Dai Sijie serait-il un sorcier ? Un des rares auteurs contemporains apte à appréhender l’intangible, à toucher du doigt le miracle de la foi et à mettre des mots sur ce qui relève du sacré. Dans une langue imagée d’une beauté inouïe, il écrit l’indicible. Dai Sijie remonte le fil de la vie de son grand-père, de sa révélation à son chemin de croix. Fils de charpentier-menuisier, rien ne prédestinait Yong Sheng à devenir l’un des premiers pasteurs chrétiens chinois. Il est élevé dans un monde pétri de superstitions, à mille lieux d’imaginer qu’il consacrera sa vie à la religion. Mais c’est une fois mis en pension chez un pasteur américain, au contact de la fille de celui-ci, que sa vocation naît. Son regard d’enfant laissait déjà supposer une certaine prédestination. D’une acuité rare, son regard captait chaque pulsation du monde qui l’entourait, y décryptait un langage que lui seul parvenait à décoder. Fait de signes et de voix. Un monde rempli d’émotion et empreint de poésie. L’arrivée d’une colombe blessée ayant parcouru des kilomètres pour se réfugier auprès de lui est le signe que Dieu lui envoie pour le guider sur le chemin de la foi. À partir de ce moment là, elle ne le quittera pas. Même lorsque la révolution culturelle survient, qu’il sera accusé par le régime d’être un dissident, un pasteur-révolutionnaire à la solde de l’occident, qu’il sera confronté à la fureur d’un peuple aveuglé par la peur et les trahisons à répétition de ceux qu’il ne cessera jamais d’aimer. L’Évangile selon Yong Sheng est un bijou. On se laisse envelopper par ce roman bouleversant, que l’on finit ému jusqu’aux larmes, touché par le lyrisme d’un texte imprégné de réalisme magique et la pureté d’une âme, que rien ne viendra entamer. Tel un roseau, Yong Sheng pliera, s’arque-boutera mais ne se brisera pas. Habité par la foi et doté d’un esprit éclairé, il acceptera sa condition de martyr tout en restant profondément humain. Un récit d’une puissance spirituelle vertigineuse.
Une vie de supplice
Il existe des similitudes visibles entre la vie des saints et celle du pasteur chinois. Dai Sijie le dit lui-même, il a cherché à établir un parallèle entre la vie de son ancêtre et celle de Jésus. À accentuer la cruauté des épreuves qui lui ont été infligées pour renforcer l’effroi qu’elles suscitent. L’évangile selon Yong Sheng offre différentes clés de lecture. Le roman peut se lire comme une biographie romancée. Celle du premier pasteur chrétien chinois dans le Fujian. Puisque si Dai Sijie affirme s’être inspiré de la vie de son grand-père, certains aspects de sa vie transcendent la réalité. C’est là qu’une autre manière d’appréhender le roman se dessine. Le mysticisme prend le pas sur la réalité. Mais nul besoin d’être croyant pour saisir l’étrangeté de ce qui est raconté. C’est là toute la force de l’auteur. Parvenir à expliquer ce que c’est que de croire. Là est peut-être le véritable sujet du roman. C’est la dimension spirituelle qui m’a le plus fascinée. Tout ce qui justement échappe à la rationalité pour nous faire pénétrer dans un univers à la marge du réel, qui puise dans l’imaginaire du romancier.
Conclusion
L’évangile selon Yong Sheng est une pure merveille. On se laisse bercer par la langue délicate de Dai Sijie, qui nous enveloppe, l’atmosphère mystérieuse et toute la symbolique biblique. Je ne peux que vous conseiller de vous le procurer. Quant à moi, mon prochain livre de l’auteur sera celui qui a fait son succès, Balzac et la Petite Tailleuse chinoise. 😉
2 Comments
bravo pour ce commentaire .je partage totalement la joie de cette lecture.c est un livre lumineux….j ai trouvé de la tendresse ,des passages drôles malgré ces 30 ans d opression de misère et de peur.
Merci pour votre retour ! Je suis très heureuse qu’il vous ait plu. Ce roman est merveilleux et porté par une plume splendide 🙂