Bien loin des westerns traditionnels, menés tambour battant par des cow-boys à la gâchette facile, le roman d’Hernán Diáz, finaliste du Prix Pulitzer 2018, évolue dans un temps figé, comme suspendu. Western contemplatif, il s’inscrit dans la veine des écrits de nature writing. Le périple d’Håkan débute le jour où le jeune migrant suédois quitte sa terre natale pour rejoindre New York avec son frère. Ce voyage, qui devait impulser un nouveau départ, vire au cauchemar lorsqu’il accoste seul en Californie. Dès lors, rejoindre son frère à New York se mue en une idée fixe. D’ouest en est, il traverse le continent américain. Le temps s’étire dans les plaines arides de Californie, les déserts de sel et les étendues rocheuses. Ce voyage sans fin est ponctué de rencontres insolites, qui lui feront peu à peu perdre foi en la nature humaine. Il sera utilisé comme bête de somme par un émigré irlandais peu scrupuleux, retenu prisonnier par une femme désirant jouer à la poupée ou encore initié par un scientifique éclairé aux secrets de la création. S’il arpente seul le continent, confronté à la solitude et au silence que renforce l’immensité des espaces qu’il traverse, la chaleur du contact humain sera la seule apte à le sortir de la coquille qu’il s’est créée. L’éveil sera de courte durée, puisque le bruit circule qu’un colosse, surnommé le « Hawk », terrifie les voyageurs. La légende prétend qu’il aurait massacré des innocents puis aurait filé. Hernán Díaz nous raconte l’histoire d’un homme esseulé, assailli par sa conscience qui ne cesse de lui remémorer les crimes qu’il a commis. Un homme simple, pur, condamné à errer. Håkan est comme ces fossiles cristallisés dans la roche pour l’éternité. Les différentes strates du temps se confondent dans une même réalité, ne présentant plus aucune aspérités. Håkan se retire du monde des hommes, se réfugie dans un espace dénué de temporalité qui doucement le mènera à la lisière de la folie, nourrie par la solitude abyssale dans laquelle il s’est confiné. Un roman envoûtant.
Mon évaluation : 3,5/5
FINALISTE DU PRIX PULITZER 2018
PRIX DU ROMAN PAGE/AMERICA 2018
Date de parution : 2017. Grand format aux Éditions Delcourt, traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Barbaste, 334 pages.
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