Quelle jolie découverte que ce roman de Franck Balandier ! L’auteur signe un ouvrage à mi-chemin entre le roman d’apprentissage et la satire sociale. Il rédige les chroniques de la vie d’un quartier, ou plutôt d’une cité. Benjamin Granger, enfant non-désiré naît dans les années 1980. Fruit des amours éphémères entre la batteuse d’un groupe punk et d’un admirateur d’une nuit, évaporé au petit matin. Il n’y a pas à dire, la venue au monde de Benjamin ne s’est pas réalisée sous des auspices favorables. Faute de voir les fées se pencher au dessus de son berceau, et comme si cela ne suffisait pas, le destin – au sens de l’humour contestable – lui joue un tour cruel. Très tôt l’on décèle chez Benjamin une hypersensibilité de l’ouïe. Le diagnostic tombe, Benjamin souffre d’une d’hyperacousie sévère. Cet handicap le contraindra au quotidien à porter un casque antibruit sur les oreilles. Un comble quand on a une mère joueuse de batterie dans un groupe de rock. Ou juste retour de bâton. Puisqu’il semble que dans le ventre de sa mère, Benjamin ait été bercé au rythme des mélodies stridentes du répertoire du groupe de rock féminin. Face au manque manifeste d’instinct maternel de la jeune mère, les habitants du quartier se mobilisent. Chacun se relaie pour s’occuper du bébé. À la richesse chromatique limitée de la vie de banlieue, qui semble se fondre dans les nuances d’un gris maussade, Franck Balandier oppose des personnages hauts en couleur. On retrouve dans Gazoline Tango des thématiques similaires à celles abordés par Gilles Marchand et Jean-Baptiste Andrea. Franck Balandier aborde avec piquant le sujet délicat du handicap. Faisant du rêve l’unique moyen de s’évader pour échapper à une réalité étriquée. Ce roman fait à la fois l’éloge de la différence et de l’enfance mais surtout de l’amitié et de la solidarité. Solidarité qui joue un rôle clé lorsqu’il ne reste plus grand chose à quoi se rattacher. La verve de l’auteur, associée à son ton caustique, confèrent à l’ouvrage une ironie moqueuse savoureuse.
Un roman totalement barré !
Il faut dire que le roman commence sur des chapeaux de roue, la mise au monde du petit Benjamin n’est pas de tout repos. Isabelle, peu enthousiaste à l’idée de devenir mère, est atteinte d’un mal bien connu, le baby blues. À cela s’ajoute les cris incessants du bébé qui semble réagir au moindre bruit. Cela ne va pas sans agacer profondément la maman qui semble faire face à un enquiquineur de première. Elle tentera maintes fois d’écourter la vie du nourrisson, le plaçant volontairement sur le ventre, espérant ainsi en abrégeant les jours de son enfant, mettre fin à son calvaire. Benjamin n’est pas de cet avis et s’accroche à la vie, telle une moule sur son rocher. Le retour à la cité des peintres s’accompagne d’une profonde lassitude. Il est vrai que la vie là-bas n’offre que peu de divertissements. Contre toute attente, l’arrivée du petit Benjamin sonne le glas de l’existence morose des habitants du quartier. Chacun met la main à la pâte pour soulager la jeune maman, où plutôt pour éviter la mort prématurée du bébé. Franck Balandier réalise un portrait au vitriol de la vie de banlieue sous couvert d’une ironie mordante. En deux coups de crayon, l’auteur parvient à planter un personnage en faisant ressortir les détails infimes qui font tout leur charme. Les habitants du quartier, un brin stéréotypés mais totalement barrés, se révèlent terriblement attachants. Pour n’en citer que les principaux, nous avons Mémé Lucienne, dealeuse d’herbes, le père Germain, consommateur de marijuana qui n’hésite pas à détourner l’usage du vin de messe pour sa consommation personnelle, Isidore, ambulancier, prêtre musulman par intermittence… Tout un programme, je vous dis !
Entre ironie et poésie
Gazoline Tango dissimule subtilement, sous ses airs loufoques, une critique sociale acérée. La vie dans ses quartiers est dénuée de saveurs. Chacun tente, tant bien que mal, d’égayer un quotidien morose. Franck Balandier dénonce cette réalité sans pour autant faire peser son récit du poids de cette amertume, de la désillusion amère des habitants. Puisque c’est bien de cela dont il s’agit. Les rêves d’évasion se sont effacés avec le temps. Chacun se retrouve confiné dans une vie limitée. C’est dans l’échange qu’ils se réaliseront. Les liens d’amitié qui se tisseront permettront à chacun de trouver sa place. Gazoline Tango fait de l’humour le moyen d’appréhender la notion du handicap. Puisque de l’autodérision, il en faudra au jeune Benjamin. La vie ne l’ayant pas gâté. Franck Balandier saupoudre le récit d’épisodes cocasses. On suit les étapes de la vie de Benjamin qui apprend à apprivoiser son handicap. Celui-ci lui permettra même de se distinguer des autres et de développer des facultés rares. Gazoline Tango n’est pas à prendre au premier degré, puisque le lecteur évolue entre réalisme des situations et onirisme poétique. Il faut se laisser porter par la faconde de l’auteur.
Conclusion
Gazoline Tango semble être passé inaperçu dans l’actualité littéraire. Sorti pour la rentrée littéraire 2017, il a été très peu relayé, que ce soit par les médias, la critiques ou les lecteurs. Pourtant, c’est un roman qui vaut le détour et que je vous conseille de lire. Surtout, si vous avez aimé Ma reine et Un funambule sur le sable.
>>> RENTRÉE LITTÉRAIRE 2017 (#RL2017)
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