Alors qu’il décide de quitter la France pour partir s’installer aux États-Unis, Benoit Cohen apprend que sa mère s’apprête à accueillir chez elle un réfugié afghan. Fervent défenseur de la cause des migrants et opposant convaincu à la politique isolationniste du futur président des États-Unis, il n’en est pas moins décontenancé par cette annonce. Ce récit est le fruit des échanges entre l’auteur et Mohammad. Ce dernier accepte de se confier et de lui dévoiler son passé. Benoit Cohen n’a pas la prétention d’apporter une réponse à la crise des migrants. Il opère un changement d’échelle permettant d’envisager le problème à hauteur d’homme. Il se saisit d’un phénomène macro pour lui donner une dimension micro. D’une crise globale, il en fait une situation locale. Le simple fait d’individualiser contribue à humaniser ce que les politiques tentent de banaliser. Benoit Cohen met en perspective l’exil de Mohammad, dont dépendait sa survie, avec son propre départ pour un pays qu’il a choisi. En établissant ce parallèle, il met le doigt sur l’essentiel. La notion d’accueil est au cœur du processus d’intégration des migrants. Sa réussite est intrinsèquement corrélée au degré d’hostilité. Se sentir accepté et considéré est le facteur déterminant. Avant d’arriver en France, Mohammad a vécu le parcours du combattant. De l’Iran, à l’Afghanistan, en passant par le Sri Lanka, il passe de bureaux administratifs en ambassades à la recherche du papier lui octroyant le statut de réfugié et, par la même, le droit d’émigrer. In fine, il obtiendra le précieux sésame : son visa pour la France. Benoit Cohen évite de s’engouffrer dans une vision manichéenne de la société, avec les bons d’un côté, prêts à accorder l’hospitalité, et les autres, trop égoïstes pour renoncer à leur confort. Au contraire, le propos est nuancé. Loin des discours politiques stéréotypés, l’auteur fait référence à un cas concret, une histoire vécue. En faisant le choix de relater une expérience personnelle, l’auteur évite l’écueil du discours moralisateur. L’angle choisi lui permet de conserver la bonne distance avec son sujet. Une lecture qui fait réfléchir.
Le récit sans fard de l’accueil d’un réfugié afghan en plein cœur de Paris
Son mari décédé et ses enfants partis, la mère de Benoit Cohen se retrouve seule dans son hôtel particulier situé en plein cœur du 7e arrondissement de Paris. La crise des migrants bat son plein, les pays européens se refilent la patate chaude, espérant passer entre les mailles du filet et ne pas écoper d’un quota trop important de réfugiés à qui offrir l’hospitalité. C’est dans ce contexte peu glorieux qu’elle tombe sur un reportage qui va bousculer son quotidien. L’association Singa, créée par deux jeunes diplômés, a eu la formidable idée d’organiser des événements permettant aux migrants de faire des rencontres. L’objectif est simple, pour se sentir intégré il faut communiquer, échanger. Et pour cela il faut rencontrer de nouvelles personnes. Chose aisée quand on est résident français depuis des années, beaucoup moins lorsque l’on vient d’arriver, que l’on ne maîtrise par le français et que l’on a du quitter un pays en guerre. Face à un tel engouement, l’association a décidé de mettre en contact des migrants à la recherche d’un logement avec des individus en mesure de les aider. Pour Marie-France, c’est une révélation. Elle qui cherchait un moyen de se rendre utile, a la solution toute trouvée. Elle contacte l’association. Quelques mois plus tard, elle fait la rencontre de Mohammad. Mohammad croît rêver quand on lui assure qu’une personne est prête à l’héberger. Après des mois passés en foyer à subir les réprimandes d’un directeur tyrannique, il voit enfin sa situation s’améliorer. En effet, rien ne prédestinait Mohammad à croiser la route de Marie-France. Réfugié en Iran après que ses parents ont fait le choix dans les années 80 de quitter l’Afghanistan, il fait l’expérience de l’exclusion. On lui reproche d’être afghan. Une fois en Afghanistan, son appartenance à la minorité Hazara lui vaut d’être rejeté et mis au ban de la société. Il devient interprète pour l’armée française, qui une fois démobilisée le laisse à la merci des Talibans. De là, il s’envole pour le Sri Lanka où il finira par obtenir son passeport pour la France. Et la promesse d’une nouvelle vie. Sa ténacité a fini par payer. Sa volonté inébranlable a eu raison des obstacles qu’il a fallu surmonter. Les refus, l’indifférence et le mépris qu’il essuie auraient eu de quoi le décourager, et pourtant il persévère. Benoit Cohen explore les méandres tortueux du parcours chaotique de Mohammad dans un style dénué de pathos. Loin du discours misérabiliste, il retrace les étapes qui l’ont conduit à se tenir face à lui. On découvre un homme pétri de rêves et avide de culture. Devenir chanteur de rap, étudier à Science Po, pour lui, avoir échapper au pire ne peut le mener qu’au meilleur…
Conclusion
Mohammad, ma mère et moi est un récit instructif qui aborde de manière constructive le sujet brulant de l’accueil des réfugiés. Loin de se bercer d’illusions, Benoit Cohen construit une réflexion réaliste. Il expose un angle d’approche différent sur un sujet clivant. Une jolie leçon d’humanisme. On ne peut que louer la générosité dont fait preuve Marie-France et le courage de Mohammad de ne jamais s’avouer vaincu.
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