« Des familles aussi solides que la mienne continuaient à lutter pour se construire une identité, et des personnages aussi vaillants que mes frères et sœurs se battaient encore pour devenir des adultes le moins grotesques possible. Mais nos vies étaient violentées, manipulées et, pour des dizaines de milliers d’entre elles, brisées par les sinistres machinations de ces hommes à la puissance répugnante. » De Camas, cité ouvrière de la côte Ouest des États-Unis, à un trou paumé du Canada, en passant par la jungle vietnamienne ou l’effervescence des villes indiennes, Les frères K embrasse, avec un humour désarmant et une tendresse enveloppante, de 1956 à 1980, le destin d’une fratrie prise dans les mailles de l’histoire de son pays. Ancien joueur de base-ball semi-pro à la carrière brisée, reconverti en ouvrier fauché trimant dans une usine à papier, Hugh est la clé de voûte et le père aimant d’une famille de six enfants. Malgré les conflits idéologiques entre Everett, le révolté, qui a fait de son engagement politique le déversoir naturel de sa nature conflictuelle, et sa mère, Laura, fervente adventiste dont l’extrémisme religieux vaut les diatribes enflammés de son fils ainé, l’ascétisme de Peter, l’intellectuel orientalisant en route vers l’illumination, ou encore la désinvolture d’Irwin, le colosse au cœur généreux, l’amour est omniprésent. Le liant d’une vie familiale mouvementée, que Kade, le narrateur, chronique magnifiquement, éclairant les choix de chacun à la lumière des événements. Ainsi, la frustration de Hugh alimente la colère d’Everett, le caractère fuyant de Peter lui permet de s’affirmer en endossant une nouvelle identité et la piété de Laura fait office de bouclier face aux fantômes de son passé. En intégrant sa saga familiale dans une fresque sociale ambitieuse, David James Duncan nous offre une version revisitée de David contre Goliath. D’une famille soudée qui, à beau se déchirer dans l’intimité, présente un front uni dans l’adversité. Le tout composant une somme imposante de 800 pages gorgées de vie, où on rit autant qu’on pleure, et un tableau vibrant de la nature humaine. Un monument de la littérature américaine !
Ce récit est celui d’un entrelacs de huit êtres humains, dont seul un était joueur de base-ball professionnel. Ce sport était son art, sa famille, son dur quotidien.
Mon appréciation : 4,5/5
Date de parution : 1992. Éditions Monsieur Toussaint Louverture, collection Les grands animaux, traduit de l’anglais (États-Unis) par Vincent Raynaud, 832 pages.
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