« C’était un réconfort, après ces longues années d’errance, que d’arpenter sa terre et de contempler ce qu’il possédait ; il lui apparut qu’un homme pouvait ainsi capturer le passage éphémère de son existence. » Publié dans la collection « L’Ouest, le vrai » dirigée par Bertrand Tavernier, Les pionniers est un grand roman américain. Extrêmement visuel, ce récit vibrant sur la conquête de l’Ouest met en scène une communauté de colons venue du Missouri et en route pour l’Oregon. À l’issue de cette traversée, la communauté harassée et diminuée parvient à s’installer. Mais bien loin du fantasme d’une terre nourricière gorgée de soleil, une vie de labeur les attend. Des journées de dix-huit heures à labourer la terre, à bâtir des cabanes dont la fragilité est à l’image de leurs existences soumises aux intempéries, à faire face à des pluies diluviennes, aux gelées, à la peur de manquer, mais également à composer avec les premiers occupants. Les Indiens cristallisant l’animosité du groupe de pionniers frustrés et désillusionnés. Outre les difficultés matérielles, les tensions surgissent davantage des passions contrariées et des intérêts particuliers freinés par la collectivité. Amours, trahisons, adultères…la promiscuité attise les rivalités. Malgré les rebondissements, l’intensité du roman réside plus dans la restitution réaliste du quotidien des pionniers qui ont tout quitté et dont la mission consiste à tout recommencer. À travers cet échantillon de la nature humaine, #ErnestHaycox illustre à merveille la dialectique individualité/collectivité. Quels motifs justifient de brimer notre liberté sous couvert de forger une communauté, à même de défendre ultérieurement nos intérêts ? L’arbitrage violent entre sécurité et liberté, plus que le duel liberté/égalité, innerve la société américaine et reste d’actualité. Le roman d’aventures s’efface régulièrement pour laisser place à une réflexion ontologique : la place de l’homme dans la création et ce que dit de nous notre capacité à dompter la nature à force de volonté. Une vérité étant merveilleusement illustrée : la solidarité naît de l’adversité, et d’un besoin vital de se confronter à l’altérité.
Mon évaluation : 4/5
Date de parution : 2021. Grand format aux Éditions Actes Sud (collection L’Ouest, le vrai), traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau, 120 pages.
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