En 2014, Rosella Postorino saisit un entrefilet dans la presse italienne évoquant l’incroyable histoire de Margot Wölk, la dernière goûteuse d’Hitler. Sa curiosité piquée, elle décide de s’inspirer de cette histoire vraie, entrecoupée de fragments historiques dont la véracité a été attestée, pour rendre compte du quotidien de femmes sommées de risquer leur vie pour protéger celle du Führer. Parmi celles choisies, certaines accueillent leur mission avec un excès de zèle, preuve ultime de leur dévouement au parti, tandis que d’autres affichent leur désapprobation. Rosa est l’une d’elle. Son mari parti, elle emménage chez sa belle-famille. Chaque jour, avec une précision d’horloger, les SS viennent la chercher. Et nul ne sert de tenter de soustraire à la tâche qui lui incombe. La sanction ne manquerait pas de tomber. De cette promiscuité forcée entre les goûteuses, naîtra une certaine intimité, qui se muera pour quelques-unes en une solide amitié. Elles partageront la crainte à chaque repas d’être intoxiquées, l’effroyable sensation de n’être que des cobayes, des soldats sans armée menant des existences où toutes velléités de résistance ont été étouffées. Obéir et se taire sont les mots d’ordre à respecter. Mais la nature humaine est ainsi faite, que même dans les situations insoutenables l’homme trouve une consolation. Ces femmes qui évoluent en circuit fermé éprouvent de la compassion, tissent des liens, défendent leurs intérêts communs avec leurs peu de moyens. La vie continue avec son lot de complications, résistant à l’atmosphère mortifère. La goûteuse d’Hitler est un récit passionnant, éclairant un pan de l’histoire allemande qui m’était jusqu’alors inconnu. Rosella Postorino, sous la forme d’une exofiction, sonde la force de l’instinct de survie. La férocité avec laquelle l’homme se rattache à la vie, ainsi que sa capacité à s’adapter, tel un objet malléable entre les mains d’un esprit démoniaque, animé du désir d’observer jusqu’où la créature qu’il a créée est-elle capable de se contorsionner avant de se briser.
Solidarité féminine
Il n’est pas chose aisée de se projeter dans le quotidien de ces femmes tenues cloîtrées dans un lieu exigu, avec pour mission d’avaler les aliments destinés au Führer, afin de s’assurer qu’ils ne sont pas empoisonnés. Prennent-elles leur rôle de bouclier humain à cœur ou bien s’y résignent-elles, conscientes de l’insignifiance de leur existence ? De leur disposition d’esprit on ne connaît que le parti pris du roman. La goûteuse d’Hitler n’est pas un document. Et pourtant, j’aurais adoré connaître l’envers du décor. Rosella Postorino a fait le choix de la fiction et signe un roman qui se lit comme un page turner. Les pages défilent vers l’issue que tout le monde connaît. Qu’adviendra-t-il de ces femmes ? Elles, que les épreuves ont soudées et qui ont su se rassembler pour former un semblant de communauté. Du moment où Hitler prend ses quartiers en Prusse orientale jusqu’à la déroute de l’armée allemande, soit de 1943 à la fin de la seconde guerre mondiale, elles vivront côte à côte. Rosella Postorino ne porte pas de jugements sur ses héroïnes. Au contraire, laissant de côté des considérations qu’elle ne peut que supputer, elle fait le choix de souligner avec finesse l’éclosion du sentiment d’amitié. La solidarité qui marque la fin des hostilités. C’est en cela que ce roman est touchant.
Conclusion
J’entame cette rentrée littéraire 2019 avec un roman captivant. Si vous aimez les romans historiques et les biographies romancées, foncez ! Vous allez vous régaler. 😉
HISTOIRE VRAIEHISTORIQUE
Qu'en pensez-vous ?