Magnus est un ourson en peluche marron, le pelage élimé, les extrémités en cuir, les yeux doux en forme de renoncules, dotés d’un regard singulier. Il est le détenteur d’un secret, des fragments d’une mémoire qu’une vie ne suffira pas à recomposer. C’est à cinq ans que Franz-Georg est né. Avant, c’est le trou noir. Seul Magnus est resté. Sa petite enfance s’est dissoute en une volute de fumée dont il mettra des années à extirper des formes, des couleurs, qui lui apparaîtront en flashs faisant péricliter sa réalité. Dissipant les mensonges, les omissions inventées par les adultes pour le préserver. De son enfance, il conserve intact le visage sévère de sa mère. Une femme rongée par l’aigreur à la fin de la guerre, puisque portée toute sa vie par les rêves de grandeur de l’Allemagne nazie. Elle, dont les mains délicates s’ornaient de bijoux spoliés aux femmes exterminées dans les camps par son époux zélé. La guerre terminée, le criminel de guerre s’exil en Amérique latine, où se sentant traqué il finit par se suicider. Comment un enfant peut-il saisir le poids de la responsabilité que portent ses parents ? Franz-Georg se construit sur un passé fuyant, ne sachant pas qui il est véritablement, qui étaient ses parents et ce qu’il s’est passé avant ses cinq ans pour que sa mémoire se réinitialise complètement. Quel choc traumatique a-t-il subi pour qu’un voile noir s’étende sur sa vie ? Qui est cette femme qui habite ses rêves et se consume dans les flammes ? Magnus oscille entre différentes identités. Même son nom il doit s’en défaire, une fois en Angleterre, pour couper avec le passé criminel de son père. Adulte il choisira de se dépouiller de ses multiples identités et de se faire appeler Magnus. Sylvie Germain nous raconte une quête d’identité non linéaire, truffée de réminiscences qui surgissent de manière inopinée, laissant Magnus avec une vérité tronquée. Porté par une écriture elliptique, le roman prend la forme d’un puzzle géant dont les pièces manquantes sont des bouts de la personnalité d’un homme en quête de son identité.
HISTORIQUEMagnus, Sylvie Germain : reconstitution d’une mémoire fragmentée {Prix Goncourt des lycéens 2005}

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