Découvert dans le cadre du Prix Littéraire des Grandes Écoles, Belle merveille est le premier roman de James Noël. Premier certes, roman vraiment ? Plus connu pour ses activités de poète, il a fait de son art le moyen cathartique d’exorciser une réalité douloureuse. Ses poèmes attestent de son attachement à son île natale, Haïti, mais également d’une colère sourde face au désordre qui y règne. « La perle des Antilles » a été ces dix dernières années dévastée par une succession de catastrophes naturelles qui n’ont fait qu’accroître les tensions politiques et économiques sur l’île. Belle merveille s’ouvre au lendemain du séisme qui a frappé l’île le 10 janvier 2010, faisant 300 000 morts. Bernard, rescapé du tremblement de terre, est secouru par Amore, jeune femme d’origine italienne travaillant pour une ONG. Cette rencontre marque le début de leur histoire d’amour qui « structure » le récit. Si la force évocatrice de la langue est indéniable, un bon poète fait-il pour autant un bon romancier ? Et là je dois dire que je suis quelque peu sceptique. James Noël évoque des thèmes brûlants tels que l’engagement lucratif des ONG, la sur-médiatisation des événements, la valse diplomatique incessante des gouvernements qui se succèdent sur la scène internationale, la distribution douteuse de l’aide internationale mais pèche par manque de structure. Le récit est dépourvu d’une quelconque structure narrative, les idées sont jetées pèle-mêle sans souci de cohérence.Il effleure son sujet sans jamais s’y attaquer. James Noël n’a pas opéré de tournant entre ses activités de poète et de romancier. Dénué de schéma narratif, Belle merveille tient plus du recueil de poèmes que du roman. Malgré quelques fulgurances, je suis restée hermétique au style de l’auteur dont le premier roman trop décousu et confus ne m’a pas convaincue.
Un sujet prometteur mais inexploité
En 2010, Haïti est secoué par le tremblement de terre le plus meurtrier de son histoire. Faisant état de 300 000 morts, les autorités gouvernementales se succèdent sur l’île. Commence dès lors la célèbre valse diplomatique des chefs d’état, hommes politiques cherchant une tribune médiatique pour exprimer leur soutien indéfectible aux habitants de l’île. Vient le tour des ONG, hommes d’affaires et financiers attirés par l’odeur de l’argent qui émane des aides internationales qui ne tarderont pas à tomber. Aides financières dont la population ne verra pas la couleur. James Noël fait état de ce sentiment de frustration, d’aigreur face au décalage entre les promesses formulées et celles exécutées sans jamais basculer dans la véhémence. L’humour, l’ironie et la poésie sont ses armes. L’auteur dresse un portrait au vitriol de l’action non gouvernementale et dénonce l’hypocrisie inhérente à son fonctionnement. Comment ne pas ressentir de la colère face au mutisme de l’ONU dont la responsabilité dans le déclenchement de l’épidémie de choléra, qui a couté la vie à 10 000 personnes, est aujourd’hui reconnue ? C’est une colère salvatrice, nécessaire et légitime que James Noël laisse s’exprimer. Il déplore la corruption qui gangrène l’île, l’espoir déçu consécutif de l’échec de la présidence du chanteur « Sweet Mimi ». James Noël disposait d’une matière incroyable pour ce premier roman, qu’il n’a malheureusement pas su exploiter. À défaut de rentrer dans le vif su sujet, le lecteur reste en surface, ce qui confère au roman une dimension trop légère, à la limite de la superficialité. James Noël n’a pas su insuffler au roman cette énergie, cette puissance qui lui aurait permis de marquer les esprits.
Quel est le projet le l’auteur ?
Belle merveille présente un problème de construction tant dans le fond que dans la forme. Le récit s’organise autour d’une succession de paragraphes sans lien apparent les uns avec les autres, chacun précédé d’un « titre » entre crochets. Ainsi, l’on passe sans transition des confidences de témoins du séisme, aux considérations politiques de l’auteur, en passant par l’histoire d’amour entre Amore et Bernard. Le propre du roman est d’articuler un récit autour d’une intrigue, mis bout à bout les paragraphes de cet ouvrage ne forment en aucun cas un roman. Se pose la question du projet de l’auteur : pourquoi avoir voulu faire de cette matière un roman et non pas un recueil de poèmes ? Ce manque de linéarité est d’autant plus frustrant qu’il pénalise la langue de l’auteur et sa puissance d’évocation qui parvient à faire s’imprimer sur nos rétines des images d’une force inouïe. James Noël ne cesse d’osciller entre des considérations brumeuses sans grand intérêt et des instants lumineux où la langue se révèle tranchante et ciselée. Le récit est par moment traversé de fulgurances, mises en valeur par la plume lyrique de l’auteur.
La misère n’est pas noire au pays de l’empereur, non, elle n’est pas noire, elle est goudron. Dire noir, ce serait mal connaître les nuances du soir et de la nuit.
Les peuples sont des yo-yo entre les mains des enfants gâtés qui ont la manette facile et la gâchette express […] Une main appuie sur un bouton dans un bureau ovale. Flaque de sang de l’autre côté de l’océan, ça s’appelle la guerre propre.
Conclusion
Belle merveille est un ouvrage clivant, puisque si certains seront subjugués par la beauté de la langue, d’autres – comme moi -déploreront le manque de linéarité de l’œuvre. À chacun de se faire son avis ! 😉
>>> RENTRÉE LITTÉRAIRE 2017 (#RL2017)
PREMIER ROMAN
Qu'en pensez-vous ?