« Elle plonge sa main dans la clôture et agite les doigts de l’autre côté. Ses doigts sont al norte. Elle crache à travers la clôture, juste pour laisser une parcelle d’elle-même dans la terre américaine. American Dirt. » Par une écriture visuelle dotée d’une puissance d’évocation quasi cinématographique, l’autrice américaine Jeanine Cummins empoigne le lecteur et le cloue en lui imprimant sur la rétine une scène inaugurale magistrale : seize corps tombés sous des rafales de balles, gisant dans un bain de sang sur le patio d’une maison familiale. Trônant en haut du palmarès des pays les plus meurtriers de la planète, le Mexique voit ses villes tombées comme des dominos. Si la cité balnéaire d’Acapulco a résisté un temps, le chef de gang instable et lettré Javier Crespo Fuentes en a fait un théâtre macabre permanent. Avant que son portrait ne fasse l’objet dans la presse locale d’un papier signé par l’époux de celle-ci, Javier s’est lié d’amitié avec Lydia, qui tient une librairie. L’amitié platonique fondée sur leurs goûts respectifs évolue en un attachement profond, sans que Lydia n’entrevoie la possibilité, un jour, de se trouver au cœur d’une vendetta. Une inclination que, quelques mois plus tard, elle regrettera, puisque les seize corps laissés sans vie, sont ceux des membres de sa famille. L’article de son mari a eu l’effet d’une déflagration provoquant une escalade de la violence sans précédent. Lydia et son fils de huit ans, Lucas, se lancent dans une course-poursuite effrénée, un voyage ferroviaire sur la bestia, qui doit les conduire de Mexico aux USA. S’ils parviennent à échapper à la migra, aux narcos, aux différents cartels qui quadrillent le pays, aux barrages routiers, aux militaires et policiers corrompus… Tenu par un rythme haletant, American Dirt est un page turner féroce et addictif, relatant le parcours du combattant entrepris par les migrants. Un chemin sinueux emprunté par une femme hantée par la culpabilité et son fils débrouillard et attachant prêts à tous les sacrifices pour recouvrer leur liberté.
Mon évaluation : 4/5
Date de parution : 2018. Poche chez 1018, traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise Adelstain et Christine Auché, 576 pages.
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