« La Rue de la Sardine, à Monterey en Californie, c’est un poème ; c’est du vacarme, de la puanteur, de la routine, c’est une certaine irisation de la lumière, une vibration particulière, c’est de la nostalgie, c’est du rêve. » C’est une communauté éclectique, une mosaïque humaine composée d’un épicier chinois qui régulièrement se fait rouler, d’un groupe de soûlards au cœur tendre, d’une tenancière de bordel, de filles au caractère bien trempé prêtent à asséner un coup de talon à qui s’aventurerait d’un peu trop près à les chauffer et d’un homme éclairé, présentant certaines similarités avec le lumineux Samuel Hamilton d’À l’est d’Éden. De cet écosystème joyeux, à l’équilibre précaire, se dégage un charme généreux, une chaleur humaine. Humanité, pour laquelle John Steinbeck n’a cessé de renouveler sa foi, livre après livre, à travers des personnages tiraillés, aux prises avec leurs vieux démons, mais que la fatalité ne parvient pas à briser. Leur appartenance à une communauté a cet effet salvateur de les aider à transcender leurs mauvais penchants récalcitrants. La cruauté côtoie la bonté, le vice, la vertu. La lutte entre le bien et le mal, clair-obscur présent en chacun de nous, est l’épine dorsale sur laquelle est bâti ce court roman. Un antagonisme propre à l’homme, dont l’immense écrivain américain a définitivement fait son sujet privilégié. Mais nul manichéisme, les personnages sont de chair, incarnés dans tout ce qu’ils ont de complexe et de nuancé. Et si les bonnes intentions ne parviennent pas toujours à être exaucées, elles ont le mérite d’avoir été formulées. Un livre tendre et généreux dans lequel il fait bon se plonger.
Ce qui m’a toujours frappé, c’est que les choses que nous admirons le plus dans l’humain : la bonté, la générosité, l’honnêteté, la droiture, la sensibilité et la compréhension, ne sont que des éléments de faillite, dans le système où nous vivons. Et les traits que nous détestons : la dureté, l’âpreté, la méchanceté, l’égoïsme, l’intérêt purement personnel sont les éléments mêmes du succès. L’homme admire les vertus des uns et chérit les actions des autres.
En face de l’ostracisme, il n’est que deux attitudes possibles : ou bien l’homme s’améliore et se purifie, ou il jette un défi au monde et se dégrade de plus en plus. En général, les parias choisissent le pire.
Mon évaluation : 3,5/5
PRIX NOBEL 1962
Date de parution : 1945. Collection Folio, de l’anglais (États-Unis) par Magdeleine Paz, 224 pages.
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