LITTÉRATURE FRANÇAISE

Les garçons de l’été, Rebecca Lighieri : le roman de l’été !

26 août 2017
booksnjoy - les garcons de l'ete - rebecca lighieri

Rebecca Lighieri signe le roman de l’été avec son roman choral Les garçons de l’été. Elle nous offre une adaptation moderne de la légende biblique d’Abel et Caïn en mettant en scène deux frères, deux demi-dieux, Zachée et Thadée, qui incarnent tout ce que la jeunesse a de plus beau à offrir : la beauté, le sport, la réussite scolaire… Dotés d’une aura incroyable, la chute n’en sera que plus violente. En effet, un drame va survenir et mettre fin à ce décor de rêve. La famille bourgeoise dont il sont issus périclite et révéle ses déviances les plus sombres. Rebecca Lighieri prend un malin plaisir – pour notre plus grand bonheur – à faire éclater les structures familiales bourgeoises et à faire basculer la vie des membres de cette famille d’une félicité insouciante au désespoir le plus terrible en un claquement de doigt. Elle dresse des portraits psychologiques particulièrement réussis et la violence fratricide inouïe qu’elle décrit s’avère d’une rare intensité. La chroniqueuse oeuvrant sur Télématin, Olivia de Lamberterie, le décrit comme un page-turner impossible à lâcher. Je partage entièrement son avis. Le sujet est puissant, l’écriture incisive. Ce roman est une très belle découverte, je vous le conseille vivement pour profiter des derniers jours de l’été 😉

Résumé

Zachée et Thadée, deux frères, étudiants brillants et surfeurs doués, déploient les charmes de leur jeunesse sous l’été sauvage de la Réunion. Mais l’été et la jeunesse ont une fin, et il arrive qu’elle survienne plus vite et plus tragiquement que prévu.

Éditions P.O.L

Un journal de bord retraçant pas à pas l’éclatement de la cellule familiale 

La force du roman Les garçons de l’été réside dans sa capacité à surprendre le lecteur. En ouvrant ce livre, je m’attendais à tomber sur un énième roman de plage – soit un pavé sur fond d’intrigue qui s’oublie aussi vite qu’il est lu. Erreur ! Si de prime abord on retrouve tous les ingrédients propres à ce type de littérature : deux beaux garçons partis à la Réunion dans un cadre paradisiaque vivre leur passion, le surf. On bascule très vite dans un roman noir. L’aîné, qui se prénomme Thadée, en pleine session de surf se voit amputer d’une jambe après une attaque de requin. Dès lors, tout s’enchaîne sans possibilité de reprendre son souffle. La mère en proie à une admiration excessive pour son ainé sombrera en même temps que lui. Le père, qui incarne le père modèle d’une famille bourgeoise Biarrotte trouve son plaisir hors du cadre familial. Ysé, la petite dernière, faute de place dans cette famille en destruction, se retire dans son monde intérieur. Les masques tombent à mesure que l’intensité dramatique augmente. Chacun des membres de cette famille tente comme il peut de faire face à l’enchaînement d’événements qui s’abat sur sa famille. Rebecca Lighieri expose la précarité du bonheur et de l’équilibre que l’on construit. Elle décrit avec brio la rapidité avec laquelle tout peut basculer dans l’horreur. Il aura suffit d’un événement pour que le noyau familial minutieusement préservé s’écroule. Le roman commence par l’annonce de l’accident de Thadée et la détresse de sa mère. Celle-ci accourt à la Réunion voir son jeune prodige. Elle découvre l’endroit où ses deux fils vivent et l’ambiance particulière qui y règne. Baigné de sensualité, au surf camp une atmosphère étouffante imprègne les lieux. Une ombre plane sur cette île, on comprend rapidement que Thadée en est à l’origine. Le roman se poursuit sur le retour à Biarritz des deux frères ainsi que de leur mère. Commence alors la descente aux enfers de Thadée, replié sur lui-même et ses idées noires, il devient infernal et se met à contaminer les autres membres de la famille, leur rendant la vie impossible. Les progrès de son frère cadet en surf, Zachée, l’obsèdent et le confortent dans son sentiment d’injustice. Une haine insatiable se met en branle en lui. Il est en proie à une soif inextinguible de vengeance, qui s’abattra sur son frère cadet. Alors que la noirceur de Thadée agit comme une pomme pourrie, le caractère lumineux de Zachée tempère les excès de violence de son frère. La jalousie fratricide est au coeur du roman et est décrite avec virtuosité. La profondeur des portraits psychologiques et l’épaisseur des personnages concourent à faire du roman Les garçons de l’été un excellent ouvrage. Rebecca Lighieri dissèque les rapports fraternels avec précision. Le lecteur est incapable de prévoir ce qui surviendra, l’effet de surprise est total. Le lecteur tente de comprendre avec les ingrédients dont il dispose les rouages de cette échec familial. L’éducation reçue par le frère aîné, objet d’une fascination démesurée de la part de sa mère, est-elle seule à l’origine de la périclitation de la cellule familiale ?

Un roman choral qui renforce l’effet d’introspection

Les garçons de l’été se présente sous la forme d’un roman choral. Chaque membre de la famille s’exprime à tour de rôle offrant ainsi leur ressenti propre face à une situation vécue par tous. On entre dans l’intimité de chacun des personnages, c’est un procédé littéraire qui a l’avantage d’offrir une vision globale et complète au lecteur. Le lecteur dispose du ressenti personnel de chacun des personnages face au drame familial qui pèse sur chacun. Entrer dans la tête de Thadée provoque un malaise. On découvre une âme pervertie, des penchants obscènes. Les mécanismes psychologiques de Thadée sont décrits de façon brute, sans tabous. La plume de Rebecca Lighieri, dénuée de pathos, renforce la brutalité de cette personnalité malsaine. La naïveté de Zachée face au monstre grandissant incarné par son frère touche le lecteur qui pressent le drame à venir. La tension distillée par l’auteure ne se relâche jamais, et ce jusqu’à l’épilogue. Ysé, la petite dernière qui a grandi dans l’ombre de ses frères, se révèle plus complexe qu’il n’y paraît. En observant la situation à travers ses yeux, on découvre une jeune fille dotée d’une maturité hors norme. Elle pose un oeil lucide sur sa famille, consciente des limites et des failles de chacun. Certaines scènes pourront heurter la sensibilité des lecteurs, je pense notamment à celle du tatouage je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler la lecture 😉

Conclusion

La rentrée littéraire avance à grands pas, la plupart des 581 romans à paraître en septembre se trouvent déjà dans les rayons de librairie, il vous reste donc peu de temps pour vous atteler à ce très beau roman. Je vous conseille de ne pas passer à côté de cet ouvrage signé Rebecca Lighieri, qui publie également sous le nom d’Emmanuel Bayamack-Tam. Malgré ses 440 pages, Les garçons de l’été se dévore. Rebecca Lighieri jongle avec tous les ingrédients d’un excellent thriller psychologique : une famille bourgeoise bien sous tous rapports, un amour maternel débordant, une compétition entre frères, une atmosphère asphyxiante renforcée par un cadre paradisiaque… N’hésitez pas à publier en commentaires votre ressenti concernant cet ouvrage 🙂 Les garçons de l’été fait partie de ma sélection pour les vacances d’été, vous retrouverez le reste de la sélection dans ce post : Summer Holidays  : PAL d’été et trève estivale. 

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