« Imaginez-vous sous l’eau depuis le jour de votre naissance à retenir votre respiration en attendant une bouffée d’air qui ne vient pas ma vie c’est ça. » En prison, Duke lit Les Confessions de Saint-Augustin. Choix subtil éclairant les intentions d’un criminel en quête de rédemption, espérant ainsi soulager une conscience alourdie par les crimes commis. Puisque si l’homme naît bon et la société le corrompt – d’après Rousseau, autre auteur des Confessions – cela vaut pour lui aussi. Il n’est donc pas par nature pourri, mais le produit des sévices infligés par ses parents. Séquestré avec ses frères et sœurs dans une pièce privée de lumière, Duke est violé, battu, humilié par son père, pendant que sa mère immortalise les scènes en les filmant avec sa caméra. L’horreur absolue. Duke subit. Chaque nouvelle agression alimente le Démon. Le mal s’insinue en lui, rongeant les derniers relents d’humanité qu’il avait réussi à préserver. Telle une hydre à deux têtes, il apprend à apprivoiser cette autre facette de sa personnalité, dont la réaction idiosyncrasique à l’agression est la destruction. Ses parents condamnés, rien n’y fait, l’âme de Duke a été avilie. Peut-on s’émanciper du seul schéma que l’on connaît ? Double pénitence que ce mimétisme comportemental : infliger aux autres ce que l’on a subi tout en ayant conscience de notre incapacité à enrayer la spirale infernale initiée par l’être honni à qui on finit par ressembler. « J’étais comme quelqu’un qui se débat avec un poids tu coules tu coules mais tu ne sais pas où est attachée la pierre. » Dénué de ponctuation, le premier roman de Dimitri Rouchon-Borie se lit d’un souffle comme les confessions d’un homme privé de liberté, condamné d’emblée par ses liens de filiation, et soumis à la fatalité. Le Démon de la Colline aux Loups est d’une beauté diabolique. Cruel, anxiogène, mais terriblement addictif, ce livre est le cri effroyable d’une âme damnée qui donnerait tout pour se racheter et éradiquer le monstre avec qui elle doit cohabiter. Une immersion éprouvante dans la fabrique du mal. Âmes sensibles s’abstenir…
Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être…
- Né d’aucune femme de Franck Bouysse
- La fabrique des salauds de Chris Kraus
- Ténèbre de Paul Kawczak
Parution : 2021. Éditions Le Tripode, 240 pages.
PREMIER ROMANROMAN NOIR
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