« La souffrance le rendra sage, la laideur le rendra bon, l’amertume le rendra doux et la maladie le rendra fort. » Dans une province reculée du Yiddishland russe, le petit village de Zuchnow abrite une famille juive ashkénaze ployant sous les épreuves. La première de ces plaies est la naissance d’un enfant différent, Menuchim, le dernier-né du maître d’école Mendel Singer : un homme juste, pieux, « qui craignait Dieu et n’avait rien d’exceptionnel, un juif tout à fait ordinaire ». À l’infirmité de Menuchim, s’ajoutent le besoin de reconnaissance de l’aîné qui s’engage dans l’armée, le désir d’évasion du cadet et les appétits sensuels de la flamboyante Mirjam. Face au déshonneur que la liaison de la jeune fille avec un cosaque fait peser sur la famille, Mendel Singer prend la décision d’émigrer aux États-Unis. Terre d’accueil et de miracles où la famille pourra se réinventer. À l’orée de la Première Guerre mondiale, à quoi succédera la révolution bolchevique, la traversée offre à la famille Mendel une ultime porte de sortie. Mais la condition de cette expatriation est sans équivoque, Menuchim est condamné par sa maladie à rester en Russie. Écrasée par le poids de la culpabilité, Deborah sait qu’en abandonnant son fils à des étrangers elle rompt l’engagement contracté avec le rabbin de Kluczysk. Pris dans la tourmente et démunis face à la douleur des siens, la pauvreté, la guerre, la folie, la perte de ses repères en terre étrangère, Mendel Singer fait l’expérience d’une crise spirituelle sans précédent, que seul le souvenir de son fils oublié au pays rattache à la vie. Sa foi est ébranlée, son Dieu, témoin passif des épreuves endurées, l’a abandonné. Mendel avance dans la nuit jusqu’au jour où le miracle se produit et l’impensable survient. Avec ce style précis, simple et puissant des grands romanciers juifs-allemands, Joseph Roth propose une variation du mythe biblique de Job : comment la foi résiste-t-elle à la souffrance des homme ? Une cohabitation complexe magnifiquement incarnée dans cette parabole lumineuse gorgée d’espoir et d’humanité.
Mon évaluation : 4/5
Date de parution : 1930. Éditions Points, collection Grands romans, traduit de l’allemand par Stéphane Pesnel, 288 pages.
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