Sorti en mars 2017, le thriller politique sous haute tension signé Laurent Chalumeau agit comme un uppercut dès le premier chapitre. Personne n’en sortira indemne je vous le garantis ! À mi-chemin entre le polar et le brûlot, VIP dénote par son actualité et sa liberté de ton. L’auteur, fin connaisseur – puisque journaliste – du milieu des VIP – qui englobe à la fois le show-biz et le politique dans le cas présent – nous offre un récit savoureux et n’épargne personne. Attention, l’auteur précise que toute ressemblance avec la réalité serait fortuite et involontaire. 😉 Je propose que chacun se fasse son propre avis.
Résumé
Quand le scoop est une bombe et le voyeur un témoin… Au départ, juste un plan « presse people » ordinaire : fenêtre sur couple. Violation intime. Paparazzo en planque pour coincer une vedette et son nouvel amant. Mais ça dérape. Et grave ! En lieu et place de « sexe chez les riches et célèbres », il assiste à un carnage. Que faire de ces images susceptibles d’embraser le pays ? À qui confier ces preuves qui lui brûlent les doigts ? Police ? Justice ? Politiques ? Médias ? Tous pourris ? Tous de mèche ? Vraiment ?Dans ce thriller vaudeville qui passe en revue (et à la moulinette) nos élites mâles et blanches, Laurent Chalumeau tire les ficelles tranchantes de ses marionnettes et mêle, en les détournant, les genres policiers – le film de série Z, l’épisode des Experts ou la politique fiction-paranoïaque. Quand la partie de Cluedo se déroule chez les VIP, on jubile.
Grasset
Une écriture acérée et un style caustique
Il faut savoir que ce livre, dès le premier chapitre, vous happe. On ne s’y attend pas et pourtant on est devenu spectateur de la scène violente, sur laquelle va reposer toute l’intrigue. On est comme ces voyeurs, qui ne peuvent s’empêcher de regarder alors qu’ils devraient, selon toute vraisemblance, détourner les yeux. Mais on n’y parvient pas. Pourquoi ? Car Laurent Chalumeau manie très bien l’art de capter le lecteur, d’agir sans préliminaires, sans nous prévenir que nous allons sortir de ce premier chapitre nauséeux et mal à l’aise. Et c’est tant mieux, l’effet de surprise n’en est que plus intense ! L’auteur a fait le choix d’utiliser le vocable des protagonistes, donc dès le début du livre, nous avons le droit à un langage particulièrement vulgaire. Le premier chapitre est un florilège de grossièretés tels que « pétasse », « salope », « pute », « traînée » et j’en passe… Cela a légèrement bloqué ma lecture, puis j’ai fini par m’habituer au style de l’auteur et à la langue. Une fois l’étonnement passé, je trouve que ça renforce l’impression d’être en immersion dans ce milieu. Je vous cite un passage pour vous montrer ce que j’entends par là :
« C’est ça, en fait, que Patrice reproche à la pétasse. De faire semblant d’ignorer qu’elle et lui, en réalité, ils sont collègues. Ils bossent dans le même cirque, chacun à son étage. Toi, tu bronzes nibes à l’air sur le yacht d’un gros porc pété de tunes, tu trompes ton mec metteur en scène avec un animateur télé ou sportif, t’oublie de mettre ta culotte et moi, à chaque fois, je suis là et je shoote. C’est juste un job. C’est ton boulot. C’est à ça que tu sers. Si t’en à marre, pas grave, arrête. Arrête tout. Fais chômeuse. T’as cinquante connasses prêtes à prendre la relève. Alors ferme ta gueule, t’as compris ? Ferme ta gueule. »
Je vous rassure tout le livre n’est pas écrit sur ce ton, mais je trouve que cette vulgarité du paparazzo est révélatrice de la férocité de son ressentiment à l’égard de l’actrice. Laurent Chalumeau tire à boulets rouges sur le milieu des VIP et ne prend pas de gants pour le faire. La passage de l’enterrement de l’actrice est particulièrement savoureux :
« Journée commencée fort : dès la matinée, obsèques de la Carvais. Même cirque que d’hab, tout dans les règles : église Saint-Roch, paroisse du spectacle – où ces mécréants ne vont jamais, à part pour, justement, enterrer des collègues. L’occase de grimper un escalier, comme à Cannes. Juste le nombre de marches et la couleur du tapis qui changent […] Grande parade. Line Renaud, obligé, puisque quelqu’un est mort. La reine Deneuve, raccord : en majesté et l’air de se faire chier. Baye, Huppert, rien à faire, cran en dessous. Puis le peloton des quadras : Kiberlain, Zylberstein, Ledoyen, Mastroianni, Léa Drucker, Emma de Caunes, Gayet […] »
Un polar brûlant d’actualité
Laurent Chalumeau aborde des thèmes actuels, tels que le statut pénal du Chef de l’État. Comment un homme de cette envergure peut-il ne pas payer pour des crimes aussi abjects ? Jusqu’à quel point doit-il bénéficier de l’immunité que lui confère son statut ? L’irresponsabilité pénale est-elle justifiable dans le cas présent ? Peut-il s’en sortir ? Tout au long du roman, je n’en croyais pas mes yeux, on en devient écoeuré. L’enquête si on peut appeler ça une « enquête » reste au point mort. Le politique s’ingère dans la justice et nous assistons à une inertie des procédures judiciaires, à une mise sous tutelle de la magistrature – donc de la justice – par le politique. Et finalement, ce n’est pas si choquant. Il suffit d’ouvrir un journal ou bien d’allumer la radio pour que l’on se rende compte que la réalité dépasse bien souvent la fiction. Laurent Chalumeau dénonce – sujet également hautement d’actualité – la connivence entre journalistes et politiques, ce qui conduit à la mise sous tutelle des médias. Liberté de la presse, liberté de la presse…hum hum à d’autres.
« La salle des fêtes est remplie, en dépit de la date. Mais passé le 15 août, ça commence à rentrer. Très beau monde, comme de juste. Mêmes que d’hab : industrie, thune, politique, médias. Teints halés de saison. Ce qu’il faut comme mis en examen et témoins assistés pour donner du tanin à l’assistance. Ça cancane. Ça réseaute. Ça connive. Les « élites » endogames, incestueuses, prisent sur le fait. L’establishment tel que se le représentent ceux, rouges ou bruns, qui veulent le déboulonner. »
Ces hommes politiques, journalistes, célébrités et parasites virevoltant dans leur sillage, forment un délicieux pot pourri, qui ne cesse page après page d’interpeller le lecteur. Les puissants agissent en toute impunité et on n’en revient pas. Laurent Chalumeau fait état d’une société malade, dirigée soit par des pantins soit par des hommes à la moralité douteuse. Entre la peste et le choléra…choix cornélien.
La fin…
Attention, je vous conseille de passer votre chemin si vous n’avez pas encore eu le plaisir de plonger votre nez dans ce thriller de haute voltige !! 😉
Le thriller de Laurent Chalumeau m’a, dans l’ensemble, transportée, j’ai adoré l’intrigue ainsi que l’écriture. Je précise que je savais à peu près à quoi m’attendre. J’ai abordé cet ouvrage plus comme une étude sociologique relatant les dérapages de nos « élites » politiques, que comme un polar à proprement parlé. L’intrigue est l’occasion pour Laurent Chalumeau de réaliser une critique acerbe de notre société. J’ai assez vite compris qu’il n’y aurait ni enquête, ni procédures visant à trouver le meurtrier. Donc, si ce que vous cherchez est un bon policier écrit dans les règles de l’art, alors je pense que vous allez être déçu. 🙂 Néanmoins, pour être totalement sincère, je suis restée sur ma fin. Puisque fin, il n’y a pas à vrai dire. J’ai eu l’impression que l’auteur n’avait pas pu finir son livre et qu’on lui avait arraché le manuscrit des mains…
Conclusion
J’ai adoré ce thriller politique et je le recommande. Laurent Chalumeau signe un polar sous haute tension, renforcé justement pas l’absence du coupable tout au long du récit. L’écriture est libre et incisive. J’ai tout simplement dévoré ce polar ! Je file me procurer les autres ouvrages de cet auteur, que je n’avais pas encore eu l’occasion de lire. En fin connaisseur de ces milieux, j’espère que Laurent Chalumeau restera dans la même veine et nous offrira un roman tout aussi jubilatoire que VIP ! 🙂
ROMAN NOIRTHRILLER
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