vécut son abolition et perdit tous ses proches. Elle connut trois révolutions, la République, l’Empire, la Restauration, la monarchie de Juillet, une Seconde République pour enfin s’éteindre un an avant la promulgation du Second Empire ! Il était temps de se plonger dans la vie tumultueuse et jalonnée d’épreuves de « Madame Royale ».

Résumé

Marie-Antoinette, sa mère, la surnommait « Mousseline la Sérieuse ». Et en effet, Marie-Thérèse-Charlotte de France ne se départit jamais d’une certaine tristesse, d’un goût pudique pour la solitude. Est-ce d’avoir vécu tant d’épreuves ? L’irruption brutale de la Terreur révolutionnaire dans une enfance dorée, l’exécution de ses parents, la mort de son jeune frère Louis XVII… Tellement de souffrances accumulées dès le début de son existence. Elle seule survécut à la prison du Temple, fut bannie, vécut 73 ans et trois révolutions. Les pages les plus tourmentées de l’Histoire de France s’écrivirent sans elle : c’est ce affront qu’elle lave ici, l’encre de ses larmes.

Éditions Héloïse d’Ormesson et Pocket

booksnjoy - mousseline la serieuse - sylvie yvert

Repères chronologiques 

La vie de l’ainée de Marie-Antoinette et de Louis XVI s’étend de la fin du 18ème siècle jusqu’à la moitié du 19ème. Étant une période riche en événements historiques et en révolutions, je me suis dit qu’une piqûre de rappel ne ferait de mal à personne 😉

  • 4 sept. 1791 : Louis XVI prête serment à la Constitution, cela marque le début de la monarchie constitutionnelle
  • 10 août 1792 : Prise des Tuileries, chute de la monarchie et suspension de Louis XVI
  • 1792-1804 : 1ère République
  • 9 Nov. 1799 : coup d’État du 18 brumaire début du Consulat
  • 1804 : proclamation de l’Empire, Napoléon Bonaparte Empereur des français 
  • 1814 : abdication de Napoléon Bonaparte – Restauration des Bourbons
  • 20 mars 1815 – juil. 1815 : les Cent-jours, second règne impérial de Napoléon 1er
  • 1815 – 1830 : Seconde Restauration – Louis XVIII revient sur le trône puis lui succédera Charles X
  • 27/28/29 juillet 1830 : Trois Glorieuses
  • 1830 – 1848 : monarchie de Juillet – avénement de Louis-Philippe
  • 1848 – 1851 : Deuxième République
  • 1852 – 1870 : Second Empire – Napoléon III
  • 1870 – 1940 : Troisième République

Contrainte à l’exil par trois fois, elle ne pourra rester indifférente à la succession ininterrompue de régimes politiques en France. Sa survie relève du miracle.

La réhabilitation d’une figure illustre et injustement évincée de l’Histoire de France

Son devoir de mutisme lié au maintien de son rang et sa discrétion naturelle, en ont-ils fait une « oubliée » de l’Histoire ? En effet, dès son plus jeune âge, « Mousseline la Sérieuse » adopta des attitudes d’adulte, lui conférant ainsi une certaine aura. Elle ne pourra se départir de l’image d’une jeune fille discrète et sérieuse. Le tragique des événements permet très certainement d’expliquer son manque d’insouciance pour une jeune fille de son âge. Elle connut un destin tragique marqué par la fin de la monarchie à l’âge de 10 ans, une captivité qui dura 3 ans. Elle dut faire le deuil de ses parents, mais également de son frère. Pendant près d’un an, on lui cacha la mort de ses proches. Elle vécut ainsi dans une totale incertitude quant à ce qui l’attendait. En proie à la tristesse, elle ne laissa rien paraître de son désarroi. Elle dut recevoir la fierté maternelle en héritage.

L’Histoire de France entrevue à travers le prisme de la subjectivité  

C’est sous la forme d’un journal retraçant les mémoires de « Mousseline la Sérieuse » que Sylvie Yvert a décidé de faire revivre cette femme. Je trouve que la singularité de l’oeuvre réside dans le choix fait par l’auteure de « prendre la plume à sa place ». Observer le cours de l’Histoire à travers les yeux d’une enfant, âgée de seulement 10 ans au moment de la Révolution, offre une nouvelle perspective. En guise d’avertissement, Sylvie Yvert précise que les mémoires sont fictives et construites à partir d’un « fragment de dix-huit feuillets qu’elle a rédigés en prison à l’âge de seize ans ». Même si se pose la question de la véracité et de l’authenticité des propos, il est indéniable que l’auteure maîtrise son sujet et s’efforce de coller au plus près du réel. Ces mémoires sont censés avoir été écrits en 1850, Mousseline la Sérieuse étant alors âgée de 70 ans. Par conséquent, son auteure nous relate des faits qu’elle a vécus tout en ayant en tête le cours implacable de l’Histoire. Marie-Thérèse-Charlotte de France n’ayant pas le don d’ubiquité et n’étant pas omnisciente, ce roman historique ne donne pas une vision exhaustive des événements. Je trouve cela à la fois intéressant mais également limitant. C’est frustrant pour le lecteur de rester cloîtré dans la prison du Temple auprès de la famille royale, sans que l’auteure ne décortique les rouages de la folie meurtrière de la Terreur officiant à l’extérieur. Finalement, on ressent la frustration qu’ont dû ressentir les membres de la famille royal bercés d’illusions quant à leur avenir. On ne voit pas de l’intérieur la montée en puissance de la folie meurtrière et vengeresse. Celle-là même qui conduira les monarques à l’échafaud. Finalement, en adoptant le point de vue limité de « Mousseline la Sérieuse », nous passons à côté de la fermentation des esprits qui conduisit à l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de France. Cette période est d’ailleurs particulièrement détaillée dans les biographies consacrées à Marie-Antoinette et Fouché réalisées par le biographe de génie Stefan Zweig. Je ne le cache pas l’écrivain autrichien est mon auteur préféré. 😀  Il dissèque avec virtuosité les tréfonds de l’âme humaine, en excluant toute sentimentalité. Il analyse, quasiment de manière clinique, les convulsions de ce pan de l’histoire. Je conseille à tous les lecteurs souhaitant obtenir plus amples informations sur cette période de lire ces deux biographies. Elles mettent en lumière les intentions de ceux qui mirent la France à feu et à sang sous couvert d’égalitarisme.

Des monarques « réhumanisés »  

Marie-Antoinette est passée à la postérité sous les traits d’une reine « écervelée, capricieuse et vaniteuse » au train de vie dispendieux. « Mousseline la Sérieuse » corrige le portrait de cette souveraine méprisée. D’autres auteurs se sont évertués à clamer son innocence concernant certaines affaires rocambolesques et comportements irresponsables que le peuple lui avait attribués. Dans Le Collier de la reine d’Alexandre Dumas ainsi que dans la biographie qui lui est consacrée par Stefan Zweig, elle apparaît comme la victime de sombres manipulations, ayant pour fin de la discréditer. On la découvre digne et fière face aux terribles épreuves auxquelles elle doit faire face. Il est d’ailleurs de notoriété publique, que ses geôliers tombèrent sous son charme. Les républicains les plus endurcis finirent par éprouver de la pitié et de l’empathie pour cette femme. Celle qui fut considérée comme une débauchée par le peuple français, se distinguera par son sang-froid. Les événements lui donneront l’occasion de se révéler à elle-même.

Louis XVI est présenté sous les traits d’un monarque bon et miséricordieux, dont la seule préoccupation réside dans le bien-être de ses sujets. La description réalisée fera certainement grincer des dents nombre de lecteurs. Cependant, rappelons-nous que nous sommes censés lire les mémoires de sa fille 😉  De plus, il faut rendre justice à ce monarque qui fut le moins violent de tous. Il refusera à chaque fois que l’occasion lui sera présentée d’utiliser la force pour endiguer les révoltes du peuple français. Il consentira à donner satisfaction au peuple et acceptera tous les compromis. Était-il doté d’une lucidité exceptionnelle quant à l’issue qui lui était destinée ? Ou tout simplement trop las pour chercher à contrecarrer les plans de ses oppresseurs ?

Une deuxième partie un peu décevante

La période qui s’étend de la prise de la Bastille à la fin de la captivité de « Mousseline la Sérieuse » est très agréable à lire. La seconde partie du roman historique qui porte sur la vie de princesse de 1795 à 1851 a été quelque peu fastidieuse à lire. Le fait de ne voir l’histoire qu’à travers les yeux de cette femme devient dérangeant puisque l’auteure n’aborde qu’en superficialité la période la plus agitée de l’Histoire de France. Alors que la première partie de l’ouvrage englobe 246 pages, la seconde partie n’a nécessité que 83 pages. Cette seconde partie ne m’a donc pas convaincue. Les propos sont redondants, surtout lorsque la narratrice évoque les raisons pour lesquelles elle donne l’image d’une femme froide et distante. Personnellement, j’aurais préféré que l’ouvrage se termine à la fin de la première partie. La deuxième partie n’apporte en réalité rien de nouveau et passe rapidement sur ce qui aurait du faire l’essence même de son propos.

booksnjoy - marie-antoinette - stefan zweig

Conclusion

J’ai un avis quelque peu nuancé sur cet ouvrage retraçant la vie de « Mousseline la Sérieuse ». Alors que la première partie de l’ouvrage est dense et passionnante, la seconde partie a altéré l’enthousiasme que j’avais en lisant la première. Néanmoins, je conseille au lecteur de se procurer cet ouvrage et de s’y plonger, du moins jusqu’à la fin de la première partie. 😉 J’ai ajouté la photo d’un de mes livres préférés, auquel celui-ci m’a fait penser. Cet ouvrage n’est autre que la sublime biographie écrite par Stefan Zweig et consacrée à Marie-Antoinette.

Partager

Les Indésirables, Diane Ducret : l’urgence de vivre

Dina Ducret – auteure du fameux Femmes de dictateur, nous livre avec Les Indésirables un témoignage sincère et émouvant de la vie de ces femmes étrangères maintenues captives sous le régime de Vichy. Alors, que leur identité – origines, religions… – et leur statut – sans enfant – leur a valu toutes sortes d’inimitiés, elles vont faire preuve d’un courage et d’une solidarité immense face à l’adversité. Ce roman retranscrit cette urgence de vivre, cette nécessité de garder espoir, quand on n’a plus rien à quoi se raccrocher, qu’on est dépossédé de tout. Internées dans le Camp de Gurs – sous administration française – elles feront preuve d’une capacité de résilience incroyable. Elles sauront tirer profit du moindre événement susceptible d’améliorer leurs conditions de vie. Maintenues captives dans un camp initialement conçu pour les opposants au régime de Franco, elles seront amenées à cohabiter avec eux. Même dans les conditions les plus précaires, les facultés naturelles de l’homme ne s’amenuisent pas. Bien au contraire, dans ce camp de concentration, des idylles vont naître, des couples se former et des amitiés indéfectibles se lier.  Diane Ducret nous offre un très beau roman sur l’espoir, l’amitié et la solidarité féminine.

Résumé

Nous avons ri, nous avons chanté, nous avons aimé. Nous avons lutté, mon amie, c’était une belle liste  je me suis sentie plus vivante à tes côtés que je ne le fus jamais.

Un cabaret dans un camp au milieu des Pyrénées, au début de la Seconde Guerre Mondiale. Deux amies, l’une aryenne, l’autre juive, qui chantent l’amour et la liberté en allemand, en yiddish, en français… cela semble inventé ! C’est pourtant bien réel. Eva et Lise font partie des milliers de femmes « indésirables » internées par l’État français. Leur pacte secret les lie à Suzanne « la goulue », Ernesto l’Espagnol ou encore au commandant Davergne. À Gurs, l’ombre de la guerre plane au-dessus des montagnes, le temps est compté. Il faut aimer, chanter, danser plus fort, pour rire au nez de la barbarie.

Flammarion

booksnjoy - les indesirables - diane ducret

Un mutisme étonnant face au sort de ces femmes indésirables et une reconnaissance tardive

La force de ce roman réside dans la capacité incroyable qu’à l’être humain de puiser dans ses ressources pour tenir face à l’adversité. Galvaudé comme sujet de roman me direz-vous ? Pas tant que ça. En effet, il existe une multitude d’ouvrages qui abordent ce pan de l’histoire de France et la thématique de la résistance passive – consistant à se maintenir en vie pour ne pas capituler. Néanmoins, la singularité de ce roman réside dans le sujet choisi. En réalisant des recherches j’ai trouvé peu d’informations traitant de ce thème. Excepté un documentaire réalisé par Bénédicte Delfaut, le sort de ces femmes considérées comme indésirables semble avoir sombré dans l’oubli. Diane Ducret leur redonne leur place légitime dans l’histoire et donne du sens à leur combat en retraçant leur vie. Elle leur permet d’entrer dignement et reconnues dans la postérité.

Ivres de vie, les Indésirables font un pieds de nez à la barbarie

Suzanne dites « la goulue », petite, ronde, rousse, incarne avec justesse cette rage de vivre. C’est un des personnages qui m’a le plus marqués. Pétulante, elle insuffle un vent de légèreté et de frivolité. Alors que les wagons déversent leur lot de femmes désoeuvrées prêtes à être enfermées, Suzanne fait le choix de se joindre à ces femmes. Tombée amoureuse au premier regard d’un bel espagnol interné dans le camp pour ses convictions politiques, elle décide de le retrouver. Elle entre alors volontairement dans l’enfer des camps de concentration ! Elle, qui n’est en aucun cas considérée comme appartenant au groupe des femmes indésirables. Ayant conscience qu’à l’extérieur elle ne trouvera pas d’hommes avec qui partager sa vie, elle ne voit aucun inconvénient à vivre sa passion romantique dans un camp d’internés aux conditions de vie déplorables. Dotée d’un humour ravageur, cette qualité inouïe lui permet de relativiser les épreuves subies.

« Et à qui tu vas te plaindre ? dit Suzanne. Tu vas remplir le carnet de doléances des femmes insatisfaites ? Fais la queue, y a déjà du monde. Si tu veux te plaindre auprès de Grumeau, tu connais le prix. »

« On devrait se plaindre aux Allemands de nous avoir mis un commandant si mal monté. Quitte à être violée, autant que ce soit un gars qui connaisse son affaire. »

« Pour sûr, les Allemands, cela doit être eux qui ont inventé les sardines en boîte. Ils sont champions dans l’art d’entasser, commente Suzanne. »

Lise incarne la candeur et la naïveté propres aux jeunes filles. Eva, avec qui elle s’est dès le début liée d’amitié, lui servira de socle et de repère dans cet environnement hostile dans lequel elles évolueront. Lise fera ses expériences de femmes dans le Camp de Gurs, y vivra ses premiers émois et découvrira sa féminité. Eva, quant à elle, marquée au fer rouge par la vie, sera empreinte d’une certaine gravité. Stérile des suites de complications gynécologiques et de par la volonté de ses parents de ne pas faire scandale, elle s’octroie le statut d’exilée. Autant d’attributs qui pour une femme à cette époque lui confère le statut d’Indésirable. Eva est issue d’une famille de sympathisants nazis. Guidée par des valeurs humaines et morales, elle refuse d’y renoncer même si cela doit impliquer de se sacrifier. Elle préfère couper avec ses origines familiales qui auraient pu l’épargner si elle avait fait preuve de lâcheté.

Les prémices de la résistance incarnée par le commandant Davergne 

 Le commandant Davergne, chef de camp du 1er juin 1939 au 26 novembre 1940, jouera un rôle clé dans l’administration du camp de Gurs. Apprécié par les allemands pour sa droiture et son respect de l’autorité, il rejoindra néanmoins la résistance dès 1940. En effet, cela n’est pas mentionné dans le roman mais le commandant Davergne entrera dans la résistance au sein de l’ORA – organisation de résistance de l’armée. Entièrement dévoué à ses prisonniers, doté d’une grande humanité, il est sensible à la misère de ses internés. Il s’efforce d’alléger les peines des détenues. Il a su créer une sorte de bulle protectrice, un univers parallèle qui échappe en partie à la barbarie. Peu avant l’arrivée des soldats allemands, il donnera l’opportunité aux ressortissants étrangers de rejoindre l’Afrique du Nord. Pour cacher son implication et protéger les prisonniers, il les déclarera mort de dysenterie et mettra le feux aux documents administratifs attestant de la présence de ces ressortissants étrangers au sein du camp de Gurs.

« Peu avant l’aube, Davergne, averti de l’arrivée de la commission, a organisé le transfert d’un contingent de Brigades internationales. Depuis des mois qu’il se préparait à cette éventualité, il avait trouvé un moyen non officiel de les faire passer en Afrique du Nord, dans la partie des colonies placée sous contrôle français et anglais.

« Nous avons subi des pertes considérables liées à l’épidémie de dysenterie », explique-t-il aux Allemands, prenant soin de couvrir sa bouche de son mouchoir blanc, ce qui a pour effet de faire presser le pas aux membres de la commission, qui barrent ainsi en hâte des milliers de noms suivis de la mention décédé.

Davergne sait, hélas !, que la supercherie sera dévoilée sitôt communiqué aux autorités militaires de Paris le rapport de visite. La commission partie, il s’avance au pas de charges vers les voitures de son personnel, un broc dans chaque main, siphonne le réservoir de la Citroën de Grumeau, verse ensuite le pétrole sur le parquet de sa baraque, dans laquelle est archivé le registre des prisonniers. Il imbibe son mouchoir et badigeonne les murs du sol au plafond. Un incendie fera disparaître tout ce qui permettrait d’identifier ceux qu’il a libérés. »

Le beau transcende la barbarie

Diane Ducret nous offre des moments de pure grâce. Ainsi, Eva ivre de rage face aux sévices subis par les femmes de son baraquement de la part de Grumeau, s’en va fustiger les méthodes appliquées au sein du camp auprès du commandant Davergne. Celui-ci finit par céder et consent à faire entrer un piano dans le camp en réparation des exactions commises par ses gardes. Ce piano est l’instrument de l’espoir, il va leur permettre de se produire en spectacle. De retrouver le goût de vivre.

L’auteure fait de l’art le moyen de transcender l’horreur du quotidien dans les camps de concentration. Il permet de s’échapper de la réalité et de s’élever. L’art a le pouvoir de sublimer la réalité, notre perception s’en trouve modifiée.

« Hans ne manque pas une occasion de vanter les vertus curatives de l’art : « Peu importe l’organe par lequel elle frappe les sens, ce peut être l’ouïe, l’odorat ou la vue, la beauté peut guérir les hommes de tous les maux ! Aussi faut-il, ici plus qu’ailleurs, les baigner dans tout ce que l’art a produit de meilleur. » Pendant quelques heures, les infirmes, les chrétiens, les fiévreux allaient mieux. »

Conclusion 

L’auteure, avec son roman Les Indésirables, aborde un sujet délicat avec justesse et nous livre un récit émouvant et teinté d’humour. Les personnages sont hauts en couleur et terriblement attachants. L’auteure ne fais pas l’erreur de tomber dans le pathos, même si je trouve qu’elle aurait pu approfondir certains passages. J’aurais aimé une description plus fournie de l’impact libératoire que procure le cabaret chez ces détenues. Certains passages auraient mérité que l’on s’y attarde un peu plus. C’est le seule reproche que je trouve à faire 😉 Néanmoins, dans l’ensemble j’ai beaucoup apprécié cette lecture, suivre le parcours de ces femmes indésirables et leur lutte pour se maintenir en vie.

Partager

Dans la forêt, Jean Hegland : un récit initiatique émouvant et poétique

Le roman d’anticipation Dans la forêt, écrit par l’américaine Jean Hegland, est un récit initiatique d’une grande poésie. Publié que récemment en France, aux éditions Gallmeister, il a été écrit et publié aux États-Unis il y a près de 20 ans. Depuis 2006, les éditions Gallmeister se sont spécialisées dans la publication d’ouvrages de littérature américaine. Elles s’évertuent à dénicher des titres originaux et audacieux. Dans la forêt a connu un succès retentissant en Amérique.  Ce qui se comprend aisément. En effet, Jean Hegland signe un roman très émouvant mettant en scène deux soeurs, qui tentent de survivre dans un monde post-apocalyptique. L’environnement dans lequel elles évoluent, n’a plus rien à voir avec celui dans lequel elles ont grandi. Tout ce qui nous semble élémentaire, comme l’essence, l’électricité, l’accès facilité à la nourriture et à l’eau, n’existe plus. Il leur faut, dès lors, puiser des ressources insoupçonnées au fond d’elles-mêmes pour survivre jour après jour, sans aucune garantie de succès. L’écriture lyrique, l’atmosphère ouatée de la forêt et la sensualité du récit en font sa singularité. N’étant pas adepte des récits d’anticipation ou de science-fiction de manière générale, j’avais quelques appréhensions à me plonger dans ce livre. Appréhensions qui ont très vite été balayées par la grâce qui émane de cet ouvrage. Ce roman a une portée immense et remet en question nos vies modernes. L’auteur aborde avec finesse les déviances de la société consumériste, les bienfaits d’une vie en harmonie avec la nature et la condition de l’homme. L’homme retrouve la place qui lui est due initialement : celle d’une entité minuscule évoluant dans une nature vaste et sauvage. Ce récit teinté de mélancolie ne peut que vous transporter et vous éveiller à d’autres horizons. N’est-ce pas finalement ce qu’on demande à la littérature ? 😉

Distinction entre le roman d’anticipation et de science-fiction : petite précision, concernant la distinction entre un récit de science-fiction et d’anticipation. Le roman d’anticipation est un genre à part entière de la science-fiction. Le propre du récit d’anticipation est de projeter le lecteur dans un monde futur, fictif, mais crédible.

Résumé

Rien n’est plus comme avant, le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au coeur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.

Gallmeister

Entre descriptions crues et plume délicate

La puissance du roman, réside dans la manière qu’à l’auteur de décrire de manière crue le retour de ces deux soeurs à un état primitif, antérieur à notre civilisation. On pourrait presque croire que l’auteur a vécu ce processus, ce retour à l’état de nature. Les descriptions sont d’une précision confondante. Plonger dans ce roman s’apparente à voir le monde de Nell et Eva en haute définition. Cette lecture a également pour effet de nous pousser à observer ce qui nous entoure avec plus d’attention. À prendre la mesure des choses et de notre place dans cet ensemble qui nous dépasse. L’atmosphère dans laquelle évoluent Nell et Eva est humide, ouatée. Jean Hegland, manie avec brio le mélange entre les descriptions réalistes relatant la vie quotidienne de ces deux soeurs dans la forêt et son écriture délicate, qui donne au récit sa dimension poétique. Ce récit est d’une grande sensualité et est teinté de mélancolie. J’irais même jusqu’à qualifier le registre de l’auteur, de registre lyrique. Les thèmes principalement abordés sont : l’apprivoisement du deuil – celui des parents, de l’ancienne civilisation, la mélancolie, la lutte pour survivre, la nature, le souvenir, la condition humaine, l’amour… Autant de thèmes appartenant au registre lyrique. La sensualité qui émane de ce roman, n’est pas sans rappeler celle que l’on retrouve dans L’amant de Lady Chatterley de D.H Lawrence. Ces deux ouvrages présentent de nombreuses similarités.

L’amour sous toutes ses facettes : fraternel, filial et conjugal

L’amour est au centre du roman. Il apparaît sous différentes facettes. L’auteur évoque l’amour fraternel entre les deux soeurs. Cet amour, si fort, que Nell refusera d’abandonner Eva à sa solitude. Ce même amour qui va pousser Nell à prendre des risques démesurés pour assurer la sécurité de sa soeur au détriment de la sienne, d’ailleurs. De même, Eva saura trouver les mots et l’intonation juste pour raisonner Nell, dont les accès de rage lui feront perdre le contrôle d’elle-même. L’amour transparaît sous les traits de l’amour filial. L’amour du père pour ses filles. L’amour d’une mère pour son enfant. Puis, Nell sera confronter aux sentiments amoureux en temps de crise. Cette situation post-apocalyptique fera sauter les conventions sociales. Les langues se délieront naturellement, laissant place à l’essentiel et reléguant le superflu de côté. Finalement, se passer du superflu suppose un retour à l’essentiel, une simplification des relations humaines. La communication entre les individus est libérée des contraintes sociales. Les échanges sont facilités. Cela permet de retrouver une certaine liberté. Mais pour expérimenter cette liberté, encore faut-il en passer par la souffrance, par l’apprivoisement de la nature.

La notion du temps subjectif/psychologique

La façon qu’on les deux soeurs d’appréhender le temps est cruciale. Est évoqué, ici, le temps subjectif, vécu. Elles sont partagés entre leurs souvenir teintés de mélancolie et ce futur qui demeure incertain. Nell fait régulièrement des retours en arrière dans son récit pour nous relater des événements passés. Le passé, le présent et le futur cessent d’être des notions imperméables. Il n’y a plus de dichotomie, tout se chevauche, s’emmêle. Le temps comme on l’entend, n’existe plus. Ce temps mesurable, palpable qui s’écoule. Tout est flou. Plus aucun instrument n’existe pour le mesurer. La temporalité change de dimension. Nell va se raccrocher à l’environnement dans lequel elle évolue pour estimer les saisons.

L’apprivoisement de la nature

Alors que la civilisation moderne a disparu, Nell et Eva doivent trouver la force de survivre. Dans la forêt, nous conte comment deux soeurs vivent ce retour à l’état de nature. Rappelons que l’état de nature s’apparente à la situation dans laquelle l’homme se trouvait avant l’émergence de la société. Tout va changer, le rapport à leur corps, à la forêt, aux autres, à l’alimentation… Nell relate dans son journal les événements marquants de sa vie pendant cette période. L’auteur a donc choisi comme point de vue, celui de la focalisation interne. Nous percevons les événements à travers les yeux d’une des deux soeurs.

Ce retour à l’état de nature est une conséquence des actions des hommes. Les causes de la disparition de l’ancien monde ne sont pas vraiment précisées. L’auteur ne se focalise par sur cet aspect des événements, mais plutôt sur leurs conséquences. Cependant, on comprend rapidement que l’homme, par sa consommation à outrance des ressources naturelles et par sa manie de se lancer dans des guerres à répétition a épuisé la planète. Doucement, la situation s’est enlisée. Au départ les ampoules grésillaient, puis ont fini par s’éteindre. L’essence a commencé à manquer, tout comme les denrées alimentaires. Les épidémies se sont succédées, décimant la population. Les services publiques ont cessé de fonctionner. Nell et Eva, qui ont perdu successivement leur mère d’un cancer, puis leur père des suites d’une blessure à la scie électrique, se retrouvent seules. Isolées en pleine forêt, elles vont dans un premier temps tentaient de résister à l’abattement qui les menace, en se rattachant à l’espoir fou d’une délivrance prochaine. Le temps passant, elles vont ensuite se résigner. Cette résilience ne s’accompagne pas d’un découragement, bien au contraire, Nell va prendre sa survie, et celle de sa soeur, en main. Alors qu’au départ elle étudiait l’encyclopédie pour ne pas tomber dans l’apathie, elle s’en sert à des fins matérielles. Elle se met à étudier le pouvoir des plantes, des herbes. Leurs vertus curatives et médicinales. Ce savoir encyclopédique devait permettre à Nell de rentrer à Harvard. Ici, il lui est d’autant plus utile qu’il lui permet de mettre elle et sa soeur en sécurité.

Jean Hegland, nous relate un processus d’apprentissage. Nell et Eva vont apprendre à utiliser les ressources de la forêt. Elles vont devoir cultiver un verger, faire pousser des légumes et des fruits, protéger leurs récoltes. Les mettre sous vide en prévision de temps plus rudes. Les deux soeurs se nourrissent au prorata de leurs besoins. Elles vont également devoir faire face à des agressions extérieures, non prévisibles. Les épreuves qui les attendent sont nombreuses et d’une grande richesse d’enseignement. On suit ces deux soeurs extrêmement soudées, malgré certains accrochages, à travers leur périple. À chaque obstacle dépassé, la fierté et la confiance en soi de Nell en sortent renforcées. la capacité qu’à Nell de les maintenir en vie l’emplie de fierté. Le lecteur partage avec elle cette félicité et ces moments de joie intense. Cette joie de communier avec la nature, de réussir à en tirer ce qu’elle a à offrir. Lorsque Nell dépèce le sanglier pour pallier à l’anémie de sa soeur, on ressent avec elle ce regain d’humanité, cette prise de conscience qu’elle est capable de se maintenir en vie par ses propres moyens.

J’ai relevé certains passages que je trouve particulièrement beaux :

« Petit à petit, la forêt que je parcours devient mienne, non parce que je la possède, mais parce que je finis par la connaître. Je la vois différemment, maintenant. Je commence à saisir sa diversité – dans le forme des feuilles, l’organisation des pétales, le million de nuances de vert. Je commence à comprendre sa logique et à percevoir son mystère. »

« Nous mangeons comme des reines grâce aux graines que notre père a sauvées, grâce au potager que nous avons biné et paillé et planté et désherbé et arrosé. Courgettes, tomates cerise, carottes, betteraves – chaque cueillette est un festin, un don, une manne. »

L’apprivoisement de la mort 

L’angoisse de la mort pèse sur le récit. Nell et Eva, sont en permanence sur le qui-vive. Une menace sourde et constante pèse sur elles. Elles ont été maintes fois confrontées à la mort et leur rapport avec celle-ci s’est modifié. Nell n’envisage plus la mort comme une fatalité. Elle ne l’envisage pas non plus comme une libération. Mais comme ce qu’elle est tout simplement. Ce que Nell gagne en maturité se transforme en relativisme.

« Quoi qu’il arrive quand une personne meurt, ça leur est arrivé. Ils étaient partis devant, ils avaient montré le chemin, et à cause de ça, la mort semblait un peu plus confortable, un peu plus tranquille, un peu moins terrifiante. »

booksnjoy - dans la forêt - jean hegland

Conclusion

Vous l’aurez compris, ce roman m’a conquise. 😀 Adepte d’une plume plus mordante et de romans dont la trame est ancrée dans la réalité, je me suis pourtant laissée emporter par le récit de Nell et Eva. Les sujets abordés sont d’actualité. L’auteure réalise avec une grande délicatesse une critique de notre société moderne. Elle n’est jamais agressive. Elle nous fait découvrir doucement une autre façon de vivre, plus en adéquation avec l’environnement dans lequel on vit, et qui nous est devenu étranger. Cette œuvre est dense, d’oú peut-être la difficulté que j’ai eu à être concise. 😉

Si ce roman vous a plu, je vous conseille :

>>> Une immense sensation de calme, Laurine Roux

Partager

Je me suis tue, Mathieu Menegaux : une fable diabolique

Mathieu Menegaux, nous offre un premier roman aux allures de fable diabolique, un huis clos familial intense et étouffant. Ayant lu son deuxième roman, Un fils parfait, avant celui-ci, j’ai retrouvé dans la trame des thèmes récurrents. J’ai tout de suite reconnu le style propre à l’auteur, ce qui est, en général, gage de talent. En seulement deux romans, l’auteur a su créer une atmosphère particulière, asphyxiante, à laquelle on reconnait sa plume. La singularité des romans de Mathieu Menegaux réside notamment dans cette vision sombre de la famille, comme terreau propice aux crimes les plus abjects. L’auteur fait état d’un délitement des liens familiaux. Il remet en cause la vision de la cellule familiale agissant comme un rempart contre les agressions extérieures. Puisque dans ses ouvrages, l’agression vient de l’intérieur, elle s’immisce dans l’intimité de la famille. C’est ce qui est à la fois terrible chez Mathieu Menegaux, mais également ce qui fait la force de ses romans. Pour ceux, qui comme moi apprécient particulièrement la plume féroce de Leïla Slimani, vous allez dévorer ce roman et suivre de près cet auteur. Un parallèle peut être fait entre Je me suis tue et Chanson douce, que ce soit en terme d’écriture ou de thèmes abordés. Mathieu Menegaux réalise dans cet ouvrage, de même que dans son second, une critique acerbe du couple moderne et de ses non-dits. Chez Mathieu Menegaux le couple en tant qu’entité est fragilisé et le modèle familial en crise ! 😉

 

Résumé

Du fond de sa cellule, Claire nous livre l’enchaînement des faits qui l’ont menée en prison : l’histoire d’une femme victime d’un crime odieux. Elle a choisi de porter seul ce fardeau, en silence. Les conséquences de cette décision vont se révéler dramatiques. Enfermée dans son mutisme, Claire va commettre l’irréparable. Personne, ni son mari, ni ses proches, ni la justice, ne saisira les ressorts de cette tragédie moderne.

Grasset

booksnjoy - je me suis tue - mathieu menegaux

Claire : une femme moderne complètement névrosée

Le roman débute par l’agression sexuelle dont Claire est victime, alors qu’elle rentre seule d’un diner organisé par un couple d’amis de son mari. Ce qui m’a interpellée ce n’est pas tant la scène violente décrite par l’auteur, mais la facilité avec laquelle Claire parvient à s’extraire du viol et se met à réfléchir de manière rationnelle à la situation. À aucun moment, Claire ne se laisse réellement envahir par la terreur que lui inspire l’étranger qui la viole. Elle est dans le contrôle d’une situation, qui lui échappe totalement. Elle ne laisse à aucun moment ses émotions la prendre de court et la submerger. Ce qui peut être perçu comme une manifestation de la force de caractère de Claire – cette capacité à gérer une situation de crise – m’a choquée. Claire m’est apparue comme inhumaine. Comment peut-on peser le pour et le contre, de façon purement rationnelle, dans un moment comme celui-là ? N’est-ce pas là, un des symptômes d’une folie sous-jacente, liée à une volonté de régler sa vie au cordeau et à une quête de la perfection ? Claire, ne serait-elle pas tout simplement control freak et ce viol perçu comme un simple « contretemps » ?

« On fait quoi, dans ces cas-là ? Je comprenais sans ambiguïté ce qui était en train de m’arriver. On dit que l’instinct de survie dicte nos comportements dans les situations d’urgence. Qu’on passe en mode pilote automatique. Des conneries, oui. Ou bien je ne suis pas comme tout le monde : j’ai réfléchi. Oui réfléchi, j’ai bien dit réfléchi. J’ai analysé en un éclair les deux options qui s’offraient à moi : me débattre, crier, hurler, griffer, résister, le repousser, tout cela en vain, il était beaucoup plus fort que moi et armé , tout cela pour souffrir encore plus, sans changer l’issue et en risquant de finir la gorge tranchée, là, dans ce tunnel ; ou bien me laisser faire, me dire que oui ce dingue va me violer, mais que ce ne sera pas forcément long et qu’un fois soulagé il me laissera peut-être la vie sauve. Cette vie qui m’ennuie.« 

Mais Claire ne s’arrête pas là. Elle poursuit ses raisonnement tortueux et malsains. En effet, après avoir agit de manière « optimale », celle-ci va gérer la situation, selon elle, d’une main de maitre. Ou plutôt, selon ses termes, comme une « apprentie sorcière ». Puisque celle-ci, joue avec son destin comme avec des dés. Elle parie sur l’avenir, sur sa capacité à étouffer le traumatisme dans son inconscient, tout en sachant pertinemment qu’elle échouera. Elle va donc nier en bloc le viol. C’est terrible de voir comment Claire croit pouvoir influer sur le déroulement des événements, faire plier la réalité à sa volonté.

« Je ne voulais pas être un victime. Je voulais oublier. Ou-bli-er. Je ne voulais qu’oublier. Même si je savais bien que je n’oublierais jamais. Comme en physique quantique, l’observation influe sur la réalité. Si vivant ou mort est le chat de Shrödinger, selon la façon dont celui qui conduit l’expérience le regarde, violée ou non violée je peux bien être selon ce que je décide. Alors peut-être que si je n’en parlais à personne ce serait comme si cette saloperie ne s’était jamais produite. « 

Le regard des autres, l’image de femme belle, forte et sûre d’elle que renvoie Claire, ne peut pas se permettre d’être mise à mal et ternie par ce drame. Le fait de s’interroger, quant aux répercussions que pourrait avoir la révélation de son agression auprès de son entourage, est normal. Par contre, en faire le centre de ses préoccupations juste après l’agression, un peu moins je trouve.

« J’ai compris que tout le monde maintenant allait me regarder comme une victime. Plus jamais je ne serai qui je suis. Plus jamais je ne serai Claire, cette femme et belle et intelligente, qui n’a pas d’enfants mais c’est vraiment la seule chose qui cloche chez elle […] J’ai vu le regard des autres, auquel j’attache tant d’importance, se transformer. »

Claire, prend donc le parti de ne rien dire à personne, surtout pas à son mari, Antoine. La suite, est une succession de choix désastreux. Claire va se laisser entraîner dans ses fabulations. À partir de là, commence la lente descente aux enfers de cette femme gâtée par la vie. Un choix, en particulier, sonnera le glas de son existence. Ce choix grotesque témoigne de son instabilité émotionnelle. Après le second drame qui ponctue le récit, Claire laissera place à une femme insouciante, détachée du monde. Elle se retrouvera toute seule en proie à ses démons intérieurs et face à sa folie. Je laisse au lecteur le soin de découvrir le passage du restaurant, passage où la personnalité névrotique de cette femme atteint son paroxysme.

Une critique acerbe du couple moderne

Dans Je me suis tue, tout comme dans Un fils parfait, Mathieu Menegaux évoque la fragilité du couple moderne. Le mensonge, le manque de confiance, la vulnérabilité de l’enfant…sont des thèmes récurrents dans ses romans. Il décortique avec brio les travers du couple moderne. Cette entité apparaît comme superficielle, attachée à son image et à la félicité factice qu’elle inspire aux autres. J’ai évoqué dans le paragraphe précédent le mutisme de Claire comme réaction à l’agression subie, afin de maîtriser son image. Mais le choix de Claire peut-il se concevoir indépendamment du couple qu’elle forme avec Antoine ? Ou au contraire, à la lumière de celui-ci ? En effet, si Claire fait le choix seule de se taire, c’est pour protéger son couple, l’image que pourrait avoir Antoine d’elle. Elle aurait donc peur de briser l’équilibre de son couple, qui semble pourtant déjà bancal. Ce couple n’apparaît pas comme une seule et même entité mais bien comme deux individus cohabitant ensemble, partageant certains plaisirs, mais conservant bien précautionnesement son jardin secret. Ce qui aurait pu se résoudre par la communication, va s’enliser et devenir le terreau du drame. Le silence est un des principaux maux de la société moderne. C’est ce silence pesant qui règne dans le roman. Certes, le silence de Claire mais surtout je trouve le silence au sein même du couple. Chacun a ses envies, même le désir d’enfant on ne le sent pas partagé, il ne les réunit pas. Claire le vit égoïstement. Il lui faut être mère, et pour l’être, elle est prête à tout accepter. Ce besoin d’enfant, n’est pas vécu comme la matérialisation de l’amour qu’elle porte à son mari, mais comme une étape à franchir dans son parcours de femme moderne. À la page 158 – je ne peux citer le passage sans tout dévoiler 😉 – Claire se rend compte que son mari a un seul désir, celui de l’oublier. Il ne cherche à aucun moment le mobile du crime, ce qui a poussé sa femme à agir de cette manière. Non, ce qu’il veut tout comme elle c’est oublier. Balayer 16 ans de vie commune, qui font tache. Antoine est incapable de faire preuve d’une certaine « intelligence émotionnelle » et d’empathie émotionnelle, encore moins. On se rend compte que Claire et Antoine, sont deux étrangers.

Je tiens à préciser, que comme toujours, cet avis est le mien et est donc par nature purement subjectif. Tout autre lecteur pourra développer une analyse totalement différente des personnages et du récit 😉

Un minimalisme stylistique d’une grande intensité

J’ai découvert la plume de Mathieu Menegaux grâce à son second roman et j’avais été conquise. J’ai beaucoup de mal avec les écritures lourdes, alambiquées, travaillées à outrance qui font tomber le récit dans le pathos. Je précise que je ne mets absolument pas dans cette catégorie des auteurs comme Maylis de Kérangal, dont le style très littéraire est magnifique. Ici, les phrases sont courtes, percutantes, on va à l’essentiel, on ne s’embarrasse pas de détails inutiles. Mathieu Menegaux est très factuel, il laisse le soin au lecteur d’interpréter, de chercher le pourquoi du comment comme un grand. C’est cela également que j’apprécie chez cet auteur.

booksnjoy - je me suis tue - mathieu menegaux

Conclusion

Ce roman m’a enchantée, il est d’une force incroyable, je ne peux que le conseiller ! 😀 Je trouve que dans son deuxième roman, le style de l’auteur gagne en maturité et en intensité. Je conseille donc de lire celui-ci avant Un fils parfait. Dans ce second roman, l’auteur gagne en aisance, le style est plus fluide, son talent se déploie pleinement. Cet auteur est à suivre de très près ! Je ne serai pas du tout étonnée qu’il remporte un jour un grand prix littéraire 🙂

Du même auteur…

Partager

Par amour, Valérie Tong Cuong : un hymne à l’amour

Le roman Par amour, signé Valérie Tong Cuong, est un petit bijou de littérature. L’auteur aborde avec délicatesse les thèmes de la séparation, de la culpabilité et du déchirement, en temps de guerre à travers une fresque familiale touchante. La force de ce roman réside dans la douceur avec laquelle Valérie Tong Cuong nous raconte l’histoire de cette famille havraise, sous l’Occupation allemande, pendant la Seconde Guerre mondiale. Une fois en main, on le lit d’une traite. Le lecteur n’est pas nécessairement happé mais plutôt délicatement entrainé. Plongée dans ce roman, j’avais la sensation d’être confortablement installée dans une barque me laissant porter au rythme régulier des flots, vers une autre époque, d’autres lieux. Valérie Tong Cuong, excelle dans l’art de donner vie à ses personnages, à une époque, à ses décors. Elle nous fait voyager du Havre à l’Algérie, le dépaysement est total. La prose musicale et harmonieuse de l’écrivain rend accessible ce livre à tous. Ce n’est pas pour autant, que cette fluidité de l’écriture atténue la profondeur du récit, bien au contraire cela renforce l’intensité de la narration. J’ai découvert la plume de Valérie Tong Cuong grâce à cet ouvrage, je ne peux que le conseiller 🙂

Résumé

Par amour, n’importe quel être humain peut se surpasser. On tient debout, pour l’autre plus encore que pour soi-même. V.T.C

Valérie Tong Cuong a publié dix romans, dont le très remarqué Atelier des miracles. Avec cette fresque envoûtante qui nous mène du havre sous l’Occupation à l’Algérie, elle trace les destinées héroïques de gens ordinaires, dont les vies secrètes nous invitent dans la grand histoire.

JC Lattès

booksnjoy - par amour - valérie tong cuong

Une fresque familiale entre le Havre et l’Algérie coloniale

Avec son roman Par amour, Valérie Tong Cuong décortique avec brio la complexité et la dualité des sentiments des membres d’une même famille pendant l’Occupation allemande. Le récit se construit autour de deux soeurs : Émélie, l’ainée, et Muguette, la cadette. Émélie, est aussi sérieuse, que Muguette est évaporée. Émélie, est le socle de la famille, elle la porte à bout de bras, se montre fiable et raisonnable. Elle joue son rôle d’ainée et par là, de mère de substitution auprès de sa soeur, afin de l’aider à surmonter les épreuves qui jalonneront sa vie. Muguette a épousé un homme léger, absent du roman, puisque mobilisé puis fait prisonnier. Chacune des deux soeurs a deux enfants, un garçon et une fille. Émélie pourra compter sur son fils ainé : Jean, chez qui l’on retrouve des traits maternels, tels que l’engagement, la fiabilité et le courage. La cadette, Lucie, sera plus effacée et fera preuve de moins d’héroïsme que son frère. Celle-ci, n’aura que peu de scrupules à se séparer de sa famille pour se mettre en sécurité. Joseph, quant à lui, est le fils de Muguette. Il se montrera stoïque face aux terribles épreuves qu’il aura à surmonter. Il endossera le rôle du père – absent puisque coureur en temps de paix et envoyé au front en temps de guerre – et de la mère – puisque tuberculeuse – avec sa petite soeur, Marline. On découvre dès le début du roman, que Marline est frappée d’un mutisme, mis sur le compte du stress post-traumatique causé par la guerre. Seul l’amour d’une famille adoptive algérienne, pleine de chaleur, saura lui faire recouvrer la parole. Le rôle joué par les familles algériennes pendant la Seconde Guerre mondiale a été une vraie découverte, en ce qui me concerne. J’ai été touchée par la générosité prodiguée par ces familles à l’encontre des enfants ayant du fuir la métropole. Jouer le rôle de famille de substitution pour des enfants étrangers, alors que pour certains leurs progénitures combattaient au front, n’a pas du être évident. Valérie Tong Cuong, décrit avec réalisme la manière dont ces familles font preuve de générosité. Elle n’omet pas d’évoquer les réalités de l’époque. Elle décrit notamment la dureté avec laquelle les pieds-noirs s’adressaient aux musulmans, les traitant de bicot. Ce climat dans les colonies annonce les prémisses de ce qui donnera lieu quelques années plus tard à la guerre d’Algérie. Les deux personnages que j’ai le plus appréciés sont les deux ainés : Joseph et Jean. Ils endossent avec bravoure le rôle de chef de famille, et font preuve d’un courage à toute épreuve.

Des sentiments complexes décortiqués avec justesse

Valérie Tong Cuong dissèque avec minutie la dualité des sentiments qu’implique la guerre. En effet, à chaque fois qu’un choix est fait, qu’une décision est prise, le personnage est tiraillé non pas entre le bien et le mal – qui en temps de guerre sont des notions relativement creuses et abstraites – mais entre le sentiment de faire ce qui est juste et la culpabilité qui en découle. Joffre, après la capitulation de la France dès l’été 1940, rentre chez lui vaincu. Ce retour, qui fait écho à une défaite amère pour les soldats français, va se solder chez lui par un éloignement de sa femme et de ses enfants. Il se montrera agressif à leur encontre, ne parvenant pas à trouver les mots pour évoquer sa frustration et la culpabilité d’avoir échouer à défendre les intérêts de son pays. Seule l’évocation de forces résistantes, parvient à le sortir de sa torpeur. Néanmoins, les choix qu’il fera supposeront une mise à distance de sa famille. On imagine la difficulté de mener une double existence, qui implique de ne récolter que la désapprobation de la part des siens, qu’il tente par là même de protéger. D’un côté, Joffre, passera pour un traitre et un « collabo », auprès de sa propre famille, du fait de sa collaboration feinte avec les allemands. D’un autre côté, il devra assumer le danger, qu’implique son engagement dans la résistance, pour sa famille. J’ai choisi un passage où le désespoir et la culpabilité de Joffre sont flagrants :

« L’idée me traversait de loin en loin, de part en part, que peut-être mon geste n’avait rien à voir avec Anton, mais plutôt avec moi, avec cette cuisante défaite dont la brûlure ne se calmait pas – peut-être que j’avais seulement trouvé l’occasion d’être un héros puisque je ne l’avais pas du tout été sur le champ de bataille, et peu en résistance. »

Sa femme, Émélie, sera, elle aussi, déchirée par le poids des décisions à prendre au nom de la protection de sa famille. Elle prendra en main la guérison de sa soeur, atteinte de tuberculose, ainsi que l’envoi de ses neveux en Algérie. Valérie Tong Cuong, retranscrit avec virtuosité, cet enchevêtrement de sentiments contraires. Le thème de la séparation est omniprésent dans ce roman. Les mères devant se séparer de leurs enfants, les maris partis au combat, la maladie, la mort… Ce qui rend ce roman très beau, c’est la manière avec laquelle l’auteur valorisent les liens familiaux et l’amour que se portent chacun des membres de cette famille. Il n’y a aucun jugement, aucune dureté de ton. Elle a construit le roman de telle sorte que chaque personnage a un chapitre qui lui est consacré – ou plusieurs selon l’importance de celui-ci. Dès lors, on voit à travers leurs yeux le cours des événements. Cette focalisation interne est particulièrement judicieuse, car elle permet au lecteur de s’attacher aux personnages. On a accès à leur ressenti, ce qui nous donne des clés de compréhension.

La fille cadette de Muguette, Marline, sera déchirée entre l’amour maternel et son attachement pour sa famille d’adoption. N’étant qu’une enfant, il lui est compliqué de faire la part des choses. L’absence atténue le manque. Et la nature, ayant horreur du vide, cherche à combler le manque d’affection maternelle en y substituant l’amour d’une mère par procuration. Marline, se sent donc déchirée entre son désir de rester auprès de cette famille algérienne et celui de retourner chez elle auprès des siens. On conçoit sans peine, la douleur que cela a du être pour ces familles, de se séparer d’enfants, qu’ils ont vu grandir pendant toute la durée de la guerre.

Conclusion

Le roman de Valérie Tong Cuong m’a transportée ! L’écriture mélodieuse y est pour beaucoup, j’y consens, mais elle n’est pas l’unique raison de mon engouement pour cet ouvrage. Je me suis attachée aux personnages, j’ai vibré au rythme de leur vie. Une fois qu’on commence ce roman, impossible de le lâcher, on a envie de connaitre le destin de cette famille. L’auteure éveille la curiosité du lecteur tout au long du récit, sans jamais que celui-ci ne s’essouffle. La famille survivra-t-elle à la guerre ? Ses membres resteront-ils soudés face à l’adversité ? Autant de questions que je laisse en suspens, pour vous encourager à lire cet ouvrage d’une grande poésie 🙂

Partager

Une mère, Alejandro Palomas : une tragi-comédie ibérique

Une mère, est le premier roman d’Alejandro Palomas, publié aux Éditions du Cherche Midi, à être traduit en Français et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’est pas passé inaperçu. Ce livre a été relayé par la presse, les réseaux sociaux, les blogs… J’ai donc fini par me pencher sur cet ovni à la couverture bariolée. 😉 Je n’ai pas été déçue, et ce pour plusieurs raisons. De manière générale, si un livre ne parvient pas à capter mon attention au cours des 100 premières pages, j’ai tendance à le mettre de côté, car je sais que la lecture s’annoncera longue et fastidieuse. Or, Alejandro Palomas a su me prouver le contraire. Le début, ne m’a pas convaincu. Puis, au fil des pages, les membres de cette famille, pour le moins atypique, ont su capter mon attention. Ma curiosité s’est aiguisée. J’ai eu envie de découvrir le cheminement de chacun. Quelle était leur histoire. L’originalité de ce livre réside dans sa profondeur. Je m’explique, le thème central – je précise qu’il s’agit du thème qui en ce qui me concerne me paraît central, n’apparaît qu’à partir du milieu du roman, pas avant. Ce qui signifie, qu’avant d’atteindre la moitié du roman, je trouvais celui-ci confus. Je ne comprenais pas où l’auteur souhaitait nous emmener, quel était le point de chute. Selon moi, ce roman est tout sauf une comédie. Encore une fois, je précise que cela n’engage que moi, et que chacun aura une lecture, et par conséquent un ressenti, qui lui est propre. Là est toute la richesse de la littérature. 😉

Résumé

Barcelone, 31 décembre, Amalia et son fils Fernando s’affairent en attendant leurs invités. En ce diner de la Saint-Sylvestre, Amalia, 65 ans, va enfin réunir ceux qu’elle aime. Ses deux filles, Silvia et Emma ; Olga, la compagne d’Emma, et l’oncle Eduardo, tous seront là cette année. Un septième couvert est dressé, celui des absents. Chacun semble arriver avec beaucoup à dire, ou, au contraire, tout à cacher. Parviendront-ils à passera un diner sans remous ? Entre excitation, tendresse et frictions, rien ne se déroulera comme prévu.

Éditions du Cherche Midi

booksnjoy - une mere - alejandro palomas

Le thème du deuil et de l’absence de l’être aimé

La solitude et l’absence sont les thématiques principales abordées par l’auteur, sous couvert d’un humour décapant. En me plongeant plus en avant dans l’ouvrage, j’ai pris conscience, petit à petit, que ce roman traitait de l’absence des êtres chers et de la solitude consécutive à cette absence. La thématique du deuil, est omniprésente. J’irais même jusqu’à dire qu’elle forme la colonne vertébrale du récit. L’action a lieu le soir de la Saint-Sylvestre, l’occasion pour l’auteur de réunir chaque membre de cette famille rocambolesque pour faire un bilan de parcours. Chacun aura droit à son aparté, sa digression : occasion pour nous, lecteur, de découvrir ce qu’il se cache derrière ces masques. De comprendre le cheminement de chacun de ces êtres marqués par la vie. Chaque personnage, a à faire face à une perte de nature différente. Fernando devra accepter une rupture amoureuse douloureuse, Emma la mort de l’être aimé et Silvia la perte d’un enfant, provoquant dans son sillage une stérilité précoce. On est confronté au deuil sous toute ses facettes. C’est bien là que l’auteur veut nous attirer. Je ne l’ai compris qu’à la page 126, ce fut comme un déclic ! 🙂 C’est le moment que l’auteur choisit pour nous exposer le drame auquel a été confronté Silvia. Petite remarque soit disant passant :  on se rend très vite compte que nous sommes spectateurs d’une pièce de théâtre, chaque tournure est bien huilée et ainsi, permet à chaque personnage d’avoir un temps de parole qui lui est imparti. Revenons-en à cette illumination concernant la volonté de l’auteur. Une phrase, en particulier, a agi sur moi comme un électrochoc :

« Ce qu’Olga ignore et que peut-être personne ne lui apprendra jamais, c’est que, comme le disait grand-mère, nous sommes tous ce que nous sommes par ce que nous avons vécu. La Silvia qu’elle est – celle qu’elle est aujourd’hui – n’a pas toujours été ainsi. Une Silvia différente a existé, quand elle n’avait pas pas encore traversé ce qui l’a fait changer et devenir ce quelle est; une Silvia bien plus détendue et vitale, et surtout plus joyeuse. »

Au méli-mélo de sentiments et à la succession de situations grotesques du début du roman, succède une profondeur des sentiments à mesure qu’on approche de l’épilogue.

Après le choc, la reconstruction ?

Alejandro Palomas soutient qu’à la multiplicité de formes que peut prendre le deuil, fait face une diversité de  reconstruction possibles. LA solution, unique et optimale, n’existe pas. Chacun devra trouver sa réponse, faire ses choix à son rythme. Le lent processus de deuil que devra entreprendre Emma est l’occasion pour l’auteur d’évoquer sa conception de la reconstruction. C’est d’ailleurs un des passages les plus beaux du roman :

« Car parfois il arrive des choses qui nous affectent de telle manière qu’elles importent d’abord seulement en elles-mêmes, parce qu’elles ont une telle charge et une telle dimension humaine que le cerveau n’est capable de les comprendre que comme un ensemble fermé. Puis le temps se charge de nous montrer que, malgré sa brutalité, ce qui importe réellement n’est pas tant l’impact que l’onde de choc, celle-là même qui replace les pions sur l’échiquier de la vie et change un paysage que nous croyions jusque là immuable […] Et ce sont souvent les dimensions que le temps accumule sur les évènements qui donne la mesure de ce qu’on a vécu. C’est exactement ce qui est arrivé avec Sara. Il y a eu d’abord un fait réel qui est tombé dans la vie d’Emma comme une pierre dans l’eau, puis les ondes circulaires de son impact nous sont parvenues, nous secouant comme les bouées accrochées aux quais secouent les bateaux. Enfin, quand le calme plat est revenu, nous avons compris que nous n’étions plus les mêmes. Aucun d’entre nous. »

Je trouve que la manière qu’à l’auteur de formuler cette idée de choc, puis de rééquilibrage naturel, est très délicate. Chacun devra trouver un nouvel équilibre. Fernando se plongera dans le travail, Silvia érigera comme rempart de protection une agressivité féroce et Emma fera une fuite en avant, refusant d’affronter une vérité trop douloureuse à accepter. Une très jolie métaphore permet d’apprécier les chemins choisis par chacun d’eux : celui des tableaux en liège exposés chez la mère. Chacun des enfants a un tableau qui lui est propre où Amalia épingle les éléments relatifs à la vie de ses enfants. On retrace ainsi le parcours de chacun d’eux. Ce procédé offre une visibilité claire quant à la vie qu’ils ont décidé de mener après ces points de rupture. Si je devais résumer cette idée, je dirais qu’à chaque situation il y a une solution. La solution pour Emma, est celle imaginée par sa mère : la Chaise des Absences. Le couvert invariablement présent aux repas de famille qui matérialise l’absent et permet aux vivants de respirer plus sereinement. Cet ouvrage est empreint d’humanité et de bienveillance, il n’y a pas de place pour le jugement. À aucun moment, les tentatives de chacun pour sauver sa peau – parfois fantasques – ne font l’objet de moqueries.

Un optimisme à tout épreuve comme méthode de résilience : « On ne peut pas trouver la paix en évitant la vie »

« On ne peut pas trouver la paix en évitant la vie, Leonard. » The Hours, Virginia Woolf

Quel épigraphe, que cette note optimiste et pleine de vitalité qui introduit le récit ! Cette citation : « On ne peut pas trouver la paix en évitant la vie, Leonard. » est prononcée par Virginia Woolf dans le film The Hours, tiré du roman homonyme de Michael Cunningham. Elle sonne dans la bouche de chacun des membres de la famille comme une incantation. Comme si, à force d’être répétée, celle-ci pouvait conjurer le mauvais sort, réparer les blessures et donner l’énergie de se relever. Elle ponctue à intervalles réguliers le récit. C’est le leitmotiv de cette famille, ce qui lui permet d’être encore là, bancale, mais là. La mère incarne parfaitement cette citation. À première vue, celle-ci apparaît comme totalement siphonnée, il n’y a pas d’autre terme plus adéquat il me semble pour la décrire. Chaque sujet évoqué pendant le diner est l’occasion pour Amalia de déraper. Le personnage d’Amalia me dérangeait et m’agaçait sans que j’arrive réellement à mettre de mots dessus. Puis, j’ai compris ce qui me dérangeait. C’est que cela sonnait faux. Cette exubérante à outrance, ce côté naïf, n’était qu’une façade. Un voile visant à la protéger de la réalité. À partir du moment où j’ai cerné le personnage, alors j’ai cessé de me braquer. L’auteur utilise une image pour décrire cette dualité chez ses personnages : la face A et la face B. La face A de la mère fait écho à sa folie et ses enfantillage.  Cette face est celle qui provoque chez moi un certain agacement, car bon nombre de dialogues dans ce roman frôlent l’absurdité et par là même ne me paraissent absolument pas crédibles. Ces monologues maternels, pour être sincère, je les survolais. La face B, quant à elle, fait référence à la femme adulte qu’est Amalia, à la mère de famille. Cette face, est celle qui m’a le plus touchée.

Une construction cinématographique qui désarçonne

J’en viens à ce qui m’a dérouté dans ce roman. Car, oui, j’ai aimé Une mère d’Alejandro Palomas, mais je lui trouve également quelques points négatifs. La construction et le rythme du récit auraient été parfaits si au lieu d’un livre, Alejandro Palomas avait décider d’en faire un scénario de film. En effet, il n’y a pas de linéarité dans ce récit. Ce livre m’a fait penser au film Le prénom de Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte, adapté de leur pièce de théâtre éponyme. Le rythme est soutenue, les dialogues fusent, on ne s’ennuie pas une seconde. L’adaptation filmique d’Une mère permettrait au livre de prendre toute son ampleur, mais sous forme de roman on le sent limité. L’énergie est retenu par les mots, qui limitent la portée de ce que l’auteur tente de transmettre. Je trouve que ce n’est pas la forme la plus adaptée pour un tel récit. Je prendrais plus de plaisir à le voir jouer sous forme de pièce ou adapté au cinéma, qu’à le lire sous forme de roman.

booksnjoy - une mere - alejandro palomas

Conclusion

Enfin, ce que j’ai aimé dans cet ouvrage ce n’est pas tant le diner, ponctué de monologues maternels à la limite du grotesque ou de dialogues animés, que l’histoire de chacun des membres de cette famille. Comprendre le cheminement de chacun m’a plus touché que d’assister aux interactions entre eux, qui auraient offert un meilleur rendu en étant filmées. Ce roman ibérique délivre un très beau message d’espoir : rien n’est acquis, mais ce n’est pas pour cela que la peur de souffrir doit nous empêcher de vivre. Les notions de deuil et de résilience, qui sont centrales, sont abordées avec finesse et délicatesse. Ce roman offre une belle leçon de vie, même si je maintiens que sous forme de film, le message aurait été mieux délivré. Néanmoins, je trouve l’éditeur quelque peu ambitieux et présomptueux, lorsqu’il affirme que ce  livre a enflammé l’Espagne.

Partager

Un fils parfait, Mathieu Menegaux : un roman coup de poing

Je ne vois pas comment je pourrais commencer cet article sans d’emblée annoncer la couleur : le roman Un fils parfait de Mathieu Menegaux est une petite merveille, un joyau, un diamant brut !!!! 😀 C’est un roman coup de poing, aucun lecteur ne peut sortir indemne de sa lecture. L’auteur aborde un sujet tabou, l’inceste, avec finesse et dextérité. Le sujet est omniprésent, tout le roman se construit autour de ce terrible drame familial, mais à aucun moment je n’ai été écoeurée par ce que je lisais, car l’auteur a su trouver les mots justes, il maîtrise du début à la fin son récit, de telle sorte qu’il fait mouche sans basculer dans le pathos. C’est là que réside la force de ce roman et de son auteur ! On assiste au combat livré par une mère pour protéger ses enfants contre un père manipulateur et une justice inepte. L’auteur nous plonge dans les affres de l’engrenage judiciaire. On asphyxie face à l’injustice de la situation, injustice qui devient de plus en plus oppressante au fil des pages.

Résumé

Maxime, enfant unique d’Élise, a tout du fils parfait : brillantes études et carrière fulgurante ; c’est un mari aimant comme un père attentionné. Un jour, sa femme Daphné va découvrir la faille dans ce tableau idyllique. Le conflit est inévitable : il sera sans merci. Jusqu’où une mère doit-elle aller pour protéger ses filles et faire valoir ses droits, alors que personne n’accepte de la croire  ? Inspiré d’une histoire vraie, Mathieu Menegaux nous livre ici le récit du combat d’une mère contre la machine judiciaire.

Grasset

boosknjoy - un fils parfait - mathieu menegaux

L’histoire

Le sujet de l’inceste est relativement peu abordé en littérature. Je n’avais jamais eu l’occasion de lire un roman qui le traitait de façon aussi directe. Dans le magnifique roman Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan, ce sujet est abordé sans être pour autant décortiqué. Ici, l’intrigue réside dans le combat acharné de la mère, qui plus ou moins maladroitement, tente de protéger ses filles d’un père démoniaque. Comme je l’ai dit plus haut, certes le thème de l’inceste est omniprésent mais il n’est pas pesant. On se concentre bien plus sur la lutte de la mère que sur les détails des crimes du père. On assiste à la mise en branle de l’engrenage judiciaire qui resserre son étau autour de la mère, soit l’unique figure protectrice qu’il reste aux fillettes. La justice ne sort pas grandie de ce roman. On découvre par exemple, qu’il suffit de faire une excellente impression pendant une audition pour être lavé de tout soupçon et ainsi obtenir la garde pleine et entière des enfants dont on abuse, chapeau bas la justice ! Lorsqu’une femme tente de se dégager des pattes de son mari pervers, et qu’elle le gifle, celle-ci encourt une peine de prison pour coups et blessures. La gifle ayant été donnée dans le cadre familial, elle relève par conséquent directement du pénal !! On nage en plein cauchemar. On apprend qu’un mari potentiellement coupable d’actes déplacés très graves à l’encontre de ses enfants, peut faire pression en activant ses contacts pour que sa femme soit envoyée en hôpital psychiatrique pendant plusieurs semaines sans aucun contact avec l’extérieur. Sous prétexte que celle-ci, plus jeune avait été en proie à des phases d’anorexie. On est ravi de l’apprendre, c’est tout à fait rassurant.

« Moi j’étais jetée aux oubliettes, transférée de geôle en geôle, objet de mandat de recherches, je mobilisais un procureur, un commandant de police, l’I3P, les psychiatres de l’hôpital et pour un viol sur mes filles l’enquête allait commencer ? Selon que vous serez puissant ou misérable, les services de l’État prêteront foi à vos allégations ou piétineront vos droits les plus élémentaires […] j’allais dont être jugée pour les faits de violence conjugale que j’avais avoués, le procès aurait lieu dans dix semaines et d’ici là j’allais être placée sous contrôle judiciaire. »

Autre découverte intéressante, l’inceste en tant que tel n’existe pas dans le code pénal français, contrairement à d’autres pays où il fait l’objet d’une condamnation particulière.

« La seule loi qui permettait de punir Maxime serait celle qui définit le viol et l’agression sexuelle, ainsi que les relations sexuelles avec des mineurs de moins de quinze ans. Maigre consolation me disais-je, les peines encourues sont aggravées si les faits ont été commis « par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou devoir. »

Cette lacune de la législation française m’a profondément choquée, comment peut-on mettre sur le même plan une agression sexuelle et un inceste ? Les conséquences psychologiques sont tout de même différentes. L’impact dans le cadre familial, implique nécessairement un traumatisme d’une autre nature que celui provoqué par un inconnu. Je ne me prétends pas psychologue ou psychiatre, mais toute personne dotée d’un peu de jugeote est capable de tenir ce raisonnement.

« Un violeur, un agresseur, c’est un salaud, une ordure, un pauvre type, un malade; alors qu’un coupable d’inceste, c’est un monstre, un individu dont toute la société veut se débarrasser et se protéger. Mais non. Contrairement à beaucoup de nos pays voisins, il n’y a pas d’inceste en, France, notre société refuse d’admettre que cela existe et combien c’est plus grave encore que le viol. »

Ainsi, les deux chefs d’inculpation possibles sont soit l’agression sexuel, soit le viol. Je passe les nuances sordides à démontrer pour faire valoir l’un plutôt que l’autre… Sachant, je le précise qu’il faut également prouver que les fillettes ne sont pas consentantes !! Je me demande sincèrement, si les législateurs étaient en pleine possession de leurs moyens lors de la rédaction de ce texte de loi…

Choix de la focalisation interne

Le drame nous est conté à travers les yeux de Daphné, qui écrit une lettre à son ex belle-mère, soit la mère de Maxime. Pour rappel, la focalisation interne implique une vision limitée et subjective. Le narrateur n’est pas omniscient et ne possède pas le don d’ubiquité, il lui est impossible de connaitre les sentiments des autres protagonistes. Le choix de cette construction est particulièrement judicieux, puisqu’il permet à la fois de garder des zones d’ombre, et à la fois d’être au plus près de Daphné. De partager son angoisse maternelle.  Ainsi, nous n’avons pas connaissance des différentes procédures enclenchées après la plainte déposée par Daphné. On apprendra au même moment qu’elle, quelles sont les mesures et dispositions prises vis-à-vis des ses filles et de son mari. Les actions de Maxime, les mots qu’il emploie auprès de ses filles pour les manipuler et les empêcher de témoigner contre lui, nous seront passés sous silence. De même, la manière dont il s’y est pris pour activer les rouages de la machine judiciaire à l’encontre de son épouse, ne nous sont pas révélés. Cette ignorance renforce la frustration et l’angoisse que l’on partage avec Daphné. C’est terrible de ne pas savoir, de ne pas voir. On suit Daphné à travers les méandres d’une justice aveugle et discriminatoire, qui protège les violeurs et condamne les victimes.

Un style poignant, sec et tranchant 

J’ai trouvé que cet auteur s’inscrivait dans la même veine que Leïla Slimani ou encore Stefan Zweig – qui, je le rappelle pour ceux qui ne le savent pas encore, est mon auteur préféré. 😉 On a à faire à une écriture blanche, dénuée de pathos, d’emphase, sans aucun artifice, c’est ce qui rend le roman si poignant. Je suis une grande amatrice de ce type de littérature. Je trouve que le roman gagne en intensité et en profondeur à être écrit de manière brute et directe. L’appréciation est laissée entièrement au lecteur, à lui d’interpréter, il n’est pas influencé par des effets de style. L’écriture épurée donne du relief aux personnages, elle marque les contours, renforce les contrastes.

Les personnages : une vision manichéenne

Les parents renvoient à une vision quelque peu manichéenne du monde. En effet, Daphné incarne une mère courage prête à tout pour sauver ses enfants et Maxime un odieux pervers, manipulateur de surcroît. Pour autant, cela aurait pu faire basculer le récit dans le cliché de la mère seule face à tous, poncif récurrent en littérature et sur grand écran, mais ce n’est absolument pas le cas, bien au contraire. Daphné est sublime dans son rôle de mère, j’y ai totalement cru. Je me suis laissée entrainée avec elle dans les soubresauts de la machine judiciaire, et les coups tordus de son mari. Elle reste forte face à l’adversité, ne s’apitoie pas sur son sort et continue d’y croire. C’est un très beau personnage que nous dépeint Mathieu Menegaux. Maxime, lui, incarne le mal, la perversité tapie derrière un personnage qu’il a construit de toutes pièces, de père modèle et d’époux attentionné. Il fait froid dans le dos. D’ailleurs, j’en profite pour faire le parallèle avec le roman Chanson Douce de Leïla Slimani, dans lequel on avait également cette asymétrie d’information entre les individus d’une même famille. Ce manque d’information qui entraîne la cellule familiale vers l’explosion. Cela s’explique par l’aveuglement, le manque d’attention et la confiance que l’on accorde à une tierce personne. Cette confiance Daphné la donne à son mari, et il semble inconcevable que celui-ci n’en soit pas digne, comment aurait-elle pu se méfier ?

Conclusion

Vous l’aurez compris je pense, j’ai adoré ce livre 😉 Je l’ai lu d’une traite, impossible de le lâcher. Je ne peux que vous conseiller d’aller vous le procurer et de vous plonger dedans, car peu d’écrivain sont dotés d’un tel talent.

>>> Pour découvrir le premier roman de Mathieu Menegaux, c’est par ici !

Partager

Repose-toi sur moi, Serge Joncour : Prix Interallié 2016

Repose-toi sur moi, écrit par Serge Joncour, a reçu le Prix Interallié 2016 face à Petit pays de Gaël Faye et 14 juillet signé Éric Vuillard. N’ayant pas encore lu le roman d’Éric Vuillard, je ne peux pas vous dire lequel j’aurais choisi pour le moment, mais il est certain que je n’aurais pas fait le choix de Repose-toi sur moi face à Petit pays. Mon avis est très mitigé concernant ce roman. En effet, d’un côté on ne peut nier la qualité de la prose de Serge Joncour, son écriture est agréable, musicale, mais dans ce roman l’histoire ne prend pas. En tout cas, n’a pas pris pour moi. Évidemment, je ne donne que mon avis, j’imagine bien que ce roman a du toucher de nombreux lecteurs 🙂 Je ne trouve pas que ce livre méritait ce prestigieux prix littéraire, surtout face à Petit pays, mais n’étant pas juré je n’ai pas vraiment mon mot à dire 😉 Je vais vous expliquer tout au long de cet article le pourquoi du comment de ma déception, mais tout d’abord je vous laisse découvrir le résumé de l’ouvrage.

Résumé

Aurore est une styliste reconnue et Ludovic un agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes. Il n’ont rien en commun si ce n’est un curieux problème : des corbeaux ont élu domicile dans la cour de leur immeuble parisien. Elle en a une peur bleue, alors que son inflammable voisin saurait, lui, comment s’en débarrasser. Pour cette jeune femme, qui tout à la fois l’intimide et le rebute, il va les tuer. Ce premier pas les conduira sur un chemin périlleux qui, de la complicité à l’égarement amoureux, les éloignera peu à peu de leur raisonnable quotidien. Dans ce grand roman de l’amour et du désordre, Serge Joncour porte loin son regard : en faisant entrer en collision le monde contemporain et l’univers intime, il met en scène nos aspirations contraires, la ville et la campagne, la solidarité et l’égoïsme, dans un contexte de dérèglement général de la société où, finalement, aimer semble être la dernière façon de résister.

Flammarion

repose-toi sur moi-serge joncour-prix interallié 2016

Des personnages qui manquent de courage

Je n’ai ressenti aucun attachement pour les personnages au fil du roman. De manière générale, dans un livre il y a toujours un personnage qui me touche plus que les autres, qui fait écho en moi ou qui se démarque. Dans ce livre, je n’ai pas ressenti une seule fois cette sensation. Je trouve que les personnages crées par Serge Joncour manquent cruellement de courage. Je vais être tout  fait sincère, ils ont eu tendance à m’agacer. Avant de vous les décrire et d’expliquer pourquoi je n’ai pas été réceptive, je précise que l’histoire amoureuse entre Aurore et Ludovic a pour toile de fond la quasi-faillite de la société créée par Aurore. Je vous les présente tel que moi je les ai perçu :

  • Aurore. Ce qui m’a le plus déplu chez cette femme, c’est la désinvolture avec laquelle elle laisse sa société aller droit dans le mur, le fait qu’elle trompe allègrement son mari sans aucun remord et qu’elle entraîne dans sa chute son amant. Cette femme, n’a aucune stabilité, elle apparaît comme totalement irresponsable et insouciante. Je laisse au lecteur découvrir et interpréter comme bon lui semble le passage du lac glacé, mais ce passage reflète l’immaturité du personnage. Aurore est légère, elle laisse le soin aux autres de décider pour elle et leur laissent tirer les rênes de son existence. Elle ne fait preuve de courage à aucun moment, que ce soit pour se battre pour ce qu’elle a créé – soit sa société de mode – ou par amour. Aurore est loin d’être ce qu’on peut appeler une héroïne romantique. On ne l’imagine à aucun moment quitter son confort matériel, son statut social et vivre passionnément son amour pour l’homme qu’elle prétend aimer. Mon avis concernant ce personnage est très tranché, il est vrai que je ne lui trouve aucune qualité véritable humaine. Comme je l’ai dit au début de mon article, je ne donne que mon avis et il est évident que je conçois qu’on puisse ne pas du tout le partager. 😉
  • Ludovic est un homme « simple », issu d’un milieu paysan. Il est décrit comme grand, trapu et solide physiquement, ce qui convient tout à fait pour la mission qui lui sera confiée. À défaut d’être un preux chevalier, Ludovic va endosser le rôle de bodyguard auprès de sa bien-aimée. En effet, Aurore jouera avec lui comme avec une marionnette et tirera les fils un par un le conduisant à tous les excès. Je me suis demandée si cet homme était capable du moindre self-control, de la moindre maîtrise sur lui-même ou si j’avais à faire à un tarzan des temps modernes.
  • Richard – le mari d’Aurore – est un golden boy à qui tout réussi, en businessman averti il ne rencontre aucun échec. Là encore, on nage en plein cliché. Richard est absent, il n’a de cesse de passer des coups de fil aux quatre coins de la planète pour réaliser des « deals ». Le trait est forcé et n’a rien de crédible, je trouve. Égoïste et narcissique à outrance, il est aveugle aux problèmes de son épouse.

J’ai trouvé les personnages peu crédibles, ils manquaient de profondeur. Je pense que ce qui décrit le mieux mon ressenti, est qu’ils m’ont été antipathiques toute la durée du roman. Je suis assez dure, je m’en rends compte dans ma critique, mais je vous partage mon ressenti brut.

« L’histoire d’amour »

Maintenant, que je vous ai présenté les différents protagonistes – selon mon ressenti, je vais vous parler de « l’histoire d’amour » qui donne corps à ce roman. Je l’annonce sans détour : le couple que forment Aurore et Ludovic est très mal assorti et n’est pas crédible. Je n’ai pas cru une seule seconde à la sincérité de leurs sentiments. Lorsque Aurore dans un élan capricieux s’élance vers Ludovic et lui susurre qu’elle l’aime, je me suis repassée les plus belles histoires d’amour de la littérature – Jane Eyre, Anna Karénine, Roméo et Juliette… – et je me suis dit que l’amour en avait pris un sacré coup. Où sont passés les grands sentiments ? Ceux qui nous font braver vents et marées pour être auprès de celui qu’on aime ? De toute évidence, on ne les trouve pas ici. Le sentiment amoureux ne sort pas grandi de ce roman et si le couple qu’ils forment est censé incarner l’amour, alors encore vaut-il mieux s’abstenir. Leur couple est totalement asymétrique, Ludovic est la poupée d’Aurore qui exerce un contrôle total sur celui-ci. J’ai assisté à la tentative désespérée de deux personnes paumées de ne pas totalement sombrer. La construction du livre en une succession de scènes renforce le manque de fluidité dans le récit. En effet, j’avais l’impression de regarder une succession de plans sans réelle coordination, les transitions sont brusques et les scènes sans lien logique entre elles. J’ai lu plusieurs commentaires de lecteurs qui comparaient ce livre à un télé-film, je n’irai pas jusque là, mais je comprends ce qu’ils veulent dire par là. Hormis l’écriture, qui je le reconnais est très belle, je n’ai pas été transportée du tout par les personnages et leur histoire.

Conclusion

Je pense que vous avez compris que ce roman a été une déception pour moi. Je m’attendais à une magnifique histoire d’amour s’affranchissant des barrières sociales et faisant vibrer le lecteur. Malheureusement, l’histoire d’amour est bancale et peu crédible et les personnages antipathiques et agaçants. Néanmoins, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la lecture n’a pas été désagréable puisque Serge Joncour est un grand auteur. Je vais donc tout de même conseiller ce roman, qui, j’en suis sûre ravira de nombreux lecteurs plus enclins à être touchés par les personnages.

Si vous souhaitez découvrir d’autres ouvrages primés en 2016…

>>> Chronique du Goncourt 2016 en ligne ici !

Partager

VIP, Laurent Chalumeau : un thriller politique décapant

Sorti en mars 2017, le thriller politique sous haute tension signé Laurent Chalumeau agit comme un uppercut dès le premier chapitre. Personne n’en sortira indemne je vous le garantis ! À mi-chemin entre le polar et le brûlot, VIP dénote par son actualité et sa liberté de ton. L’auteur, fin connaisseur – puisque journaliste – du milieu des VIP – qui englobe à la fois le show-biz et le politique dans le cas présent – nous offre un récit savoureux et n’épargne personne. Attention, l’auteur précise que toute ressemblance avec la réalité serait fortuite et involontaire. 😉 Je propose que chacun se fasse son propre avis.

Résumé

Quand le scoop est une bombe et le voyeur un témoin… Au départ, juste un plan « presse people » ordinaire : fenêtre sur couple. Violation intime. Paparazzo en planque pour coincer une vedette et son nouvel amant. Mais ça dérape. Et grave ! En lieu et place de « sexe chez les riches et célèbres », il assiste à un  carnage. Que faire de ces images susceptibles d’embraser le pays ? À qui confier ces preuves qui lui brûlent les doigts ? Police ? Justice ? Politiques ? Médias ? Tous pourris ? Tous de mèche ? Vraiment ?Dans ce thriller vaudeville qui passe en revue (et à la moulinette) nos élites mâles et blanches, Laurent Chalumeau tire les ficelles tranchantes de ses marionnettes et mêle, en les détournant, les genres policiers – le film de série Z, l’épisode des Experts ou la politique fiction-paranoïaque. Quand la partie de Cluedo se déroule chez les VIP, on jubile.

Grasset

booksnjoy - vip - laurent chalumeau

Une écriture acérée et un style caustique

Il faut savoir que ce livre, dès le premier chapitre, vous happe. On ne s’y attend pas et pourtant on est devenu spectateur de la scène violente, sur laquelle va reposer toute l’intrigue. On est comme ces voyeurs, qui ne peuvent s’empêcher de regarder alors qu’ils devraient, selon toute vraisemblance, détourner les yeux. Mais on n’y parvient pas. Pourquoi ? Car Laurent Chalumeau manie très bien l’art de capter le lecteur, d’agir sans préliminaires, sans nous prévenir que nous allons sortir de ce premier chapitre nauséeux et mal à l’aise. Et c’est tant mieux, l’effet de surprise n’en est que plus intense ! L’auteur a fait le choix d’utiliser le vocable des protagonistes, donc dès le début du livre, nous avons le droit à un langage particulièrement vulgaire. Le premier chapitre est un florilège de grossièretés tels que « pétasse », « salope », « pute », « traînée » et j’en passe… Cela a légèrement bloqué ma lecture, puis j’ai fini par m’habituer au style de l’auteur et à la langue. Une fois l’étonnement passé, je trouve que ça renforce l’impression d’être en immersion dans ce milieu. Je vous cite un passage pour vous montrer ce que j’entends par là :

« C’est ça, en fait, que Patrice reproche à la pétasse. De faire semblant d’ignorer qu’elle et lui, en réalité, ils sont collègues. Ils bossent dans le même cirque, chacun à son étage. Toi, tu bronzes nibes à l’air sur le yacht d’un gros porc pété de tunes, tu trompes ton mec metteur en scène avec un animateur télé ou sportif, t’oublie de mettre ta culotte et moi, à chaque fois, je suis là et je shoote. C’est juste un job. C’est ton boulot. C’est à ça que tu sers. Si t’en à marre, pas grave, arrête. Arrête tout. Fais chômeuse. T’as cinquante connasses prêtes à prendre la relève. Alors ferme ta gueule, t’as compris ? Ferme ta gueule. »

Je vous rassure tout le livre n’est pas écrit sur ce ton, mais je trouve que cette vulgarité du paparazzo est révélatrice de la férocité de son ressentiment à l’égard de l’actrice. Laurent Chalumeau tire à boulets rouges sur le milieu des VIP et ne prend pas de gants pour le faire. La passage de l’enterrement de l’actrice est particulièrement savoureux :

« Journée commencée fort : dès la matinée, obsèques de la Carvais. Même cirque que d’hab, tout dans les règles : église Saint-Roch, paroisse du spectacle – où ces mécréants ne vont jamais, à part pour, justement, enterrer des collègues. L’occase de grimper un escalier, comme à Cannes. Juste le nombre de marches et la couleur du tapis qui changent […] Grande parade. Line Renaud, obligé, puisque quelqu’un est mort. La reine Deneuve, raccord : en majesté et l’air de se faire chier. Baye, Huppert, rien à faire, cran en dessous. Puis le peloton des quadras : Kiberlain, Zylberstein, Ledoyen, Mastroianni, Léa Drucker, Emma de Caunes, Gayet […] »

Un polar brûlant d’actualité

Laurent Chalumeau aborde des thèmes actuels, tels que le statut pénal du Chef de l’État. Comment un homme de cette envergure peut-il ne pas payer pour des crimes aussi abjects ? Jusqu’à quel point doit-il bénéficier de l’immunité que lui confère son statut ? L’irresponsabilité pénale est-elle justifiable dans le cas présent ? Peut-il s’en sortir ? Tout au long du roman, je n’en croyais pas mes yeux, on en devient écoeuré. L’enquête si on peut appeler ça une « enquête » reste au point mort. Le politique s’ingère dans la justice et nous assistons à une inertie des procédures judiciaires, à une mise sous tutelle de la magistrature – donc de la justice – par le politique. Et finalement, ce n’est pas si choquant. Il suffit d’ouvrir un journal ou bien d’allumer la radio pour que l’on se rende compte que la réalité dépasse bien souvent la fiction. Laurent Chalumeau dénonce – sujet également hautement d’actualité – la connivence entre journalistes et politiques, ce qui conduit à la mise sous tutelle des médias. Liberté de la presse, liberté de la presse…hum hum à d’autres.

« La salle des fêtes est remplie, en dépit de la date. Mais passé le 15 août, ça commence à rentrer. Très beau monde, comme de juste. Mêmes que d’hab : industrie, thune, politique, médias. Teints halés de saison. Ce qu’il faut comme mis en examen et témoins assistés pour donner du tanin à l’assistance. Ça cancane. Ça réseaute. Ça connive. Les « élites » endogames, incestueuses, prisent sur le fait. L’establishment tel que se le représentent ceux, rouges ou bruns, qui veulent le déboulonner. » 

Ces hommes politiques, journalistes, célébrités et parasites virevoltant dans leur sillage, forment un délicieux pot pourri, qui ne cesse page après page d’interpeller le lecteur. Les puissants agissent en toute impunité et on n’en revient pas. Laurent Chalumeau fait état d’une société malade, dirigée soit par des pantins soit par des hommes à la moralité douteuse. Entre la peste et le choléra…choix cornélien.

booksnjoy - vip - laurent chalumeau

La fin…

Attention, je vous conseille de passer votre chemin si vous n’avez pas encore eu le plaisir de plonger votre nez dans ce thriller de haute voltige !! 😉

Le thriller de Laurent Chalumeau m’a, dans l’ensemble, transportée, j’ai adoré l’intrigue ainsi que l’écriture. Je précise que je savais à peu près à quoi m’attendre. J’ai abordé cet ouvrage plus comme une étude sociologique relatant les dérapages de nos « élites » politiques, que comme un polar à proprement parlé. L’intrigue est l’occasion pour Laurent Chalumeau de réaliser une critique acerbe de notre société. J’ai assez vite compris qu’il n’y aurait ni enquête, ni procédures visant à trouver le meurtrier. Donc, si ce que vous cherchez est un bon policier écrit dans les règles de l’art, alors je pense que vous allez être déçu. 🙂 Néanmoins, pour être totalement sincère, je suis restée sur ma fin. Puisque fin, il n’y a pas à vrai dire. J’ai eu l’impression que l’auteur n’avait pas pu finir son livre et qu’on lui avait arraché le manuscrit des mains…

Conclusion

J’ai adoré ce thriller politique et je le recommande. Laurent Chalumeau signe un polar sous haute tension, renforcé justement pas l’absence du coupable tout au long du récit. L’écriture est libre et incisive. J’ai tout simplement dévoré ce polar ! Je file me procurer les autres ouvrages de cet auteur, que je n’avais pas encore eu l’occasion de lire. En fin connaisseur de ces milieux, j’espère que Laurent Chalumeau restera dans la même veine et nous offrira un roman tout aussi jubilatoire que VIP ! 🙂

Partager