« Allons moissonner de l’os et du sang ! De l’os et du sang ! De l’os et du sang ! » Cette litanie, scandée par un homme au cerveau détraqué tout au long du roman, atteste de sa folie obsessionnelle, autant que de la fascination morbide qu’exerce la question du mal sur Edgar Mittelholzer. Écrivain caribéen tombé dans l’oubli, que les Éditions du Typhon ont eu la bonne idée d’exhumer. Puisque s’il existe un club des auteurs maudits, Edgar Mittelholzer en fait assurément partie. Non reconnu de son vivant, victime de racisme, et bien que repéré in extremis par l’éditeur Leonard Woolf – époux de l’illustre romancière anglaise, l’écrivain métis né en Guyana mourut dans l’anonymat. Et pourtant, Le temps qu’il fait à Middenshot, malgré quelques répétitions, mérite notre attention. Rien que par son originalité : le découpage du récit en trois parties (le vent, le brouillard, la neige) participe à l’atmosphère macabre. La nature indomptée permettant aux criminels d’agir en toute impunité. Le brouillard enveloppant ajoute à la confusion des esprits et dissimule les meurtres commis, renforçant le sentiment d’isolement. Empruntant les codes du roman noir et puisant ses influences dans la littérature gothique et de l’absurde, Edgar Mittelholzer campe des personnages complètement barrés, que la société a dénaturés. Mr. Jarrow estime être une victime de ses dysfonctionnements, ayant subi un traumatisme dans l’enfance qui l’a fait basculer dans la folie. Persuadé que sa femme est morte il y a dix-sept ans, le tyran domestique organise avec sa fille des séances de spiritisme, auxquelles son épouse, condamnée à errer dans la maison tel un fantôme, assiste docilement. En parallèle, Le Grand Exécuteur s’est échappé de l’asile de Broadmoor et sème la frayeur dans la bourgade anglaise. En filigrane de cette caricature de roman policier – les portraits sont grotesques et le trait exagéré – qui tire vers le conte fantastique, Edgar Mittelholzer développe une réflexion intéressante sur les fondements ontologiques sur lesquels s’appuie la société pour fixer notre degré d’acceptabilité du mal et le légitimer, au risque de faire de l’eugénisme un moyen d’y remédier
Mon évaluation (3,5/5)
Date de parution : 1952. Grand format aux Éditions du Typhon, de l’anglais (Guyana) par Jacques et Jean Tournier, 342 pages.
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