« On ne peut pas fuir la sauvagerie qu’on a en soi. » Ce combat désespéré, consistant à bâillonner et inhiber un pan entier de son identité, aurait de toute façon fini par emporter la mère de Tracy, si un accident survenu un an auparavant n’avait pas mis fin à sa vie et plonger sa famille dans l’abattement. Suivant une filiation matrilinéaire, Tracy a hérité son don surnaturel de sa mère. Un secret auquel, ni son père, musher expérimenté dont Tracy partage la passion, ni son frère, n’ont accès. Mais qui lui permet de déchiffrer les pensées des animaux, notamment des chiens de traîneau avec lesquels elle arpente la toundra, dans un coin reculé de l’Alaska. Ce pouvoir télépathique lui offre un accès privilégié aux autres, tout en risquant de l’ostraciser. Faisant d’elle un être hybride : mi-femme, mi-animale. Une adolescente tiraillée entre le besoin obnubilant de chasser, d’arpenter les forêts enneigées, à la recherche de sang susceptible de réchauffer son corps vidé après des journées à se priver. Si sa mère a fait le choix d’étouffer sa part d’animalité et de troquer une existence en pleine nature, au cœur des forêts du Grand Nord, pour une vie civilisée, Tracy acceptera-t-elle de sacrifier cette part d’elle-même ? Cette faculté de percevoir avec une acuité extraordinaire les pensées et l’histoire de ceux dont quelques gouttes de sang suffisent à lui offrir des fragments, se révélera être un danger le jour où victime d’une agression elle s’imaginera avoir tous les éléments en main pour appréhender la situation. Et si elle s’était trompée… Si la sauvagerie enfouie en elle finissait par la dévorer, que se passerait-il pour sa famille ? Jamey Bradbury mêle les genres : fantastique, nature writing, roman d’apprentissage et thriller, avec brio dans ce premier roman à suspense dépaysant et envoûtant. Adolescente bouleversante tiraillée par la dualité de son identité, Tracy campe une héroïne puissante, magnifique et terriblement attachante, pour qui la liberté a un prix. Reste à savoir si elle sera prête à le payer.
J’ai toujours su lire dans les pensées des chiens.
Ça n’avait aucun sens, si ce n’est peut-être que je voyais et entendais exactement ce qu’une personne avait en tête, les choses les plus superficielles, ou bien les plus profondes, quand j’y goûtais.
Mon évaluation : 4/5
Date de parution : 2019. Grand format et poche dans la collection Totem aux Éditions Gallmeister, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Mailhos, 336 pages.
Qu'en pensez-vous ?