Hiro Arikawa signe avec Les mémoires d’un chat un roman espiègle et touchant d’une très grande délicatesse sur les liens qui unissent l’homme et l’animal. La frimousse du chat en couverture avec son air mutin laissait présager une lecture pétillante, et je n’ai pas été déçue 😉 . En l’occurence, nous assistons à l’ultime voyage entrepris par Satoru afin de trouver un nouveau foyer à son chat Nana. Tout commence cinq ans plus tôt, lorsqu’un chat de gouttière jouissant pleinement de sa liberté de félin se fait percuter de plein fouet par une voiture. Passé à deux doigts de la mort, il ressort de la collision blessé à la patte. Ni une ni deux, Satoru véritable ailurophile se précipite pour le soigner. De fil en aiguille, le chat, initialement peu enclin à sacrifier sa liberté de chat errant, se prend d’affection pour son sauveur et se mue en chat d’appartement avec tout ce que cela implique – offrandes d’insectes, griffes aiguisées sur les meubles de l’appartement… Satoru fait fi des convenances en matière de genre et décide de gratifier le chat du prénom Nana en référence à l’angle de sa queue qui forme un crochet à la manière du chiffre sept. Ainsi, Nana sceptique au départ, se laisse apprivoiser et une véritable complicité voit le jour. La cohabitation fera le bonheur de Satoru et de Nana pendant cinq ans, jusqu’à ce qu’un événement indépendant de la volonté de Satoru ne l’oblige à se séparer de Nana. Commence alors un périple à travers le Japon à la recherche du maître idéal pour Nana. Cet ultime voyage sera l’occasion pour Nana de découvrir le passé de Satoru, dont les retrouvailles avec ses anciens amis raviveront les souvenirs d’enfance, ainsi que les paysages nippons d’une beauté saisissante. Les mémoires d’un chat est un roman exquis, emprunt d’humour. Les amoureux des chats ne pourront qu’être conquis par ce récit qui a su saisir et rendre compte avec intelligence du lien particulier qui unit l’homme et l’animal. Toutefois à mesure que l’on se rapproche de l’épilogue, le ton se fait plus grave, la gorge se serre et les larmes montent. Hiro Arikawa clôt son roman sur une note d’une justesse inouïe. Elle parvient avec brio à susciter l’émotion chez le lecteur sans jamais forcer le trait. Sa plume fait mouche et frappe en plein coeur.
Un roman touchant qui souligne avec justesse la relation particulière entre l’homme et l’animal
Est-ce un hasard si le premier roman que je lis d’une telle justesse sur ce sujet est écrit par une auteure japonaise ? En effet, il est de notoriété publique que la culture nippone fait la part belle aux félins. Le chat occupe une place particulière au sein de la culture japonaise, de nombreuses représentations artistiques attestent de cet engouement. L’art nippon lui octroie une place singulière, des peintres tels que Utagawa Hiroshige ou Utagawa Kuniyoshi l’ont maintes fois représenté dans leurs oeuvres picturales. Si Les mémoires d’un chat aurait pu jouer sur la corde sensible en relatant le dernier voyage de ce binôme détonant, en réalité Hiro Arikawa a choisi d’adopter un ton léger. L’auteure distille au fil des pages des remarques désopilantes issues d’une observation fine des comportements félins. Nana ponctue son récit de remarques attestant de son étonnement face aux pratiques étranges des humains.
Nous les animaux, quand notre vie est finie, on s’endort là où on est et c’est tout. Les humains, eux, ils se préparent à l’avance un endroit spécial pour reposer après leur mort. Vous parlez d’une nature inquiète et étriquée… S’il faut penser à ce qui vous arrive après la mort, en plus, on ne peut plus trépasser tranquillement, alors !
L’on apprend entre autre que les chats regrettent amèrement le temps des vieux postes de télé à tube cathodique, qu’ils sont polyglottes et à défaut de savoir lire et écrire peuvent tout à fait comprendre le langage des humains.
Pour moi, une télé c’était un machin tout fin comme une planche, mais ici c’est plutôt une sorte de boîte qui donne envie de monter dessus, légèrement chaude, ça réchauffe le ventre. Pour passer l’hiver ça doit être bonnard […] Donc, autrefois, les télés devaient être en forme de boîte. Gros recul technologique, si vous voulez mon avis. Pourquoi avoir modifié un design aussi parfait pour en faire cette chose plate sans aucune utilité ?
Le lecteur découvre les rouages de la psychologie féline à travers Nana. Nana est un chat de caractère qui a une grande estime de lui-même et n’entend pas se faire dicter sa conduite. Il est inconcevable pour lui de quitter Satoru, par conséquent chaque rencontre avec un futur maître potentiel se soldera par un échec. Les raisons pour lesquelles Satoru n’a d’autres choix que de se séparer de Nana seront dévoilées au fil de la narration et teinteront celle-ci d’une douce nostalgie. L’objectif de Hiro Akikawa n’est pas d’insister sur cet élément que l’on perçoit comme dramatique mais bien de fixer une échéance au voyage, une destination finale.
Un aperçu de la société japonaise
Les retrouvailles entre Satoru et ses amis d’enfance sont l’occasion pour l’auteure d’évoquer un pan de la société japonaise. À plusieurs reprises dans le texte la thématique du travail est abordée dévoilant un climat tendu et une situation angoissante. Les parents de Yoshiminé qui logent dans une cité-dortoir sont trop accaparés par leurs obligations professionnelles pour se préoccuper de leur progéniture. Le jeune garçon se décrit comme étant un « enfant avec la clé », ses parents le laissant livré à lui-même avec à sa disposition une clé et de quoi se sustenter. L’annonce d’un divorce s’accompagnant généralement de la question de la garde parentale, les deux adultes se refilent la patate chaude dans l’espoir de ne pas être choisi… Les mémoires d’un chat ne traite pas uniquement des liens entre l’humain et l’animal mais également des liens filiaux et familiaux. L’amitié occupe une place particulière, permettant aux enfants de s’extraire d’un environnement familial défaillant. Une pudeur tacite teinte les échanges entre Satoru et ses amis d’enfance, aucun d’eux ne s’aventurent à demander frontalement à Satoru les raisons pour lesquelles il doit se séparer des Nana, soucis de santé, perte de son emploi, problèmes d’argent… Au-delà de l’aspect relationnel nous voyageons à travers les terres du Japon du Mont Fuji, que Nana affectionne particulièrement, aux magnifiques paysages de l’île d’Hokkaido.
Conclusion
Je conseille ce roman à tous ceux qui recherchent une lecture touchante sans aucune fausse note. Les mémoires d’un chat allie douceur, poésie et humour sous une plume alerte. C’est une lecture dont je garderai un souvenir impérissable, j’ai passé un très bon moment en compagnie de Satoru et de Nana. J’ai été profondément touchée par ce roman et avoue avoir versé une larme en le refermant 😥 .
Pudfish
mars 28, 2018I loved this book too, it was touching with being overly sentimental.
Pudfish
mars 28, 2018oops, I meant to type:
I loved this book too, it was touching without being overly sentimental.
Books'nJoy
mars 28, 2018No problem, I get it 😉
Yes I agree, I loved this book too. The relation between the old man and the cat is moving <3