« Et cette certitude d’être un salaud lui procurait en même temps la sensation salutaire d’être un homme. » Prix Goncourt 1948, Les Grandes Familles est le premier volet d’un triptyque romanesque, une fresque historique savoureuse sur plusieurs générations, s’inscrivant dans la tradition du grand roman balzacien. Paris, début du xxe siècle. L’illustre poète Jean de La Monnerie vient de décéder. À ses côtés, Simon Lachaume, son protégé, recueille ses derniers vers sibyllins, dont il s’empressera de faire un papier comme gage de son intimité. Sans se douter que le destin ne se joue à rien : saisir lors d’un enterrement le bref instant où un ministre flâne en solitaire suffit parfois à lancer une carrière. Encore faut-il avoir les bons appuis. En unissant leurs descendants, les de La Monnerie – grande famille aristocratique – et les Schoudler – richissimes hommes d’affaires – ont assuré la pérennité de leurs lignées. Commandeurs de la légion d’honneur, croix de guerre, académiciens, banquiers d’affaires, magnats des médias…les patriarches tout-puissants forment une élite politique et économique ayant ses entrées dans les hautes sphères. Dans cette atmosphère crépusculaire de l’entre-deux-guerres, où la société française sclérosée est tiraillée entre des dirigeants réticents à l’idée de céder les rênes du pouvoir à des jeunes inexpérimentés dont les dents rayent le parquet, les chefs de tribus bouffis d’orgueil refusent d’abdiquer. Quitte à écraser leurs enfants. Victimes collatérales d’une guerre d’ego entre clans situées au mauvais endroit au mauvais moment. D’une plume féroce, Maurice Druon dresse un tableau caustique de ces lignées de dirigeants. Ces grandes dynasties patriarcales où les femmes sont au choix des épouses cocufiées, des veuves éplorées ou des maîtresses vénales. Alors que pour rester au sommet, ces prédateurs sont prêts à toutes les extrémités, d’autres avancent leurs pions minutieusement, s’alliant au gré des opportunités, parfaitement conscients qu’« il y a, à l’intérieur même de la gloire, autant de degrés que de l’obscurité au succès. Simplement, on est moins nombreux sur les marches. » Le meilleur du roman français.
Date de parution : 1948. Grand format aux Éditions Julliard, poche au Livre de Poche, 384 pages.
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