En 1978, Isaac Bashevis Singer devient le premier écrivain yiddish à recevoir le prix Nobel de littérature pour « son art narratif qui, plongeant ses racines dans la tradition judéo-polonaise, incarne et personnifie la condition humaine universelle ». Sont soulignés son talent de conteur, sa capacité époustouflante à embrasser d’un geste la nature humaine ; sans jugement, dans ses comportements grotesques, ses élans de vie, ses petites et grandes tragédies, ses interrogations métaphysiques et ses névroses ; magistralement incarnée dans des personnages d’une humanité féroce. Les hommes en caftan et les femmes emperruquées sortis des pages de La famille Moskat peuplent cette Varsovie multiculturelle du début du 20e siècle, où la vie s’écoule au rythme des 613 commandements de l’Ancien Testament. Des coutumes strictes qui ont traversé le temps pour assurer la pérennité d’une communauté, dont les deux tiers en Europe disparaîtront dans les camps. Les descendants de la dynastie hassidique initiée par Reb Meshulam épousent les mutations profondes de la société. Animée d’idéaux nouveaux, la nouvelle génération s’émancipe des rites bibliques et rejète un mode de vie jugé archaïque. Sous le coup des mariages mixtes, de la menace bolchéviste, du sionisme et de la montée du nazisme, le clan se disperse. Se dessine en creux dans cette diaspora, la quête inaccessible du bonheur, la dilution de l’identité juive et la question de la place occupée dans une société dont les piliers ont été ébranlés. Faisant de l’exploration des émotions humaines son sujet de prédilection, Isaac Bashevis Singer campe des personnages truculents aux prises avec des situations inextricables. Une tragi-comédie mettant à jour les liens puissants d’une communauté mettant la même énergie à se déchirer qu’à se réconcilier. Le Yiddishland, espace linguistique englobant des pays d’Europe de l’Est et réunissant les communautés ashkénazes, a nourri l’imaginaire de Singer. Né dans un shtetl en Pologne, l’auteur juif américain puise dans ses souvenirs pour ressusciter, dans une saga familiale addictive déployant de nombreuses ramifications, un monde bouillonnant de vie, disparu depuis.
Mon appréciation : 4,5/5
Date de parution : 1950. Grand format aux Éditions Stock, poche aux Éditions J’ai Lu, traduit de l’anglais par Marie-Pierre Bay, 862 pages.
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