La vie est comme un jardin infini rempli d’œufs de Pâques cachés. D’aucuns remplissent un plein panier, d’autres n’en trouvent pas un seul. C’était peut-être ça qu’il fallait apprendre à Wawa, à chasser, chasser les merveilles… À ne rien laisser filer, à profiter de chaque seconde, car seule la vie en ce bas monde est gratuite…
Surprenant, pétillant et vivifiant, Baba Yaga a pondu un œuf vous cueille de manière inattendue, un peu comme un ciel d’été dégagé soudainement traversé par des orages violents, laissant entrevoir des fêlures là où l’on supposait la surface plane, avant de retrouver sa tonalité d’un bleu éclatant. Découpé en trois parties entretenant des liens, l’autrice croate Dubravka Ugrešić file la métaphore du mythe slave de la vieille sorcière mangeuse d’enfants pour en tirer un texte féministe et une réflexion intelligente sur la vieillesse. Trois amies de longue date : Pupa, Kukla et Beba ont pris pension dans un hôtel de luxe à Prague où elles vont s’escrimer de leur langue acérée et un art théâtral consommé à démentir l’adage selon lequel la vieillesse est un lent naufrage. Percuté par une balle de golfe, un homme d’affaires spécialisé dans les boissons énergisantes s’écroule sur le gazon fraîchement tondu, une vieille dame passe l’arme à gauche sur une chaise longue flottante, puis se retrouve rapatriée dans un œuf géant bourré de glaçons direction Zagreb, une autre fait fortune au casino alors qu’elle y était entrée pour faire la monnaie sur cinquante euros, une histoire d’amour improbable éclôt, tandis qu’on apprend qu’il faut mettre la main sur un œuf mystérieux pour démarrer l’horlogerie des sentiments… Dans cette succession de scènes loufoques, la vie prouve qu’elle n’a pas dit son dernier mot ! En maniant d’un même geste humour décapant et profonde tendresse à l’égard de ses héroïnes, l’autrice croate parvient à encapsuler le charme fou émanant de « ces trois créatures » – d’aucuns diraient fanées – que nos sociétés âgistes tendent à invisibiliser. Ouste les préjugés ! Offrez-vous une vraie bouffée d’air frais (malgré un léger bémol pour la dernière partie dont je n’ai pas compris l’utilité).
Mon appréciation : 3,5/5
Date de parution : 2021. Grand format aux Éditions Christian Bourgois, poche dans la collection Titres, poche chez Folio, traduit du croate par Chloé Billon, 456 pages.
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