LITTÉRATURE ISLANDAISE

D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds, Jón Kalman Stefánsson : la vie tient-elle toutes ses promesses ?

23 juillet 2023

 « La vie est une occasion unique, une seule chance nous est offerte d’être heureux, comment la mettre à profit ? » Filant les thèmes qui lui sont chers : écrire pour conjurer l’oubli, les vertus salvatrices de la poésie, la fugacité du bonheur, l’usure des sentiments et la peur de passer à côté de sa vie, Jón Kalman Stefánsson poursuit avec ce premier volet d’une chronique familiale islandaise son étude de la transmission des maux d’une famille. Un coup de sang à la table du petit-déjeuner, qu’il envoie valser, et avec elle vingt-cinq ans de vie commune, suivi d’un divorce et d’un exil de deux ans à l’étranger. De retour en Islande, Arí tente de comprendre comment son mariage s’est fissuré. Sur cette terre âpre, balayée par des bourrasques de vent. Immense champ de lave dont le noir tranche avec le bleu glacé des fjords islandais. Un paysage lunaire où la solitude et la mélancolie des femmes l’ayant précédé s’est ancrée. Sa mère qui, rêvant d’une autre vie, a noirci pendant des années des carnets y confiant sa frustration de femme au foyer, avant d’abdiquer et de laisser la boisson l’emporter. Nourrissant le même sentiment d’enfermement, d’inertie, que Margrét, la grand-mère d’Arí. Qu’une lassitude extrême a enveloppée au fil des ans et des enfants, la transformant en momie vivante cantonnée aux tâches ménagères quand son capitaine de mari s’absentait de longs mois en mer. Sur trois générations, se transmet la même frustration : sous les coups d’un quotidien assommant voir ses rêves de jeunesse ensevelis, sa liberté s’amenuiser et le bonheur, que l’on pensait acquis, victime du passage du temps. Puis, choisir. Partir ou rester. Se révolter au risque d’avoir des remords ou plier sous le poids des regrets. Bien que traversé par des fulgurances poétiques, des réflexions éblouissantes et éclairantes sur le sens de nos vies, D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds est plus sombre que les autres romans de l’immense poète islandais. Le traitement de la place qu’occupent les femmes au sein de la sphère privée plus féministe aussi. Qu’un final renversant sert admirablement, nous invitant à envisager le monde sous un angle différent.


Mon appréciation : 3,5/5

Date de parution : 2013. Grand format aux Éditions Gallimard, poche aux Éditions Folio, traduit de l’islandais par Éric Boury, 480 pages.


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