Je ne sais pas comment décrire cette chambre. […] mais il me semble encore que j’y ai vécu une vie entière. Comme je le disais, la vie dans cette chambre semblait comme vécue sous l’eau, et il est certain que j’y subis une métamorphose d’une profondeur insondable.
Dans ce court roman, qui se démarque dans l’œuvre de James Baldwin, l’écrivain afro-américain fait un écart en quittant son Harlem natal pour Paris, où il a lui-même fui en 1948. Avant de devenir l’un des plus fervents activistes pour les droits civiques, il y fait l’expérience de la vie de bohème avec en tout et pour tout 40 dollars en poche à son arrivée, arpente les ruelles pavées de Saint-Germain des Près, investit la terrasse des Deux Magots, fréquente les bars clandestins et enfumés de Montparnasse, où se réunit tout ce que la capitale réunit d’artistes, d’intellectuels et d’expatriés déracinés. Un exil parisien comme un sas de décompression avant de régler ses comptes en prenant la plume avec l’Amérique raciste en voie de déségrégation. Déjà, adolescent, il avait tenté de trouver refuge dans la religion, laquelle irrigue tous ses romans. À certains égards, le héros de La chambre de Giovanni apparaît comme un double de l’auteur. Un homme troublé par son homosexualité naissante, tiraillé par son désir de conformisme, hanté par la peur d’être exclu. Quelques mois ont passé depuis l’été de la rencontre du narrateur avec Giovanni, pendant que sa fiancée sillonnait les routes d’Italie. Installé dans une maison du Sud de la France, David revisite ses souvenirs, d’où émerge l’histoire d’amour brève et intense, au dénouement tragique qu’il a eue avec cet émigré italien au passé trouble, que l’on sait condamné à la guillotine. Lorsque débute leur liaison, il en sous-estime la force. Le déferlement d’émotions est tel, qu’il balaye toutes ses certitudes. Emporté par la force du courant, ce n’est que recraché par le ressac, que David, encore chancelant, réalise à posteriori le changement qui s’est opéré en lui. Prise de conscience tardive au regard de l’enchaînement dramatique des événements. Dorénavant, David devra composer avec un terrible sentiment de culpabilité. Celui de n’avoir pas eu le courage de sauver l’homme qu’il aimait, qui par sa franchise, sa sincérité sans artifice, l’a pourtant aidé à se déterminer. D’une écriture charnelle, au plus près des sentiments tels qu’ils sont ressentis quand on a aimé, vraiment, James Baldwin entremêle ses thèmes de prédilection : un homme en quête d’identité, l’éveil de l’homosexualité et le destin implacable auquel aucun de nous ne peut échapper. Dorénavant, David devra composer avec un terrible sentiment de culpabilité. Celui de n’avoir pas eu le courage de sauver l’homme qu’il aimait, qui par sa franchise, sa sincérité sans artifice, l’a pourtant aidé à se déterminer. D’une écriture charnelle, au plus près des sentiments tels qu’ils sont ressentis quand on a aimé, vraiment, James Baldwin entremêle ses thèmes de prédilection : un homme en quête d’identité, l’éveil de l’homosexualité et le destin implacable auquel aucun de nous ne peut échapper.
Mais on ne peut malheureusement pas inventer nos amarres, nos amants ni nos amis, pas plus qu’on ne peut inventer nos parents. La vie nous les donne et nous les reprend, et la grande difficulté est de dire oui à la vie.
Mon appréciation : 4/5
Date de parution : 1956. Poche au Livre de Poche, traduit de l’anglais (États-Unis) par Elisabeth Guinsbourg, 288 pages.
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