pourquoi devait-il lui-même boire jusqu’à la lie le calice de la douleur, pourquoi la douleur et la mort étaient-elles la seule chose certaine de cette vie, pourquoi le sacrifice du Christ n’avait-il pas suffi pour nous libérer de la misère de ce monde, pourquoi l’homme n’est-il qu’une feuille fragile emportée sans pitié par la bourrasque
La question du mal et de ses origines, la répétition historique d’une violence endémique, le point de rupture, où galvanisé par l’énergie du groupe, l’impunité accordée par une autorité, l’être humain bascule dans la barbarie, les digues lâchent, où la jalousie, la xénophobie, s’agrègent pour donner une matière malléable déversant une colère longtemps accumulée sur une minorité, semble obséder l’écrivain mexicain Eduardo Sangarcía. Qui, après avoir consacré sa thèse à la littérature latino-américaine de l’holocauste, fait de la chasse aux sorcières de Wurtzbourg, le sujet d’un premier roman écrit d’un jet. Sans ponctuation, ni temps morts, Anna Thalberg relate en une centaine de pages, les derniers jours d’une femme accusée de sorcellerie, de son arrestation dans sa chaumière au bûcher de l’Inquisition. Là où entre le XVIe et le XVIIe siècle eut lieu le procès historique des sorcières de Wurtzbourg. Petite ville allemande théâtre d’un pogrom 200 ans auparavant, ayant mené sous la houlette de l’évêque à l’extermination systématique des Juifs de la région. Protagonistes d’un ballet maintes fois exécuté à travers l’Histoire, Klaus le mari et le père Friedrich s’engagent dans un combat perdu d’avance contre l’institution ecclésiastique, les villageois détournent le regard, la concupiscence des hommes aiguise le désir de vengeance des femmes. À la manière des saignées pratiquées pour éliminer les toxines, Anna Thalberg, « la rousse, l’étrangère aux yeux de miel comme ceux d’un loup, la peau saupoudrée de taches de rousseur comme un serpent venimeux », fait office de bouc émissaire. La victime innocente d’un système inapte à réguler son niveau de frustration. Un court premier roman qui illustre à merveille le vieil adage selon lequel l’histoire n’en finit pas de se répéter.
Mon appréciation : 3/5
Date de parution : 2021. Grand format aux Éditions La Peuplade, traduit de l’espagnol (Mexique) par Marianne Millon, 168 pages.
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