Michel Moutot avec son roman Ciel d’acier nous fait pénétrer dans les coulisses de l’édification de l’Amérique, des rives du Saint-Laurent au coeur de Manhattan. Les Mohawks vivent sur les rives du Saint-Laurent à Kahnawake – réserve indienne située au Québec, ce peuple amérindien est l’une de six grandes nations iroquoises. Véritable fresque historique, Ciel d’acier retrace un siècle de l’histoire des Mohawks, depuis leurs débuts en tant que monteurs d’acier jusqu’à l’effondrement des tours jumelles à New York. Tout commence ce jour funeste du 11 septembre 2001, lorsque deux avions percutent de plein fouet les Twin Towers. John Laliberté, quarante-trois ans issu de la cinquième génération de monteurs d’acier et témoin de la catastrophe, se présente comme volontaire pour sortir les survivants des décombres. L’acier c’est une histoire de famille, en tant qu’indien Mohawk il a toujours su qu’il passerait sa vie plusieurs dizaines, voire centaines, de mètres au-dessus du sol en équilibre sur des poutres de trente centimètres de large. Mais cet événement diplomatique international revêt un caractère intime pour lui, trente ans plus tôt son père a perdu la vie en contribuant à l’édification des tours jumelles, frappé par la foudre il fera une chute de quatre-vingt quinze-étages. Avant de devenir un tombeau à ciel ouvert, les Twin Towers furent la sépulture de son père, devenant ainsi un lieu hautement symbolique. Ciel d’acier part de cette inclusion du personnel dans l’histoire national d’un pays pour retracer le destin des Mohawks intimement lié à la construction de l’Amérique. Michel Moutot livre un récit dense et hautement instructif rendant ainsi hommage aux ironworkers qui ont accompagné l’expansion du continent américain.
Une fresque historique qui lie le destin du peuple Mohawk à celui de l’Amérique
Dès la fin du 19e siècle, les autorités canadiennes prennent conscience de l’enjeu de densifier les réseaux de transport, afin d’aménager le territoire et de relier les grandes villes entre elles, et pour cela entament des chantiers colossaux. L’un d’eux projette de construire un second pont sur les rives du Saint-Laurent en 1886. Ce pont ne peut être construit qu’avec l’accord du peuple Mohawk puisqu’il empiéterait sur les territoires de la réserve. En échange de leur accord, les autorités s’engagent à embaucher des membres de la tribu sur le chantier. Au hasard d’une conversation, certains hommes de la tribu se voient autorisés à grimper sur l’édifice afin d’observer une technique de fixation novatrice. L’aisance avec laquelle ils se meuvent forcent le respect et l’admiration des ouvriers du chantier. Petit à petit leur légende se construit, les Indiens Mohawks n’auraient pas le vertige. Affirmation erronée mais qui alimente le mystère qui entoure ce peuple. La rumeur se répand de bouche à oreille, les Indiens Mohawks jouissent d’une notoriété considérable. Leur destin sera jalonné d’accidents terribles. L’un d’eux coûtera la vie à trente-trois hommes de la tribu et laissera vingt-quatre veuves ainsi que cinquante-six enfants orphelins. Les Mohawks comptent à leur actif la construction de nombreuses infrastructures d’envergure telles que le pont de Québec, le pont de Kahnawake, le pont Georges Washington ou encore la One World Trade Center qui a remplacé les tours jumelles. Leur réputation de pilotes émérites de bateaux et de canoës les ayant précédés, ils accompagneront un corps expéditionnaire pour venir secourir le général Gordon Pacha au Soudan. Les générations d’ironworkers se succèdent et s’envolent pour des terres plus lointaines accompagnant le boom de la construction aux États-Unis. Les plus illustres édifices de Manhattan portent leur empreinte, parmi eux l’Empire State Building et le Daily News Building. Michel Moutot a choisi de mettre l’accent sur certaines constructions plus que d’autres. Ainsi, par l’entremise de Jack Laliberté – le père de John Laliberté, Michel Moutot évoque la construction des tours jumelles dont le chantier commença en 1968. En mêlant la fiction au réel, Michel Moutot parvient à rendre passionnant un sujet pourtant pas très sexy. En effet, le pari de l’auteur était risqué de se lancer dans un ouvrage sur « le bâtiment ». Ciel d’acier s’avère néanmoins très instructif, on en apprend beaucoup sur la structuration du territoire américain tout en découvrant l’envers du décor, soit l’histoire de ce peuple amérindien dont le destin est étroitement lié à celui de l’Amérique.
Un roman dense et instructif qui pèche par moment…
Si je me suis passionnée pour l’histoire des Mohawks et les descriptions architecturales, mon bilan est néanmoins mitigé concernant ce roman qui tend vers le document. La construction narrative est déroutante, le roman pèche par manque de cohérence chronologique entre les chapitres, ce qui pèse sur la lecture et la rend fastidieuse par moment. Nous ne cessons d’alterner sauts en avant et retours en arrière entraînant une perte du fil conducteur. J’aurais apprécié plus de linéarité dans la narration et ne comprends pas l’intérêt de ce découpage qui n’apporte rien de plus à la lecture que si nous avions suivi l’ordre chronologique des événements. L’autre bémol réside dans la surabondance de personnages et de noms qui n’apportent pas de réelle valeur ajoutée au propos. Michel Moutot perd le lecteur en l’abreuvant de noms complexes, de membres de la tribu ou d’ouvriers sur les chantiers, qui à défaut d’être essentiels embrouillent le lecteur. En lisant ce roman j’avais parfois l’impression d’être face à un puzzle où je m’évertuais à faire s’emboîter chaque élément afin d’obtenir in fine une vue d’ensemble.
Conclusion
Au-delà des quelques points négatifs relevés plus haut et portant principalement sur la construction du récit, j’ai été fascinée par l’histoire du peuple Mohawk. Je ressors de ma lecture en ayant découvert un pan de l’histoire américaine qui m’était totalement inconnu. Je conseille ce roman à tous ceux sur qui l’architecture américaine exerce une fascination et qui recherchent une lecture tant instructive que passionnante. Toutefois, je vous conseille de vous munir d’un carnet et d’un stylo si vous ne souhaitez pas perdre le fil directeur du récit 😉 .