Si son idĂ©al suffit : « Ătre le serviteur de deux idoles, les femmes et la littĂ©rature », le romancier juif, polonais, naturalisĂ© amĂ©ricain est aussiâŠ
1ïžâŁ Le premier Ă©crivain de langue Yiddish Ă avoir reçu le prix Nobel de littĂ©rature en 1978 :
pour son art de conteur enthousiaste qui prend racine dans la culture et les traditions judĂ©o-polonaises et ressuscite l’universalitĂ© de la condition humaine
2ïžâŁ Un formidable conteur issu du shtetl polonais, qui ressuscite dans ses romans et nouvelles le monde englouti du Yiddishland. Ce microcosme bouillonnant auquel il donne une portĂ©e universelleâŠ
3ïžâŁ met en scĂšne des personnages excentriques magnifiquement incarnĂ©s, dĂ©chirĂ©s comme si leurs choix Ă©taient guidĂ©s par une certaine fatalitĂ© ; des ĂȘtres dĂ©bordant de vitalitĂ©, empĂȘtrĂ©s dans des histoires dâamour inextricables, des relations adultĂ©rines, des mariages catastrophiques, un entrelacs de mensonges compliquĂ©s. AnimĂ©s dâune rage de vivre, ces rescapĂ©s de la #Shoah dĂ©fient avec fureur la mort au quotidienâŠ
Tel que nous le concevions autrefois, lâatome sâarrĂȘtait de bouger. Celui quâon observe aujourdâhui gesticule dans tous les sens comme frappĂ© de folie, il se tortille et tournoie sans fin. Peut-ĂȘtre est-ce le symbole ultime de lâhomme dâaujourdâhui.
4ïžâŁ mais sont aussi fĂ©briles, rongĂ©s par la culpabilitĂ© du survivant, coupĂ©s de leurs racines, en pleine quĂȘte identitaire et de sens dans un univers que Dieu a dĂ©sertĂ©. Lâexil, le dĂ©racinement, la religion, la moralitĂ©, le dĂ©sir, les angoisses existentielles, lâassimilation, la dissolution de lâidentitĂ© juive forment les pierres angulaires dâune Ćuvre riche avec en filigrane cette question : OĂč trouver le bonheur ? Si avant, la foi, lâobservance des rites, la poursuite des traditions, lâinscription dans une histoire commune – en faisant de chaque gĂ©nĂ©ration un nouveau maillon – y suffisaient, la modernitĂ©, en le dĂ©pouillant de sa spiritualitĂ©, a vidĂ© le monde de son sens. Avec pour corollaire : lâinaptitude des Hommes Ă prendre leur responsabilitĂ©.
Je ne peux pas te faire sentir Ă quel point nous Ă©tions proches de la mort. Elle Ă©tait devenue une prĂ©sence familiĂšre, une amie. [âŠ] Je ne veux pas te donner des angoisses mais jâai vu, de mes yeux vu, des Juifs creuser leur tombe. Jâai regardĂ© le ciel, il Ă©tait bleu, le soleil brillait. Tout Ă©tait calme. Aucun ange ne pleurait. Le MaĂźtre de lâUnivers restait silencieux. Je ne mâattendais pas Ă ce que les Juifs oublient si vite. [âŠ] jâai pensĂ© Ă me suicider. Je ne comprends pas vraiment pourquoi. Il me semblait que je nâappartenais plus Ă ce monde. Je me perdais dans lâunivers du chaos. Sans cesse. Je revenais vers eux, les six millions.
Si seulement nous pouvions nous reposer ! Si les puissances qui enchaĂźnent et harcĂšlent les ĂȘtres humains pouvaient relĂącher un peu leur emprise, de façon Ă ce que nous puissions jouir des dons de Dieu, nous ressaisir, reprendre courage ! Car tous les pĂ©chĂ©s naissent de ce que nous ne croyons pas aux forces supĂ©rieures, redoutons le lendemain et voulons arracher Ă notre profit un petit morceau de monde-ci avant quâil ne soit trop tard.
5ïžâŁ Un humaniste convaincu, prenant le monde tel quâil est, sans chercher Ă racheter dans ses Ă©crits lâhumanitĂ©. Ă mettre de lâordre dans le chaos. Tout en ayant conscience que « de ce chaos, un nouvel Hitler pouvait surgir Ă chaque gĂ©nĂ©ration ». Isaac Bashevis Singer nâest ni un moraliste, ni un auteur politique. Sa ligne de conduite se rĂ©sumant Ă se tenir en retrait des polĂ©miques. Le sens de son existence se circonscrit Ă son activitĂ© de romancier. Dont lâĆuvre foisonnante sâĂ©vertue Ă redonner vie Ă un espace linguistique, culturel, religieux et politique dâEurope centrale et orientale quâil a connu et ne sera jamais plus.
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