Dans une province reculée de l’empire russe, Mendé Speisman désespérée par le départ de son mari ; désistements qui par ailleurs semblent se succéder à la vitesse d’une épidémie ; se jette dans la rivière Yasselda. Zvi-Meïr Speisman, comme tant d’autres avant lui, a troqué son shtetl de Polésie pour la grande ville de Minsk. Décidée à venger sa sœur et à lui ramener son fugitif de mari, Fanny Keizman entreprend une chevauchée en pleine nuit. Faisant route avec une équipe de bras cassés, la jeune femme qui pousse l’originalité jusqu’à officier comme shokhetet – abatteur rituel de la communauté juive – devra compter pour se défendre sur son habileté à manier la lame. Relevé et piquant, La vengeance de Fanny revisite les codes du western : vendetta, personnages truculents à la gâchette facile, roadtrip en calèche, hommes taciturnes marqués par la vie et femme éprise de liberté, tout en opérant un virage complètement loufoque. Comme un pied de nez aux romans d’aventure exclusivement masculin, genre qui a longtemps dominé, les femmes se hissent de plus en plus avec panache en héroïnes révoltées. Que ce soit sous les traits d’une mère de famille juive rangée exempte de remords, d’une héroïne argentine queer en quête de schémas familiaux alternatifs (Les Aventures de China Iron de Gabriela Cabezón Cámara) ou d’une orpheline kidnappée par des Indiens traversant en caravane l’Ouest américain (Des nouvelles du monde de Paulette Jiles). Mêlant l’humour juif au burlesque, l’auteur israélien Yaniv Iczkovits nous immerge dans un univers mystérieux, ponctué de termes hébreux et yiddish qu’un lexique enrichi nous permet d’apprécier. Celui des shtlels, du peuple juif dont le communautarisme s’éclaire à la lumière de l’antisémitisme qui sévissait fin 19e dans les pays de l’Est. Hormis un tunnel narratif au milieu du roman et un côté foutraque un peu lassant, un vent de liberté souffle sur les pages de cette épopée féministe déjantée, entre quête d’émancipation et de liberté.
Mon appréciation : 3/5
Date de parution : 2022. Grand format aux Éditions Gallimard, traduit de l’hébreu par Jérémie Allouche, 512 pages.
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