« Il faudrait s’arrêter à chaque image ; non pour s’en repaître ; non pour y échapper. Il y a tant de messages, tant de vitesse, tant d’ailleurs possibles. Je cherche un point fixe : une façon d’observer le monde qui n’esquive rien. » Voir la réalité, embrasser d’un regard toute sa complexité, figer l’expression d’un bourreau ; et pour cela, face caméra faire répéter aux génocidaires la gestuelle mortuaire dix fois, mille fois, jusqu’à ce que le geste précis soit reproduit ; vaincre les effets du temps qui érode les faits, débusquer la vérité dans un détail : la bouche tordue d’un homme confronté aux fantômes de son passé, une dent déterrée ou un bout de tissu retrouvé, contrer la négation par la répétition, l’approximation par un travail de documentation, telle est l’ambition de Rithy Panh. « Le seul projet, c’est la connaissance du crime. » Quarante ans après l’instauration du Kampuchéa démocratique, Rithy Panh entrelace son histoire personnelle à celle de son pays et entame un pèlerinage sur les lieux où a été massacrée sa famille. Arpentant les rizières, interrogeant les femmes-devins et les derniers témoins, l’adolescent, qui a échappé aux Khmers rouges en s’abritant sous un jeune banian, cherche les tombes, dialogue avec les morts, traque la vérité pour offrir une sépulture et une forme de paix aux âmes égarées. « La documentation du crime de masse passe par la connaissance de l’idéologie ; mais aussi par les aspects pratiques et quotidiens de torture et de mort. » Rithy Panh aura consacré sa vie à ce travail de mémoire, se heurtant à l’impossibilité de pénétrer à l’intérieur d’un esprit emporté par l’idéologie. La folie meurtrière qui a suivi la tentative d’instauration d’un système égalitaire reposant sur une utopie agraire, restera à jamais étrangère à qui ne l’a partagée. Reste l’écriture et les vertus de la répétition pour contrer l’abstraction d’une idée pure dénaturée : « lutter contre le mal par la répétition. Se tenir dans une position juste, sans doute fragile, jamais naïve. […] Se faire l’historien de sa propre histoire. Mener le combat de la connaissance. Chercher la forme, les mots ou les images. Telle est ma ligne. »
Mon appréciation : 3/5
Date de parution : 2020. Grand format aux Éditions Grasset, poche au Livre de poche, 160 pages.
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