« Tu ne trouveras ce que tu cherches, que lorsque tu seras toi-même un Tsongor. Que lorsque tu auras honte de toi. » Puisqu’ « il n’y a pas de gloire à mener les siens au trépas ». En ce jour des présents dans la majestueuse cité de Massaba, alors que les préparatifs se multiplient en vue de la cérémonie nuptiale qui liera Samilia, la fille du roi Tsongor, avec Kouarem, le prince des terres de sel, l’intendant du roi lui glisse à l’oreille que le moment est venu. Katabolonga, issu du clan des rampants, « le dernier ennemi du dernier pays » à avoir été asservi, « l’ombre de ses remords », doit le tuer. Outre ce pacte de sang, un autre serment plongera le royaume dans un conflit sans précédent. Le retour de Sango Kerim, à qui Samilia avait juré fidélité enfant, compromet l’union entre deux clans puissants. Face à ce dilemme, le roi Tsongor suspend son jugement et Samilia se tait, consciente du peu de libre arbitre qui lui est octroyé. La mort prématurée du patriarche scelle leur destin. Les deux prétendants revendiquent « leur dû ». Soumise aux choix des hommes, Samilia est déchirée entre sa fidélité à une promesse « surgissant soudain avec l’autorité du passé » et son désir pour l’homme qu’elle aurait dû épouser. Quant à Souba, le plus jeune fils du roi, il entame une lente chevauchée et vit exilé, chargé de construire sept tombeaux, à l’image des sept visages de l’homme que son père a été. Telles des marionnettes, dont le roi despotique aurait agencé les fils avant de se retirer, laissant les figurines s’entretuer, les personnages de La Mort du roi Tsongor possèdent l’étoffe des héros d’une tragédie antique. Rivalités, désir de possession, hubris, conquête du pouvoir, goût pour la guerre, les passions des hommes sont la matière privilégiée des écrits de Laurent Gaudé qui, encore une fois, en sa qualité de conteur-né, excelle à les sublimer dans un conte épique. Une histoire de vengeance et d’amours impossibles portée par des héros accablés par la fatalité. Envoûtant.
Et il sut que le siège de Massaba était une folie. Au fil des jours, des mois, des années qui viendraient, il ne connaîtrait plus que le rythme alterné des victoires et des deuils. Et chaque victoire, même, aurait un goût profond de blessure car elle serait obtenue sur des hommes et sur une ville qu’il aimait.
Mon évaluation : 4/5
Date de parution : 2002. Grand Format aux Éditions Actes Sud, poche dans la collection Babel, 208 pages.
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