Rouge armé, signé Maxime Gillio, est un polar résolument politique. L’auteur nous fait voyager à travers l’Europe centrale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’Europe est ruinée, dévastée et pillée par les Alliés. Ceux-ci se servent abondamment et se partagent une Allemagne exsangue. L’Allemagne de façon générale et Berlin en particulier, deviendront le symbole de la guerre froide qui opposera le bloc de l’Est au bloc de l’Ouest pendant un demi-siècle. C’est en plein coeur de ce contexte politique que Maxime Gillio a décidé de situer la « véritable » intrigue de son roman. Rouge armé ou plutôt la Fraction armée rouge, connue sous le sigle RAF, fait référence à une organisation terroriste allemande d’extrême gauche qui sévit en RFA de 1968 à 1998. Cette guérilla urbaine a été l’auteure de nombreux attentats à l’encontre du gouvernement allemand. Maxime Gillio nous plonge dans une période politique tumultueuse et décisive. Il maîtrise son sujet, ce qui rend la lecture fluide et agréable.
Lecture dans le cadre des Explorateurs du polar organisé par Lecteurs.com 😀
Avant de vous faire part de mon avis concernant Rouge armé de Maxime Gillio, je tiens à remercier l’équipe de Lecteurs.com. C’est dans le cadre des Explorateurs du polar que j’ai reçu cet ouvrage et par la même occasion pu découvrir un auteur que je ne connaissais pas jusque là. Le principe est on ne peut plus simple puisqu’il suffit de se connecter au site Lecteurs.com, donner des indications concernant ses goûts littéraires puis choisir parmi une liste préétablie d’ouvrages. Ma mission est la suivante : une fois l’ouvrage reçu et lu, je chronique pour Lecteurs.com. Mon avis se doit évidemment d’être purement objectif, sinon cela n’a aucun intérêt 😉 Maintenant que j’ai fait quelques précisions concernant ma lecture, place à la chronique. C’est parti !
Résumé
« Patricia, journaliste au Spiegel, enquête sur les personnes qui, dans les années soixante, ont fui l’Allemagne de l’Est au péril de leur vie. Inge est passée de l’autre côté du Mur quarante ans plus tôt et accepte de lui raconter son enfance, son arrivée à l’Ouest, son engagement… Mais certains épisodes de la vie d’Inge confrontent Patricia à ses propres démons, à son errance. Leur rencontre n’est pas le fruit du hasard. Dans les méandres de la grande Histoire, victimes et bourreaux souvent se croisent. Ils ont la même discrétion, la même énergie à se faire oublier, mais aspirent rarement au pardon. »
Ombres Noires
Une construction complexe mais maîtrisée
Les confidences d’Inge à Patricia sont l’occasion pour le lecteur de se plonger dans le passé de cette femme. À travers l’histoire de sa famille, l’auteur retrace les bouleversements de cette période de bouillonnement politique. Le récit commence au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et nous entraîne jusqu’aux années de plomb. La construction du roman implique une multitude de retours en arrière, de sauts chronologiques et de changements de période d’un chapitre à l’autre. Cela peut surprendre, voire décontenancer le lecteur. À certains moments, je ne savais plus du tout à quelle époque on était et quels personnages j’allais retrouver. Cette façon de jouer avec la temporalité a pu rendre ma lecture fastidieuse par moment. Néanmoins, tout finit par s’emboîter parfaitement. Ce livre me fait penser à un gigantesque puzzle. L’auteur nous guide à travers les époques. Chaque chapitre, chaque révélation nous donne la possibilité de récupérer une des pièces manquantes. Le puzzle prend forme au fil des pages. La construction narrative est ainsi admirablement maîtrisée. Je tiens à préciser que Rouge armé n’est pas ce que l’on peut appeler un thriller. Si le lecteur recherche du suspens, de la tension et des rebondissements, je ne pense pas qu’il soit pleinement satisfait. Le rythme est lent certes mais ce n’est pas pour autant particulièrement dérangeant. Je pense que si l’enchaînement des plans avait été plus rythmé, on aurait perdu en clarté. Le rythme se cale sur les confidences d’Inge. Je n’étais pas sur le qui-vive, mais plutôt curieuse de découvrir où l’auteur nous entraîne. Évidemment, on se doute que la rencontre entre ces deux femmes n’est pas fortuite. Que Patricia cache un mobile. Cette interrogation perdure au fil des pages mais je ne trouve pas que l’essentiel du roman se situe là. Pour moi, l’essentiel est dans les chamboulements politiques, la haine entre les peuples et les tensions nées de l’atomisation de l’Europe Centrale et Orientale de la seconde moitié du 20e siècle.
Le cadre narratif : l’affrontement entre les 2 blocs Est vs Ouest
C’est ce qui m’a le plus plu dans Rouge armé. D’un point de vue historique, sociologique et politique cette période est extrêmement riche. L’agitation qui règne en Europe n’est pas seulement politique mais également sociale, culturelle et intellectuelle.L’affrontement du bloc de l’Est et du bloc de l’Ouest apparaît comme un sujet galvaudé en littérature. Néanmoins, ici l’auteur ne cherche pas à vanter les mérites de l’Ouest sur l’Est mais analyse la montée en puissance des mouvements contestataires en Allemagne de l’Ouest. C’est ce qui fait l’intérêt du livre. La vision de l’auteur n’est pas binaire, il n’y a pas le bien d’un côté et le mal de l’autre. La preuve, ces contestations politiques naissent en RFA. En lisant ce roman j’ai pu recréer une sorte de fresque chronologique débutant à la sortie de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à l’effondrement du Mur de Berlin. Les éléments de cette fresque suivent une véritable logique. En nous contant l’histoire européenne sur cette période, on nous donne les clés de compréhension des tensions qui surviendront à posteriori. Je me suis rendue compte à quel point les frontières politiques étaient mouvantes. Si je devais émettre un souhait, ce serait que l’auteur décortique encore plus cette période d’instabilité politique et de contestation étudiante. J’aurais adoré suivre de plus près la Fraction armée rouge, de sa formation à sa dissolution.
Deux personnages féminins marqués au fer rouge
Rouge armé met en scène deux femmes : Inge et Patricia. Inge est un vieille dame au passé extrêmement lourd et douloureux, dont la famille a été frappée d’ostracisme et s’est vue dans l’obligation de fuir la Tchécoslovaquie. Sa mère et son frère sont passés par les camps pour finir par s’installer en Allemagne. Patricia quant à elle, est enfermée dans un processus d’autodestruction. Son parcours et par conséquent ce qui la lie à Inge n’est révélé qu’à la toute fin donc je ne vais pas vous spoilier le roman. 😉 Autant j’ai beaucoup aimé le personnage de la vieille dame au caractère bien trempé et à la volonté farouche, autant Patricia ne m’a pas convaincue. Pire, je l’ai trouvée agaçante. J’aurais préféré que les passages qui lui sont consacrés soient dédiés à la vie d’Inge. C’est d’ailleurs pour cela que l’épilogue m’a laissée sur ma faim. Lorsque j’ai découvert les motivations de Patricia, je les ai évidemment comprises mais de là à aller aussi loin, cela manquait cruellement de crédibilité en ce qui me concerne. Encore une fois, ce n’est que mon avis et je conçois tout à fait que la fin ait pu contenter d’autres lecteurs. Le contraste de maturité entre les deux femmes est abyssal, pourtant au jeu de celle qui a écopé de la vie la plus sombre et torturée je pense que Inge gagne haut la main. À partir de ce constat, il m’était compliqué de ressentir de la compassion pour Patricia.
Conclusion
En relisant ma chronique, je me rends compte que je donne l’impression de ne pas avoir aimé Rouge armé, ce qui n’est absolument pas le cas. Il est vrai que certains éléments ne m’ont pas convaincue, néanmoins dans l’ensemble j’ai beaucoup apprécié cette lecture. La construction est parfaitement maîtrisée, l’écriture est très fluide et le sujet traité particulièrement intéressant. C’est un roman policier que je recommande vivement. Je suis ravie d’avoir eu l’occasion de découvrir cet auteur. Cette lecture m’a donnée envie de lire d’autres ouvrages écrits par Maxime Gillio.
ROMAN NOIR
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