Amok ? « C’est plus que de l’ivresse… c’est de la folie, une sorte de rage humaine… une crise de monomanie meurtrière et insensée. » Stefan Zweig est un nouvelliste de génie qui réussit à porter l’art de la nouvelle à un degré d’incandescence tel qu’en à peine cent pages les passions humaines apparaissent dans toute leur crudité. À la manière des poupées russes, Amok se présente sous la forme d’un récit enchâssé dans un autre. Sur le pont d’un transatlantique les conduisant de Calcutta en Europe, un étranger se confie au narrateur. Ce procédé narratif de la confession – qu’emploie régulièrement Stefan Zweig dans ses nouvelles – a des vertus cathartiques, puisqu’il reproduit à l’identique l’échange psychanalytique entre un patient et son thérapeute. Le premier se déchargeant du poids de ses désirs et de ses péchés en les confiant au second. Ainsi, sur le pont d’un bateau en pleine nuit, de minuit à trois heures du matin, le narrateur devient le dépositaire d’un terrible secret. Celui d’un médecin qui, envoyé dans les colonies après avoir commis un délit et des années à vivre retiré en marge de la société, a été pris de folie. Une folie telle que, submergé par son désir de voir s’incliner la volonté d’une femme acculée, il a failli à son devoir de praticien. Dès son entrée dans le cabinet, il réalise que cette femme droite animée d’une volonté d’acier, le regard tranchant, le visage fermé, venue le consulter pour qu’il l’avorte ; lui, le seul médecin opérant dans ce village en retrait, choisi justement pour que l’opération ne soit pas ébruitée ; obtiendra de lui ce qu’elle voudra. Et c’est justement le constat de son incapacité à opposer une résistance à cette femme, qui de toute évidence a fauté puisque son mari s’est absenté, qui déclenche en lui cet état de démence mélangée à une irrépressible envie de la posséder. Il veut qu’elle plie, le prie de la délivrer. Non que de son air suffisant elle lui suggère un marché. Il ignore alors les extrémités auxquelles elle est prête à aller. Son refus initial marquera le début d’une tragédie et d’une vie portant le sceau de l’infamie.
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