BOUM ! Une petite bombe, impossible de qualifier autrement le roman d’Adeline Dieudonné. Un premier roman fulgurant, à la plume concise et acérée. L’Iconoclaste avait déjà réussi le pari risqué de faire d’un premier roman un succès l’an passé, avec l’éblouissant Ma reine de Jean-Baptiste Andrea. Ils confirment ici leur qualité de dénicheur de talents. Avec une grâce infinie, La vraie vie s’empare du sujet de la violence conjugale. L’ombre du père violent pèse sur le récit. Prête à s’abattre à tout moment. Le rythme est tendu, l’atmosphère viciée. À travers les yeux d’une jeune fille au caractère bien trempé, Adeline Dieudonné nous fait pénétrer dans une maison où tout semble figé. La mère sert de défouloir sur lequel son mari passe régulièrement ses nerfs. Quant au père, tout son être aspire à annihiler le plus infime bourgeon de rébellion. Elle et son petit frère, Gilles, sont des rescapés. Jusqu’au jour où le glacier ambulant chez qui ils ont l’habitude d’aller fini broyé par sa machine. C’est précisément là où tout s’enraye. Quelque chose vrille dans la tête de Gilles. Le mal est entré. Il a réussi à s’infiltrer dans un territoire qu’il n’avait pas encore réussi à contaminer. Toute la violence emmagasinée au fil des années ressurgit. Face à l’inertie de sa mère incapable de se révolter, au basculement opéré dans l’esprit de son frère et à la propension de son père à écraser toute tentative d’émancipation, la narratrice comprend qu’elle va devoir se forger seule. Apprendre à cacher la révolte qui gronde en elle. Masquer ses avancées et placer ses pions de telle sorte à ne jamais devenir une proie. Cette certitude est ancrée en elle, elle résistera coûte que coûte, quitte à se mettre en danger. En peu de mots, Adeline Dieudonné parvient à exprimer l’horreur de la situation et à rendre la force qui habite son héroïne. On sort de ce premier roman sonné. À la fois bouleversé et révolté. Chapeau bas !
Un premier roman fulgurant sur les violences conjugales et familiales
Tous les ingrédients sont présents pour faire de ce roman une vraie réussite. Le sujet glace les sangs. De la première à la dernière ligne, le lecteur est suspendu à la narration. Un arrière goût ferreux teinte le roman, une sensation désagréable d’évoluer dans un cadre malsain où la peur a pris ses quartiers. Quelque chose nous prend et ne nous lâche plus de tout le roman. On est pendu aux lèvres ou plutôt aux poings de cet homme violent. Tyrannisant sa femme et ses enfants. Rien que l’existence d’une pièce où sont exposés les cadavres empaillés des animaux chassés atteste du glauque de cette famille dysfonctionnelle. Le sourire cruel de la hyène que la narratrice croise en entrant dans la zone interdite deviendra le symbole du mal rodant. Adeline Dieudonné campe des personnages attachants. La mère est une « amibe ». Un être transparent, un ectoplasme dont la seule mission consiste à éduquer ses enfants et à servir de paravent au courroux de son époux. Les scènes décrites sont d’une violence inouïe. Et en même elles semblent entourées d’une sorte de brume. Une capacité de la narratrice à s’extraire d’un quotidien étouffant pour se renforcer. S’endurcir, non pas au détriment de ce qui fait son humanité, mais tout en conservant sa capacité à éprouver des sentiments. L’auteure ne se limite pas à décrire les accès de fureur du père, mais s’attèle à en décrypter les ressorts. Les mécanismes psychologiques à l’œuvre et qui font de lui un monstre. De sa montée à son déferlement, la rage qui anime le père est étudiée. On le sent prisonnier de cette colère qu’il se sait pas maitriser, le condamnant à répéter inlassablement les mêmes comportements. Le corps meurtri de sa femme martelé de coups témoignant de sa bestialité. Si la narratrice parvient à conserver un certaine dose de lucidité, ce n’est pas le cas de son petit frère, qui fera les frais du climat violent ambiant. Sa santé mentale est altérée. Il est comme happé par son côté malfaisant. La hyène gagne du terrain. Vient coloniser des terres restées vierges. Le malsain vient sucer les restes de l’enfance. Faisant de lui un être sadique dépourvu d’humanité. Adeline Dieudonné est une scénariste hors paire. La scène finale offre un dénouement explosif à la hauteur du roman. La tension y atteint son paroxysme. Je ne suis pas souvent émue à ce point, et là ce fut le cas. J’ai totalement occulté l’aspect fictionnel pour me projeter toute entière dans le texte. J’avais l’impression de vivre la scène.
Conclusion
La rentrée littéraire cette année a ceci de particulier que ce sont 94 premiers romans qui sont attendus sur les étals des librairies. Tous n’auront pas le chance de sortir du lot. Chaque année c’est à un jeu cruel que se livrent les maisons d’édition. Parmi celles-ci, l’Iconoclaste a su dénicher deux années consécutives une petite perle. La vraie vie suscite déjà beaucoup d’attention dans les médias. Lauréate du Prix Première Plume, qui vient de lui être remis, l’auteure a le vent en poupe. Pas de doute ce premier roman va faire parler de lui, c’est un phénomène !
PREMIER ROMAN
Caroline
janvier 11, 2019J’ai emprunté ce livre le midi à la médiathèque et je l’ai fini le soir même !
Comme toi j’ai eu l’impression de vivre la scène finale, elle est à couper le souffle.
Je n’étais pas emballée pendant les 50 premières pages mais finalement cette fiction sort vraiment du lot tant elle est originale, écrite avec précision et ne laisse pas le lecteur indifférent.
Books'nJoy
janvier 17, 2019C’est amusant que tu me dises ça, car moi non plus au départ je n’étais pas pleinement convaincue. Il a fallu quelques dizaines de pages et là impossible de le lâcher… 😉
Cette scène est saisissante. Elle est calibrée pour le cinéma ! En tout cas, je suis ravie qu’il t’ait plu, La vraie vie a été un joli coup de cœur de la rentrée littéraire.
Je te souhaite de très belles lectures à venir 🙂