Au cœur d’une vallée située en haute montagne, bordée par une nature luxuriante et quasi virginale, des ouvriers dressent leur campement. Parmi eux un homme, cherchant désespérément à fuir l’agitation de la ville, trouve dans cet isolement, ce lieu reculé à l’écart de la civilisation, l’endroit rêvé pour apaiser ses tourments. La peine qu’il a purgée n’a pas atténué le souvenir de sa femme le visage défiguré par les coups qu’il lui a asséné, ni celui de l’effroi lu dans les yeux de son amant. Mais c’est surtout cette haine, intacte après tant d’années et qui continue de l’irriguer, dont il aimerait se délester. Le chantier dans lequel il s’est engagé vise à édifier un barrage, condamnant ainsi le hameau situé en contrebas de la vallée. Les travaux se poursuivent, la dynamite vrille les tympans et ébranle les maisons des habitants. Et dans ce monde englouti par la brume, le destin de l’homme se lie étroitement à celui du village. L’homme est bouleversé par la faculté des habitants à faire preuve de résilience, de constance dans leurs actions, quitte à réparer vainement les toitures des maisons ébranlées par les détonations. Il retrouve dans leurs traditions des gestes qui font écho en lui, et que lui-même a par le passé effectués, sans en mesurer pleinement la portée. Quand ses gestes à lui étaient dictés par la colère, les leurs le sont par la déférence qu’ils témoignent à leurs morts. L’homme réalise qu’un même acte revêt un sens différent en fonction de la portée qui lui est assignée. Ce constat provoque un changement en lui. La paix qu’il a longtemps recherchée est désormais à sa portée. Akira Yoshimura tempère la violence des passions par une constance dans l’action. L’application d’une gestuelle intemporelle obéissant à des traditions ancrées depuis des générations. Cette opposition muette d’un peuple condamné à être délogé émeut. Malgré le déchirement du déracinement, rien ne vient entamer l’attitude inflexible et résignée avec laquelle ils acceptent les conditions de leur expropriation. Ce roman d’Akira Yoshimura est une fable sensible portée par une douce poésie, relatant la quête de rédemption d’un homme guidé par ses pulsions.
LITTÉRATURE JAPONAISE
No Comments