Franz-Olivier Giesbert signe un roman totalement barré dont l’héroïne, Lucile Bradsock, est un personnage haut en couleur au tempérament de feu. Tout commence lorsque Frédéric Bradsock découvre inopinément le manuscrit de son aïeule dans sa maison de Nantucket. Cette aïeule, n’est autre que la fantasque Lucile Bradstock, qui à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans – nous sommes en 1876, décide de s’atteler à la rédaction de ses mémoires. Mémoires pour le moins originales. Franz-Olivier Giesbert nous fait voyager à travers l’histoire puisque la vie de son héroïne s’étend de la révolution française, à la fin du dix-neuvième siècle. Lucile Bradsock manie le couteau comme personne et a la gâchette facile, particulièrement susceptible, elle envoie directement à la morgue quiconque aurait l’outrecuidance de se montrer insolent à son égard. Cette femme peu commode s’est très tôt assignée la mission quasi-divine de redresseuse de torts, elle entend ainsi se faire justice elle-même. Ce caractère vengeur lui vaudra le surnom de Moïzette, directement influencé par « le prophète exterminateur ». Tour à tour épouse d’un esclave noir rencontré lorsqu’elle était négrière, maîtresse de Napoléon, espionne du sournois Joseph Fouché sous la Restauration elle finit par rejoindre à la fin de sa vie la cause des Indiens d’Amérique victimes d’un génocide pendant la conquête de l’Ouest. Lucile Bradstock nous entraîne à un rythme effréné à travers le dédale de l’histoire. Sa vocation pour la dentisterie sera l’occasion de croiser les personnages illustres qui ont marqué l’Histoire. Fruit d’une documentation considérable et d’une imagination débordante, ce roman dégage une énergie vitale impressionnante, même si je ne suis pas particulièrement friande de ce type de littérature. J’ai fini ma lecture sur une note mitigée, puisque si le procédé humoristique fonctionne plutôt bien, il finit par s’essouffler pour laisser place à une farce lassante.
Un roman complètement barré à l’énergie débordante
Lucile Bradstock, rien que le nom augure de la teneur du roman de Franz-Olivier Giesbert. L’année de la révolution française, notre héroïne se voit dans l’obligation de quitter sa Normandie natale pour la capitale, après avoir poignardé une paysanne se repaissant de chair humaine. Elle découvre une ville assiégée aux mains des barbares de la révolution, Franz-Olivier Giesbert ne nous épargne pas les descriptions de tortures, de guillotines, d’écartèlements… À se demander si l’auteur n’éprouve pas un plaisir sadique à les infliger à ses lecteurs. Lucile Bradsock est initiée à l’art de la dentisterie par Hippolyte Fronchon, élève du célèbre Pierre Fauchard, fondateur de la dentisterie moderne. La pratique de la dentisterie permettra à l’effronté Lucile Bradsock de plonger ses mains dans la bouche de personnages illustres, et par la même occasion de leur soutirer maintes informations. Franz-Olivier Giesbert dispense certaines anecdotes savoureuses, on apprend notamment que l’incorruptible Maximilien Robespierre s’est fait implanter la dent de son valet de chambre, ne pouvant souffrir la vue d’un trou disgracieux dans sa dentition. L’héroïne de Franz-Olivier Giesbert s’avère très portée sur « la chose ». Femme moderne avant l’heure, elle vit une sexualité très libérée, la liste de ses amants ne cesse de s’allonger au fil des pages. Cependant, Lucile Bradsock n’est jamais plus heureuse que lorsqu’elle est mariée, rangeant ainsi ses fusils au placard pour se consacrer au bonheur de son ménage. Le plaisir que Franz-Olivier Giesbert a du prendre en campant son héroïne se ressent à la lecture du roman.
Un travail de documentation considérable
L’arracheuse de dents est le fruit certes d’une créativité exceptionnelle de la part de l’auteur, mais également d’un travail en amont colossal. Franz-Olivier Giesbert ne se ménage pas pour offrir à ses lecteurs des scènes réalistes d’un point de vue historique. Les descriptions de personnages historiques révèlent une connaissance approfondie de leurs caractère, manies et tics de langage. Ainsi, sa description de Robespierre parvient à être à la fois juste et désopilante.
Ce narcisse de boudoir ne connaissait jamais jamais le doute. Il s’adorait ; mieux, il s’admirait. Il a souvent été dit que Robespierre avait au moins une qualité : sa vertu. Mais il la prenait tellement au sérieux qu’il en était devenu l’esclave avant de la mettre au service de sa haine cauteleuse contre tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin. Toujours plus à gauche et plus radical, il lui fallait purifier l’univers d’à peu près tout le monde, sauf de lui.
Franz-Olivier Giesbert réussit le double défi de dépeindre avec justesse les portraits d’hommes tels que Robespierre, Lafayette, Louis XVI, Joseph Fouché, Napoléon, et à souligner le grotesque chez chacun d’eux avec subtilité. Il semblerait même, selon Franz-Olivier Giesbert, que l’haleine de Napoléon soit parfumée à l’ail, l’amande, la crème et la confiture de rose, avec un arrière-goût de sang de veau, l’auteur a-t-il poussé le zèle jusqu’à trouver des informations d’une telle précision ? Je ne suis malheureusement pas en mesure de vérifier la véracité de cette affirmation, ni l’exactitude de ses sources 😉 .
Un style littéraire particulier
On ressort exsangue de la lecture de L’arracheuse de dents. La multiplication des tableaux et le rythme soutenu de la narration m’ont empêchées de me poser pour savourer ce roman. Je ne suis pas parvenue à rentrer complètement ce roman qui relate les pérégrinations de la téméraire Lucile Bradsock sur un ton joyeux et empreint d’humour. Je reproche au roman d’être dispersé, les événements s’enchaînent trop rapidement à mon goût, sans laisser au lecteur la possibilité de reprendre son souffle. Le style de Franz-Olivier Giesbert est hybride, puisque L’arracheuse de dents repose à la fois sur des éléments issus de l’imagination de l’auteur, mais également sur des faits historiques incontestables, ce qui m’a conduit tout le roman à me demander ce que je devais prendre au premier ou au second degré. Il n’y a pas de parti pris de la part de l’auteur qui oscille entre le roman historique et la farce. Autre bémol, la longueur du roman, on avoisine les 450 pages.
Conclusion
Franz-Olivier Giesbert signe un roman original, pétillant et fantasque qui tranche avec le reste de la littérature contemporaine. Il mobilise ses connaissances historiques, qu’il met au service de son imagination. L’arracheuse de dents, est certes une lecture rafraîchissante, mais également déconcertante. Je n’affectionne pas particulièrement les romans loufoques, c’est certainement ce qui m’a empêché d’apprécier à sa juste valeur ce roman.
HISTORIQUE
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