« Mon chéri, quatre générations t’ont précédé dans l’écriture mais toi, dans ta courte vie, tu as vu beaucoup de choses et tu dois les raconter aux générations à venir pour qu’elles comprennent la signification des mots « d’où ? » et « vers où ? ». Et la réponse à la première question contient la réponse à la seconde. » D’où vient la vocation d’écrivain ? Pourquoi certains gravitent inlassablement autour des mêmes sujets, creusant certains épisodes de leur vie jusqu’à les épuiser ? Peut-être pour supporter la culpabilité d’avoir survécu et ressusciter l’esprit des disparus. Né en Roumanie en 1932, Aharon Appelfeld est un rescapé de la Shoah. À huit ans, il est déporté dans un camp, d’où il s’évade. Le reste de sa famille est exterminée par les nazis. Pendant trois ans, l’orphelin se réfugie dans les forêts ukrainiennes avant de rejoindre les rangs de l’Armée rouge. De cette enfance chaotique, l’écrivain israélien, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, tire Les partisans. Le récit de survie pendant la Seconde Guerre mondiale d’un groupe de combattants Juifs pour la liberté échappés d’un ghetto et retranchés dans les forêts des Carpates. L’utopie d’une communauté aimante, un microcosme d’humanité. Entre expéditions dans les villages, soirées de réflexions et actions de sabotage, les partisans mettent leur énergie à sauver le plus de vies. Les Allemands sont en déroute, l’Armée rouge sur le point de débarquer. Et pourtant, l’antisémitisme dans la population ukrainienne persiste : « Les Juifs ne parlent jamais comme ça » « Ah bon ? Comment parlent-ils alors ? Raconte-nous un peu. » « Les Juifs acceptent leur destin en silence. » Quel goût une victoire milliaire arrachée, alors que les mentalités demeurent inchangées, peut-elle avoir ? Progressant sur la brèche, le groupe soudé a un effet galvanisant les empêchant de flancher. Reste à Edmund, le narrateur – alter ego de l’auteur ?, la mission de témoigner, sous peine que le futur ne soit qu’une répétition du passé. Alignée avec les valeurs qu’Aharon Appelfeld a défendues toute sa vie, l’armée de fortune composée de militants communistes, sionistes, laïcs, d’un enfant de deux ans trouvé dans les barbelés, ou encore de Tsirel une vieille femme de 93 ans, l’âme du clan… lutte pour conserver intacte sa part d’humanité. Il faut beaucoup aimer les hommes pour ne pas désespérer.
Mon appréciation : 3,5/5
Date de parution : 2015. Grand format aux Éditions de L’Olivier, poche aux Éditions Points, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, 336 pages.
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