Nous sommes embarqués sur cette planète avec toute sa tristesse, tout son amour, toute sa beauté et tous ses insondables mystères. Il n’y a pas de temps à perdre. Apprendre l’amour est, je pense, la raison pour laquelle nous disposons de cette inexplicable chance, de ces quelques années sur cette terre. Je suis reconnaissant de ce don, de cet appel à réaliser tout ce que nous pouvons ici.
Dans une ferme du Maine surplombée par deux grands ormes plantés par l’arrière-arrière-grand-père en 1834, cinq générations de Senter se sont succédé. La faisant prospérer, travaillant la terre, moissonnant les champs, avant qu’elle ne périclite sous le coup de la Grande Dépression et qu’elle ne soit laissée à l’abandon. Fraîchement mariés, Tup Stenter et Doris décident en 1933 de réhabiliter ce lieu empreint d’une douce nostalgie, incarnant l’âge d’or de l’enfance, pour y installer leur foyer. Un cocon familial à l’écart du monde. Une bulle de bonheur qu’un drame va faire éclater. Un vieux pistolet chargé utilisé comme un jouet, une détonation sourde, quelques minutes d’inattention ont suffit pour que survienne l’accident qui a fait basculer la vie de Doris, Tup, Dodie et son frère cadet Beston dans un espace-temps rempli de regrets et de culpabilité. « La fureur de ma femme est une absence de lumière, et mon désir de pardon une supplique dans l’obscurité. » Comme si le malheur avait soufflé d’un coup leur vie d’avant. De là, prennent racine la crainte de Dodie d’être une mère inapte à protéger ses enfants, la difficulté pour Berston de trouver sa place à côté du vide laissé par l’absent et le chagrin indicible des parents. Avec grâce, une justesse dans la description des sentiments et de la vulnérabilité de l’être humain, acculé à prendre des décisions qu’un jugement expéditif formulé par un regard extérieur condamnerait, #MeredithHall recompose l’histoire douloureuse et lumineuse d’une famille mise au défi de rester soudée malgré la tragédie.
Ses sanglots cognaient au terrible rugissement de mon sang, alors je me suis écartée de lui.
Partageant avec le bouleversant roman de Joyce Maynard, Où vivaient les gens heureux, une unité de lieu : une ferme familiale nichée au cœur de l’Amérique rurale, un même projet : la composition d’une fresque intime gravitant autour de la perte d’un enfant, Plus grands que le monde explore également, à travers les destins de chacun des survivants, les étapes du deuil, le long chemin d’acceptation menant au pardon, ainsi que les vertus du temps et de la constance de l’alternance des saisons.
Le prix à payer pour l’amour et l’attachement est la perte, et elle nous accompagne chaque jour.
Mon appréciation : 4/5
Date de parution : 2024. Grand format aux Éditions Philippe Rey, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Richard, 368 pages.
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