En géologie, une ligne de faille est une zone de rupture. L’endroit critique où un bloc se scinde pour former deux entités distinctes. De ce déplacement naît un nouvel agencement. Transposé à la généalogie, c’est un traumatisme sur lequel se construit l’histoire d’une famille. Un choc aux ramifications complexes dont les répercussions à retardement structurent la personnalité des descendants. Cet effet papillon, dont les ondes traversent le temps, sert de structure narrative au roman. Construit selon une chronologie inversée, des pouponnières nazies à la Californie, de la Seconde Guerre mondiale, à la Guerre d’Irak en passant par le conflit israélo-palestinien, Lignes de faille nous fait remonter le temps en étudiant sur quatre générations les membres d’une famille pris à l’âge de six ans. Tout le talent de Nancy Huston se manifeste dans une construction subtilement orchestrée où les récits s’imbriquent parfaitement. Une narration à rebours où tout finit par s’emboîter, puisqu’à l’instar des poupées russes l’étude de la vie d’un membre de la famille nous conduit inévitablement au précédent balayant ainsi les questions en suspens. Les choix des parents éclairant ceux des enfants. Allemagne, 1942. Kristina a six ans quand elle découvre la vérité sur ses parents. Ne sachant pas qui elle est, son identité se construit sur des sables mouvants. Devenue une chanteuse mondialement reconnue, elle maintient le silence sur son passé. Et pourtant, celui-ci viendra hanter sa fille, à tel point que sa vie tout entière sera consacrée à le réparer. Le mutisme ne suffit pas à empêcher la vérité de se manifester. Le mensonge libère son poison venant gangréner la vie des descendants torturés par un mal dont l’origine demeure inconnue puisque tue. Nancy Huston fait de cette mise en abyme de nos existences le moyen de comprendre qui l’on est et l’impact des générations qui nous ont précédées. Lignes de faille est un roman vertigineux et éblouissant sur les liens de filiation, sur la transmission et l’impossibilité de réparer ce qui appartient au passé. Un poids que seule la vérité, une fois formulée, est apte à alléger.
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Date de parution : 2006. Grand format aux Éditions Actes Sud, poche chez Babel, 496 pages.
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