« Faut croire qu’on est de même, les femmes de la famille. On arrive pas à être ensemble. Ma grand-mère ma mère moi. Trois lignes infinies sur un plan cartésien, qui essaient de se toucher sans arriver à se trouver. » Le corps a été recraché par le Saint-Laurent. Il gît sur les rives de la Gaspésie. La « fin des terres », aux confins du continent. Ironie du sort pour cette femme qui a ballotté ses filles au gré de ses envies, incapable de se stabiliser, de s’enraciner quelque part et d’y établir un foyer. Cette vie sur le fil, a renforcé chez V. un sentiment de vulnérabilité, qui s’est muée en une colère bouillonnante à l’égard de cette mère défaillante incapable d’aimer sans tout saper. Pour la narratrice, le suicide ne souffre aucun doute. Ce n’est pas un accident mais un acte délibéré. Soufflée par la nouvelle, brisée, V. quitte Montréal pour s’installer dans la maison familiale, espérant identifier le point de bascule d’une vie accidentée et désamorcer la malédiction qui pèse sur elle. En faisant le tri, elle tombe sur les carnets de sa grand-mère, foudroyée par une crise cardiaque le jour où sa mère allait lui annoncer qu’elle était enceinte d’elle. Des années après ce rendez-vous manqué, V. devient la dépositaire de ses secrets, de son ardent désir de liberté, enrayé par la maternité et une vie scandée par les corvées. À travers ces lettres, elle remonte le fil de son histoire familiale. Voyage qui la conduira de la Gaspésie à l’Islande sur les traces des femmes de sa vie. Une quête initiatique d’une beauté brute, animale, qui laisse affleurer des émotions dont l’authenticité est renforcée par une langue dépouillée. À l’instar des matriochkas, les destins des femmes de la famille sont étroitement imbriqués, chacune – malgré elle – reproduit le schéma matriarcal de son aînée. Ce bagage générationnel colore leur identité. C’est un processus inné qui une fois conscientisé va permettre à V. de se libérer du carcan de la fatalité et cesser d’être conditionnée. Un premier roman québécois poétique et féroce, sur l’ambivalence des relations mère-fille, qui se lit d’un souffle.
Date de parution : 2020. Éditions La Peuplade, 224 pages.
PREMIER ROMAN
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