De John Steinbeck, on connaît le journaliste de gauche et l’homme politique engagé, récipiendaire du Prix Pulitzer en 1940 pour Les raisins de la colère (1939). Fresque sociale devenue un roman culte sur les laissés-pour-compte du rêve américain, LE roman de la Grande Dépression, et un portrait éclatant de la misère sociale post 1929, perçue à travers le destin de la famille Joad. Du romancier, on connaît son habileté à tisser des destinées complexes, un talent de conteur formidable porté à son acmé dans À l’est d’Éden (1952) : chef-d’œuvre aux influences bibliques bâti autour du thème éternel de la rivalité fraternelle. Cette saga familiale magistrale, souvent considéré comme son livre le plus complet, est mon préféré. Tous les thèmes chers à l’écrivain américain y sont évoqués : la lutte entre le bien et le mal, le poids de la filiation, la difficile transmission entre les générations, le vice et la vertu, sa foi en l’humanité, le triomphe de la bonté et de la volonté sur ce qui est mauvais, mais également l’importance de la terre, la Californie, la sexualité, l’amitié, la possibilité d’échapper à son destin, l’altruisme et l’humanisme, les revers du capitalisme… Chez Steinbeck, ce qui est glorifié n’est pas l’ambition démesurée, ni les destins exceptionnels d’êtres privilégiés, mais l’homme à « taille humaine ». Chacun est représenté. Des gestes du quotidien, Steinbeck fait jaillir quelque chose de lumineux, de généreux. Rue de la Sardine (1945) et sa suite Tendre jeudi (1954), forment un interlude joyeux et chaleureux, tout en révélant une nouvelle facette du romancier. Ces deux textes qui relèvent plus du conte que du roman engagé, s’inscrivent dans une veine fantaisiste où l’altruisme est valorisé, un démenti réussi à ceux qui considèrent que « l’on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments ». À se demander si Steinbeck n’est pas l’inventeur de ce qu’on appelle aujourd’hui le feel good book, la finesse de l’écriture et le message politique intelligemment enchâssé dans le récit en plus. Tendre jeudi est un texte lumineux, drôle et savoureux. De l’excellente littérature, n’en déplaise aux détracteurs de « beaux » sentiments.
Ce qui avait commencé par une gentille escroquerie se transformait en une énorme preuve d’amour à l’égard de Doc.
On avertit les amis que la tombola était truquée mais on laissa les étrangers dans l’ignorance. C’était l’exemple parfait de la générosité collective d’une communauté.
À première vue, la rue de la Sardine pouvait sembler composée d’une série de cellules égoïstes, se suffisant à elles-mêmes, sans lien avec les autres. Et pourtant, chacune était reliée aux autres par un fil ténu comme un fil de la Vierge mais solide comme l’acier. Si l’on blessait l’une d’elles, on éveillait la vengeance de l’ensemble. Si l’une d’elles s’attristait, toutes pleuraient.
Mon évaluation (3,5/5)
PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 1962
Date de parution : 1954. Le Livre de Poche, de l’anglais (États-Unis) par J. C. Bonnardot, 256 pages.
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