« Il y a un genre de chance qui consiste tout simplement à être au bon endroit au bon moment, […] et ça ne se produit vraiment que lorsqu’on débarrasse son cœur de toute ambition, de toute intention, de tout projet. Quand on s’abandonne complètement à l’instant doré du destin. » Récit autobiographie et fresque épique, Shantaram de Gregory David Roberts est une plongée pleine de fureur, de violence, d’amour et de vengeance dans l’Inde contemporaine à travers le destin d’un homme hors du commun. Après une descente aux enfers : divorce, perte de la garde de sa fille, addiction à l’héroïne l’ayant conduit au vol à main armée suivi d’une incarcération dans un quartier de haute sécurité, puis d’une évasion rocambolesque, Lin débarque avec son faux passeport néo-zélandais sur le tarmac de l’aéroport de Bombay. Tel un vortex, la cité l’aspire, outrepassant son statut de capitale du crime organisé, pour se révéler le refuge idéal d’étrangers en quête d’une nouvelle identité. Guidé par Prabaker, petit homme rond au sourire généreux, Lin est rebaptisé Shantaram : « homme de paix », et entame son chemin sinueux vers une rédemption qui ne cessera de lui glisser entre les doigts. Marionnette entre les mains de Madame Zhou – une maquerelle perverse, ou fils spirituel d’un seigneur de la mafia, il prendra des chemins de traverse. Sa vie devenant un roman-monde. Une quête de spiritualité vécue par un homme acharné à conquérir sa liberté, alors même que sa tête est mise à prix. Un homme tiraillé par la honte et la culpabilité. Ténébreux mais lumineux. Tour à tour médecin dans les bidonvilles, trafiquant de devises, d’armes, de drogue et faussaire, des fumeries d’opium aux champs de bataille afghans, le phénix saura se réinventer, « laissant la roue du destin entraîner sa vie entière avec elle ». Si Shantaram est le grand roman des choix, du hasard qui régit nos vies – à moins qu’elles ne soient le produit de la volonté de fanatiques ayant de l’argent et un plan, il est aussi celui du passé qui ne laisse aucun répit.
Il m’a fallu du temps et presque le tour du monde pour apprendre ce que je sais de l’amour et du destin, et des choix que nous faisons, mais le cœur de tout cela m’a été révélé en un instant, alors que j’étais enchaîné à un mur et torturé. Je me suis rendu compte, d’une certaine façon, à travers les hurlements de mon esprit, qu’en dépit de ma vulnérabilité, de mes blessures et de mes chaînes, j’étais libre : libre de haïr les hommes qui me torturaient, ou de leur pardonner. Ça n’a pas l’air d’être grand-chose, je sais. Mais quand la chaîne se tend et entaille la chair, quand c’est tout ce que vous avez, cette liberté est un univers entier de possibles. Et le choix que vous faites entre la haine et le pardon peut devenir l’histoire de votre vie.
Mon appréciation : 4/5
Date de parution : 2003. Grand format chez Flammarion, poche chez J’ai Lu, Trad. de l’anglais (Australie) par Pierre Guglielmina, 1 088 pages.
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