Le plaisir pris à la lecture de l’enquête menée par Mario Conde, flic à la retraite, dans un Cuba délabré, où des villas luxueuses jouxtent des quartiers défavorisés, est similaire à celui pris à la lecture d’un roman de Fred Vargas ou d’une enquête d’Hercule Poirot. Tout le charme réside dans la personnalité de l’enquêteur qui, fumeur impénitent et buveur à l’excès de rhum frelaté, nous invite à observer le monde qu’il n’a jamais quitté à travers ses yeux. Nous faisant goûter à la chaleur de la vie en communauté, des amitiés liées depuis des années, les effluves de café et les volutes de fumée des clopes matinales dont il ne peut se passer. Mario Conde nous fait visiter La Havane, ville scindée, figée dans un entre-deux, ouverte et fermée, écartelée entre ceux qui dépensent sans compter et les plus démunis soumis au rationnement. C’est dans ce décor fragile que Mario Conde reçoit la visite de Bobby, un ami de lycée. Cet ancien militant communiste, désormais trafiquant d’œuvres d’art s’est vu dérober par son amant une effigie de la Vierge noire. Face à l’insistance de son ami pour la retrouver, Conde pénètre des sphères jusqu’alors insoupçonnées, où l’argent coule à flot et où chacun magouille pour tirer son épingle du jeu. Dans cette quête complexe les époques s’entrecroisent, invitant le lecteur à remonter le temps jusqu’à la chute des templiers. Le pouvoir magnétique exercé par la relique, déjà un appât de choix au vu de sa valeur historique, se voit renforcer par les pouvoirs mystiques qui lui sont attribués. Alors qu’il est rongé par la poursuite du temps, qui semble lui échapper, et gagné par la mélancolie, Mario Conde n’a pas un moment pour s’appesantir sur l’imminence de ses soixante ans, âge canonique qui le fait frémir, et s’en va en taxi collectif ou à pieds arpenter La Havane. La qualité littéraire de ce polar tient plus à la plume savoureuse de Leonardo Padura, qu’à l’enquête confuse menée par l’attachant Mario Conde, hédoniste et bon vivant.
Mon évaluation : 3,5/5
Date de parution : 2019. Grand format aux Éditions Métailié, traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, 448 pages.
ROMAN NOIR
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