Le diable en personne est le second roman noir de Peter Farris, auteur américain publié aux éditions Gallmeister. Peter Farris avait connu un franc succès avec son premier roman intitulé Dernier appel pour les vivants. Il fait de l’Amérique son terrain de jeu et met à nu les dérives d’un pays rongé par la violence. Le diable en personne est en lice pour le Grand Prix des Lectrices de ELLE 2018, dans la catégorie Polars. Au terme du mois de juillet, je devrai, tout comme les autres membres du Jury de Septembre, choisir entre ce roman et Inavouable signé Zygmunt Wiloszewski. C’est un choix cornélien car j’ai adoré ces deux ouvrages, et ce pour des raisons totalement différentes. Je vous laisse découvrir ma chronique d’Inavouable pour avoir une idée des raisons pour lesquelles ce choix s’avère ardu. Le diable en personne est un roman noir. Il n’y a pas réellement d’intrigue, Peter Farris relate une chasse à l’homme, ou plutôt à la femme, qui oppose la pègre à un dénommé Leonard Moye. La puissance du roman réside dans le portrait au vitriol de l’Amérique profonde réalisé par l’auteur. Amérique où chacun édicte ses lois et se fait justice seul. Une Amérique de cow-boys et de gangsters qui font leur loi en toute impunité avec la bénédiction des pouvoirs publics. Dans le contexte actuel, ce roman tombe à pic. Réseaux de prostitution, trafics en tout genre, port d’armes, corruption et j’en passe, tous les sujets brulants sont abordés avec brio. L’écriture incisive de l’auteur confère à ce roman une véritable profondeur. Peter Farris maîtrise son sujet et son récit de la première à la dernière ligne. Il nous offre un roman dense et touffu.
Résumé
En pleine forêt de Géorgie du Sud, au milieu de nulle part, Maya échappe in extremis à une sauvage tentative d’assassinat. Dix-huit ans à peine, victime d’un vaste trafic de prostituées régi par le redoutable Mexico, elle avait eu le malheur de devenir la favorite du maire et de découvrir ainsi les sombres projets de hauts responsables de la ville. Son destin semblait scellé, mais c’était sans compter sur Leonard Moye, un type solitaire et quelque peu excentrique, qui ne tolère personne sur ses terres et prend la jeune femme sous sa protection. Une troublante amitié naît alors entre ces deux êtres rongés par la colère.
Éditions Gallmeister
Un portrait au vitriol de l’Amérique profonde
Peter Farris ne précise ni date, ni lieu. Pour seule indication géographique, nous savons que nous nous situons en pleine forêt de Géorgie du Sud. Un dénommé Mexico, de son vrai nom Lucio Cottles, est à la tête d’un réseau de prostitution de grande envergure. Il quadrille le pays selon une mécanique bien huilée. Cette organisation parfaitement rodée, lui permet d’alimenter tout le territoire, en particulier les nantis avides de chair fraîche. C’est le cas du Maire de la plus grande ville du Sud, dont l’identité restera méconnu tout au long du roman. Peter Farris dénonce la connivence entre les milieux mafieux et le pouvoir politique aux États-Unis. Il fait état d’un pouvoir gangréné par l’argent et l’avidité de ses représentants. Que la seule qualité du Maire soit son incroyable charisme et sa capacité à attraper la lumière – qui lui permet une fois face aux caméras d’être à son avantage, fait froid dans le dos. Le pouvoir politique est entre les mains de dégénérés dénués d’une once d’humanité dont le projet semble être le chaos. Projet, qui ne sera pas dévoilé au cours du récit mais que l’on présume être le chaos le plus total, une sorte d’anarchie où la violence de chacun pourrait s’exprimer librement. Projet fort sympathique au demeurant ;). Sur fond de criminalité organisée et de corruption, Maya tente de sauver sa peau. Dotée d’une mémoire photographique, elle devient une menace pour le Maire une fois mise au courant de ses funestes projets. Mexico envoient ses hommes de main lui régler son compte, mais rien ne se passe comme prévu lorsque Leonard Moye surgit et leur met une violente dérouillée. Mexico et l’homme de main du Maire s’engage dans une véritable chasse à l’homme visant à éliminer Maya.
Un roman noir tenu par l’épaisseur des personnages et un scénario parfaitement maîtrisé
La violence, au coeur du roman, évoque celle des films de Tarantino. J’avais l’impression d’assister à des scènes tirées de Kill Bill avec une Uma Thurman assoiffée de vengeance. Leonard incarne un homme bourru, solitaire et légèrement cinglé. Sa femme Marjean, n’est autre qu’un mannequin inerte. Maya pénètre dans l’univers décalé que Leonard s’est créé. Et contre toute attente, elle y trouve sa place. Une amitié sincère se créée entre ces deux êtres cabossés. Maya, prostituée encore mineure dont on a volé l’enfance, et Leonard, homme d’âge mûr vivant isolé du reste du monde sur ses hectares de terre. Ce misanthrope va se retrouver à devoir endosser le rôle de justicier. Armé jusqu’aux dents et fin connaisseur des aspérités du terrain, Leonard s’engage à protéger Maya de ses détracteurs. Au-delà de sa noirceur, ce roman offre des passages émouvants. La façon qu’on ces deux êtres de s’apprivoiser est très belle. Peter Farris décrit avec précision les échanges entre Maya et Leonard, la confiance qui s’installe et leur complicité. Je trouve Leonard très attachant malgré sa bizarrerie. Il émane une bonté du personnage qui contraste avec la folie alentour. Folie qui semble toucher tout le monde sauf lui, qui vit retranché du monde, en ermite. Diable et sauveur, le personnage incarné par Leonard est ambigu. Maya, femme enfant se révèle touchante. Rendue fébrile par ses ravisseurs, elle se montre forte et débrouillarde. On suit avec intérêt sa traque tout en espérant une fin heureuse à une vie si tristement démarrée.
Conclusion
Le diable en personne, est un très bon roman noir, jonglant avec tous les sujets brûlants de la société américaine. Peter Farris a une plume incisive, qui associée à la violence des descriptions entache sérieusement l’image des États-Unis. C’est un roman d’une très grande actualité, qui décrit une Amérique dirigée par des fous furieux aux desseins plus que douteux.
Ouvrages en lice pour le Grand Prix des Lectrices de ELLE 2018 jury de septembre :
Catégorie « Romans » :
- Summer, Monica Sabolo
- Ma reine, Jean-Baptiste Andrea
- Notre vie dans les forêts, Marie Darrieussecq
Catégorie « Polars » :
- Inavouable, Zygmunt Miloszewski
- Le diable en personne, Peter Farris
Catégorie « Documents » :
- La tête et le cou, Maureen Demidoff
- Un jour, tu raconteras cette histoire, Joyce Maynard
>>> RENTRÉE LITTÉRAIRE 2017 (#RL2017)
>>> GRAND PRIX DES LECTRICES DE ELLE 2018
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