COUPS DE COEUR

Le chœur des femmes, Martin Winckler : #HappyValentines

14 février 2018
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Voici un roman qui tombe à pic ! En ce 14 février – jour de la Saint-Valentin – j’ai choisi de vous parler de mon dernier (très) gros coup de cœur littéraire, Le chœur des femmes signé Martin Winckler. Je profite de ce jour, où l’amour est à l’honneur, pour évoquer ce processus lent, qui au vu des récents événements a connu une nette accélération : la libération de la parole dans l’espace publique. À base de hashtags bien sentis, devenus les leitmotivs de cette lutte anti-machiste, type #BalanceTonPorc et #MeToo – pour le meilleur, comme pour le pire – les femmes ont enfin osé exprimer ce qui a toujours été su mais trop longtemps tu. Publié en 2011, Le chœur des femmes, à travers le prisme de l’environnement hospitalier abordait déjà tous ces sujets au cœur de notre actualité. Jean Atwood, jeune interne surdouée, major de sa promo, se voit dans l’obligation de réaliser un stage de six mois dans le service du docteur Karma. Il faut dire que ce service consacré à la « Médecine de La Femme », n’est pas exactement ce à quoi elle aspirait. Très peu pour elle les discussions de gonzesses, les « ma pilule ne me convient pas » et autres réjouissances du même acabit. Mais au contact de ces femmes, elle devra faire face à une toute autre réalité et reléguer ses préjugés au placard. Mis bout à bout, les témoignages recueillis composent une mosaïque porteuse d’un éclairage nouveau quant à la perception du corps féminin. L’auteur aborde sans tabou et avec une grande finesse la question de l’identité sexuelle, les constructions culturelles liées au genre, le désir féminin mais également le sujet épineux des maltraitances médicales, la nécessité de se masculiniser pour espérer exercer des postes à responsabilités… Martin Winckler dresse un portrait au vitriol des hôpitaux, ces institutions où le patriarcat est profondément ancré, où l’humour graveleux des carabins est toléré, les remarques sexistes et les comportements misogynes une réalité. C’est un roman porteur d’un message fort, à lire d’urgence, si ce n’est pas déjà fait !

La question de l’identité

Dès les premières pages, l’auteur joue sur l’ambiguïté. Ambiguïté sur le genre, le prénom Jean étant mixte, il peut tout aussi bien être porté par une femme que par un homme. L’ambiguïté au sein des rapports humains : rapports de forces, amitié, relations de pouvoir, domination, altérité, réciprocité… L’ambiguïté quant à notre identité sexuelle.Le chœur des femmes à travers le duo de soignants, particulièrement attachant, Karma/Jean interroge le principe même de féminité. Qu’est-ce qui nous définit comme étant femme ? Est-ce une question de chromosomes ou de ressenti ? Cela relève-t-il du médical ou du psychologique ? Martin Winckler brise les tabous mais n’entend pas pour entend apporter des réponses précises là où il n’en existe pas. À travers son travail de collecte des témoignages de femmes, le docteur Karma met le lecteur face à une multitudes d’interrogations et de situations. Le personnage incarné par Jean est emblématique de ce brouillage des genres. Sans aucun jugement de valeur, le propos tenu par l’auteur nous incline à plus de tolérance, au respect de l’autre et à accepter de ne pas tout maîtriser.

L’enfer au cœur du milieu hospitalier

Dans Le chœur des femmes, le milieu hospitalier en prend pour son grade. Martin Wrinckler évoque les techniques ancestrales pratiquées en milieu médicale, qui à défaut de soulager les patientes, les placent en position de vulnérabilité vis-à-vis du personnel soignant. Il apparaît que nombre de médecins semblent enclins à émettre des jugements d’ordre moral au cours des consultations. Jugements qui au demeurant ne relèvent absolument pas de leur domaine de compétence. Ce roman est d’autant plus d’actualité, qu’il y a peu les violences obstétricales et gynécologiques ont fait l’objet d’un véritable tollé général visant à les pointer du doigt. De nombreuses femmes aujourd’hui souffrent de ces médecins dont les métiers les placent au plus proche de leur intimité. Certaines d’entre elles se retrouvent démunies face à des hommes qui ont la fâcheuse tendance à se prendre pour des demi-dieux. Si certaines pratiques sont sues, elles ne font que trop peu souvent l’objet de poursuites. Pourquoi ? Honte du patient, respect de la sacro-sainte confraternité, les raisons sont multiples. Le milieu hospitalier est un microcosme, et comme tout microcosme, il est régi par des règles tacites, qui sont pour la plupart archaïques. L’une d’entre elles étant la loi du silence. Ainsi, certains médecins s’insurgent face à la féminisation de la profession. Il ne faudrait pas que ces petites pisseuses aient l’outrecuidance d’imaginer pouvoir faire aussi bien que les mecs, alors qu’à tout moment elles peuvent vous pondre un chiard. Non mais ! Charmant, je vous dis. Martin Winckler entreprend de replacer le patient au cœur du processus médical. Il propose une refonte du code déontologique plus en adéquation avec les avancées actuelles. Si les propos tenus par l’auteur – lui-même membre du corps médical – n’ont certainement pas du rencontrer l’adhésion de toute la profession, sa parole libère et fait du bien !

Conclusion

Le chœur des femmes est un livre dont on ressort grandi, l’esprit en éveil. Martin Winckler signe un roman qui épouse toutes les facettes de la femme. Dénué de pathos, cet ouvrage d’une richesse thématique inouïe est à mettre entre toutes les mains.

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