Laurine Roux nous offre une délicieuse parenthèse de douceur et de volupté dans laquelle on se laisse délicatement glisser. Sous l’effet des mots, notre corps se détend, notre esprit s’évade, on se laisse emporter par la musique de la langue qui chante une nature triomphante. La civilisation telle qu’on la connaît a disparu, victime d’une guerre dont la cause est méconnue. Dès lors, dans ce monde imaginaire, la nature déchue reprend ses droits. L’homme renoue avec ses instincts primaires. Les corps communient avec la matière. Se nourrissant de la lumière et des richesses de la terre. Dans cet univers cruel, une jeune fille enterre sa grand-mère. Confrontée à la solitude et n’ayant plus d’endroit où s’abriter, elle se met à marcher. Son corps est épuisé et finit par céder. Elle est recueillie et soignée par des étrangers. C’est dans ce foyer qu’elle rencontre Igor. L’apparition électrise son corps. Elle est subjuguée par la beauté de cet homme au corps de titan doté d’une aura magnétique. L’homme éveille en elle des désirs charnels, quelque chose d’animal tapi en elle. À l’écoute de ses sensations et intimement convaincue de la justesse de ses intuitions, elle se laisse guider. L’amour avec Igor lui apprend la patience, les vertus du silence mais plus que tout la résilience. Accepter ce qui est, sans chercher à infléchir ce qui doit arriver. Laurine Roux décrit avec beaucoup de poésie le voyage initiatique de cette jeune fille, qui très tôt fait l’expérience de la solitude et sera amener à composer avec la mort. Elle apprendra à apprivoiser la douleur consécutive à la perte de l’être aimé. La plume de Laurine Roux décrit une nature grandiose, toute puissante, au sein de laquelle l’homme n’est qu’un élément. Elle signe un récit lumineux, d’une grande sensualité. Un conte préconisant un retour à des émotions plus naturelles permises par une écoute attentive de nos instincts humains. Ce retour à l’essentiel étant source d’harmonie et de paix.
Lecture cocon
Il est des lectures que l’on n’a pas envie de quitter, Une immense sensation de calme est de celles-ci. Laurine Roux imagine un monde post-apocalyptique à la manière d’une dystopie. La guerre a tout dévasté, éradiquant toute une génération d’hommes. Les enfants, pour beaucoup, ont perdu leurs parents ou ont été abandonnés. Rodant près des foyers à la recherche de quoi se sustenter, ils sont chassés. Ce sont les invisibles. De vieilles superstitions conseillent de ne pas les approcher. Les Anciens sont incapables de faire allusion à l’ancien monde. Ils gardent le silence sur cette époque d’un autre temps, dont l’évocation permettrait pourtant d’éclairer le présent. C’est à travers les histoires racontées par les femmes ayant vécu avant le Grand-Oubli, que la narratrice découvre le monde d’avant. La violence des hommes et la souffrance des femmes répudiées. Portant le sceau de leur infamie même une fois bannies. La maternité est au cœur du roman, rappelant ce pouvoir qu’exerce la femme sur le monde. La matrice retrouve sa fonction de puissance créatrice. De là les femmes tirent leur force. Une immense sensation de calme reste longtemps en mémoire après l’avoir refermé. Laissant infuser lentement les idées évoquées. Laurine Roux livre un texte relativement court, dont une relecture permet d’en mieux cerner les subtilités.
Conclusion
Une immense sensation de calme est un premier roman réussi. Laurine Roux parvient à envoûter le lecteur et à l’immerger dans son univers, pure construction de son imagination. Sa manière de décrire les paysages et la communion de l’homme avec la nature est d’une grande beauté. Une très jolie découverte, à lire si vous avez envie de vous évader ! 😉
Mon évaluation : 4/5
Date de parution : 2018. Grand format aux Éditions du Sonneur, 128 pages.
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