« Pour Ántonia et pour moi, cette route avait été celle du destin, nous avait conduits aux premières vicissitudes du sort qui avaient prédéterminé tout ce que nous allions devenir. Désormais, je savais que cette même route allait nous réunir. Quoi que nous eussions manqué, nous avions en commun le passé, précieux, incommunicable. » À bord d’un train filant vers l’Ouest, traversant la grande plaine centrale d’Amérique du Nord, Jimmy, onze ans, orphelin confié à ses grands-parents, rencontre pour la première fois Ántonia Shimerda. Voyageant dans le wagon d’immigrants, la première famille tchèque de la région a laissé derrière elle sa Bohème natale pour le Nebraska, son climat vigoureux, ses étendues d’herbe rouge à perte de vue. Sans-le-sou, les Shimerda atterrissent dans un terrier, s’échinent à défricher la terre, ployant sous le coup d’une vie de labeur, tout en souffrant du mal du pays, de la nostalgie pour le vieux continent. La peau cuivrée par le soleil, Ántonia travaille aux champs, creuse son sillon. L’amitié entre les deux adolescents se distend, se resserre, évoluant au au fil des saisons. Vingt ans plus tard, Jimmy se remémore son Ántonia,« capable de vous couper le souffle d’un simple regard ». Dans un carnet, il retranscrit, au prisme de son amitié, l’histoire des pionniers venus d’Europe de l’Est forcer le destin et qui, affranchis des règles tacites de la bonne société, ont réussi là où les familles américaines engoncées dans leur puritanisme, ont échoué. L’autrice américaine #WillaCather, lauréate en 1923 du prix Pulitzer pour L’un des nôtres, ne signe sans doute pas le grand roman sur la conquête de l’Ouest ; convenu, mièvre, reposant sur une vision idéalisée du quotidien des migrants rendu par un narrateur peu sympathique au jugement sévère à l’égard des étrangers ; mais rend compte de la difficulté pour ses populations de s’intégrer, qu’une volonté extraordinaire a permis de surmonter. L’esprit d’aventure, la ruée vers l’or, des femmes qui tracent leur route en saisissant chaque opportunité, une nature sublimée… Mon Ántonia est un roman d’atmosphère, lent, qui, bien qu’ayant vieilli, procure un doux sentiment d’apaisement.
Mon appréciation : 3/5
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