Le célibat est-il synonyme de trépas ? C’est la question qui traverse le premier roman vivifiant de Julie Marx. Qui a déjà fait l’expérience douloureuse d’un quinze août à Paris, connaît cette sensation d’abattement, ajoutez à cela le célibat, n’en parlons pas… Julie Marx s’attaque avec brio, dans une langue acérée, au mal qui ronge nos sociétés. Pire que les maladies, épidémies, et fléaux en tout genre, il provoque la mélancolie, voire la neurasthénie. Est appelé à la barre le célibat longue durée. Julie Marx livre une lecture de notre société d’une grande lucidité, mettant à nu ce paradoxe qui consiste à faire primer l’individualité sur la collectivité, tout en stigmatisant le célibat, qui n’est pas un statut en soi mais est perçu comme une zone de transit, un entre-deux à écourter, avant le happy end. Il serait de mauvais goût de prolonger sa durée. Les autres en viendraient à s’interroger sur notre capacité à être aimé. Sur le ton de l’humour, enchaînant les situations ubuesques, la narratrice dresse un portait corrosif de notre époque. Le célibat devient quelque chose de répréhensible, la marque d’un échec à dissimuler, qui constamment seriné, nous fait chanceler. S’opère alors une volte-face destructrice, si d’autres y arrivent pourquoi pas moi ? C’est bien qu’il y a quelque chose qui cloche chez moi. La personne bascule alors dans une spirale auto-destructrice appréciant à travers un prisme extérieur ses succès et ses échecs. Ce qui inévitablement sape l’estime de soi. Poussant chacun à scruter les indices trahissant sa singularité, à passer au peigne fin les défauts à gommer, pour ne surtout pas faire fuir l’autre s’il découvrait nos petites manies. D’une intelligence folle, ce texte est traversé par des fulgurances, des réflexions pertinentes sur notre façon de nous juger, sur notre rapport à l’autre, sur comment apprivoiser la solitude tout en ne la laissant pas nous miner. Ouf ! Julie Marx nous offre une véritable bouffée de fraîcheur, une réflexion réjouissante à l’humour corrosif.
Célibat & solitude urbaine
Julie Marx entreprend dans ce court roman d’interpeller sur le mal qui ronge nos sociétés contemporaines, soit le concept de solitude urbaine. Corolaire de la vie dans les grandes villes. Des millions d’habitants ont beau la arpenter quotidiennement, le constat est sans appel, le citadin souffre d’un manque cruel de chaleur humaine. Nul n’ignore également que rester à Paris un quinze août est un calvaire. Cela s’apparente à une longue marche sous le soleil en plein désert de sel. Les rues sont désertes, le soleil tape, les odeurs remontent, vous êtes poisseux sans moyen d’y remédier, à cela s’ajoute le fait que vos amis sont partis se dorer la pilule, et vous n’avez ni compagnon, ni enfants avec qui passer le temps. Vous êtes seul face à vous-mêmes. C’est précisément ce que recherche notre héroïne. Se confronter à la joliment nommée « Lady Solitude ». Celle qui la poursuit et qu’elle cherche à éviter à tout prix. La prendre entre quatre yeux, se mesurer à elle, ne plus en avoir peur mais au contraire l’apprivoiser, comme on le ferait avec une bête qui nous terrorise. Pendant 24 heures, notre héroïne ouvre les vannes. Elle se confie sur sa vie, ses doutes et ses angoisses. Le tout sans pathos. Elle réfléchit sans se censurer au tour qu’a pris sa vie. Comment en est-elle arrivée là ? Célibataire et sans enfants, elle s’interroge. Autour d’elle, d’autres âmes seules font le même constat. Ils ont fait comme il fallait, coché toutes les cases qu’ont leur a dictées. Être indépendant mais pas trop, conciliant tout en s’affirmant. Les langues se délient, les souvenirs affluent, ceux qu’on aimerait bien oublier. Ces soirées ratées, ces ébats d’une brièveté qui n’a d’égal que leur médiocrité, mais qu’on peine à effacer. Qui érode un peu plus la confiance en soi, qui il faut le reconnaître n’en menait déjà pas large. Ces lendemains de soirées arrosées à respecter les délais imposés, pas d’envois intempestifs de sms, ni ultimatums qui seraient vécus comme une entrave à la liberté par cette espèce en voie de disparition, qu’on se démène à débusquer, le célibataire disponible et intéressé. Alors d’arbitrages en conciliations, de petites concessions en capitulations, on en vient à se perdre soi-même. S’oublier dans un jeu de séduction dangereux ayant pour unique finalité d’éblouir l’autre en se travestissant. Un jeu perdant-perdant, que certains déclinent à l’infini. Julie Marx affiche une certaine vulnérabilité tout en prenant soin de se protéger en faisant de l’humour un bouclier. La journée de la vierge est un roman étonnant, une sorte d’ovni littéraire rafraîchissant.
Conclusion
Julie Marx jongle avec des thématiques risquées, dans lesquelles elle aurait pu se prendre les pieds. Je vous rassure tout de suite, ce n’est pas le cas. La journée de la vierge aurait pu basculer dans l’apitoiement, le blues de la parisienne trentenaire et célibataire en mal d’enfants, à l’amertume et à la rancœur tenace. Ici, rien de tout cela. Du rire, des phrases claquées et bien tournées, une langue ciselée et un ton piquant. Le cocktail réussi d’un premier roman bluffant ! Et voilà, une super lecture d’été 😉
PREMIER ROMAN
Valérie
juillet 17, 2018Ah oui, tu donnes envie. La solitude non urbaine n’est pas plus facile à porter, ceci dit.