« Cette famille, c’est les ténèbres. Jamais on ne verra la lumière. » Le petit village italien de Ravina se situe dans un coin reculé de La Basilicate, entre la Calabre et Les Pouilles. D’une beauté sèche, cette terre, le vieux Pasquale Serrai s’acharne à la cultiver, y trouvant la paix dont il est privé chez lui par une femme castratrice – Bianca – et une fille dominatrice – Lucia. Un foyer à l’opposé de celui de son ami Ninetto, marié à la sœur cadette de Bianca, avec qui il a eu Chiara. L’amitié entre Lucia et Chiara – bien qu’élevées ensemble – est imprégnée des rancœurs persistantes entre les deux sœurs. Bianca reprochant officiellement à Assunta son enfance choyée loin des privations qu’elle a endurées, plus sûrement sa beauté, dont sa fille a hérité. L’été 2005, Chiara a quinze ans. Le village s’apprête à célébrer la frisella. Les deux cousines se sont donné rendez-vous avant de prendre part aux festivités. Mais Chiara ne vient pas. Rapidement, l’hypothèse d’un enlèvement est avancée. C’est le début d’une escalade médiatique sans précédent. D’autant que peu de temps auparavant, un scandale avait déjà ébranlé la communauté. Sandro, qui nous relate les événements, quinze ans après, s’était attiré le courroux des habitants. Un ostracisme justifié par des comportements déviants, a fortiori pratiqués avec un étranger… Il n’en faut pas plus pour que les esprits s’échauffent. Des histoires de familles enfouies, une jalousie intégrée, des rancœurs non formulées, un mutisme tenace dans l’adversité et une peur de ce qui est étranger, sont les ingrédients d’un fait divers sordide, que les télévisions nationales s’empresseront de relayer. Tel un feuilleton à rebondissements, l’affaire est surmédiatisée, l’intimité de tous exposée, jusqu’à ce que la curiosité des téléspectateurs soit rassasiée. Giuseppe Santoliquido nous tient en haleine jusqu’au retournement final. Plus qu’une lecture d’été solaire et dérangeante, ce thriller familiale est une critique ouverte du voyeurisme assumé par nos sociétés. La fascination morbide qu’exerce la violence sur nos esprits, et son instrumentalisation par les médias sont ici pointées du doigt.
Les réactions, ensuite, s’enchaînent à toute marche, comme si ces gens étaient reliés entre eux par une chaîne sacrée, magique, qui n’était pas seulement celle de la parenté, de l’amitié, de l’intérêt, mais aussi d’un sentiment de peur viscérale inspiré par une loi antique, au point d’en perdre toute capacité de raisonner.
Vous savez, les vrais tribunaux ne siègent pas dans les palais de justice. Ils sont à l’extérieur, dans nos rues, sur les places de nos villes et de nos villages.
Mon évaluation : 3,5/5
Date de parution : 2021. Grand format aux Éditions Gallimard, 272 pages.
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