« Bienvenue au Far North », à Salluit, un petit village inuit, où les Blancs en quête d’exotisme séduisent les Autochtones le temps d’un été, et repartent le cœur léger. Dans ce premier roman étincelant, Juliana Léveillé-Trudel célèbre la beauté féroce du Grand Nord canadien. Ses terres reculées régulièrement colonisées, suscitant la convoitise des étrangers en quête de liberté. Liberté, dont les habitants semblent eux-mêmes privés. Riche des récits qu’elle a récoltés, l’auteure raconte des destins brisés, ravagés par la drogue et l’alcool, minés par la détresse qui finit par étreindre ces peuples nomades jugés inadaptés aux yeux de la société, réfractaires à l’idée d’épouser le modèle que des générations de missionnaires ont tenté de leur imposer. Des proies qu’il est aisé d’acculer. En inuktitut, Nirliit signifie oie. À l’instar des oiseaux migrateurs, chaque été l’héroïne quitte Montréal pour l’Arctique canadien. C’est là, qu’Eva a disparu. Son corps n’a jamais été retrouvé. Resurgira-t-il des eaux profondes du fjord, où il a certainement été jeté, lors de la débâcle des glaciers ? L’héroïne se souvient de son amie. De la relation tumultueuse qu’elle entretenait, un triangle amoureux périlleux que la jalousie a fini par alléger. À travers elle, c’est tout un peuple qui se dessine, décimé par les excès, mais bouillonnant de vie. Aux confins de l’arctique, l’alcool offre un refuge, une promesse d’évasion dans un quotidien éreintant. Échauffés par la boisson, les sentiments sont exacerbés. Les hommes cognent, les femmes retrouvent leurs instincts primaires et des filles-mères à peine pubères – parfois, souvent violées, confient l’éducation de leur bébé à la communauté. Juliana Léveillé-Trudel nous raconte ces vies fulgurantes, fauchées à peine entamées, des étoiles filantes et incandescentes. Ce roman d’une éclatante beauté est aussi un coup de gueule contre les occidentaux pour qui la saison estivale au sein de ces communautés prend des allures de parenthèse enchantée. Nirliit est un texte engagé, rude et sauvage, aussi politique que poétique. Un chant d’amour somptueux.
À découvrir également aux Éditions de la Peuplade
- Ténèbre de Paul Kawczak
Date de parution : 2015. Grand format aux Éditions de La Peuplade, poche chez Folio, 192 pages.
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