Mathias Malzieu, leader du groupe de rock Dionysos depuis 1993, nous livre avec Journal d’un vampire en pyjama un journal de bord particulièrement intime relatant son combat contre la maladie. Atteint d’une « Aplasie médullaire » diagnostiquée en 2013 – maladie auto-immune liée à l’arrêt du fonctionnement de la moelle osseuse qualifiée d’idiopathique (dont on ne connaît pas la cause) – il livrera un combat contre la maladie pendant plus d’un an. Ce roman/document a connu un succès phénoménal et vient de remporter le Grand Prix des lectrices de Elle 2017 dans la catégorie Document. Et pour cause, ce témoignage est d’une puissance incroyable. Mathias Malzieu témoigne avec poésie de son quotidien, de ses peurs et de ses espoirs dans un style maitrisé. Véritable page-turner, il vous serra impossible de lâcher ce récit captivant. Cette lecture a été l’occasion pour moi de découvrir un génie éclectique, un homme touche-à-tout, à la fois musicien, chanteur, poète, réalisateur et écrivain. Artiste complet, il excelle dans tous les domaines artistiques sans jamais se prendre trop au sérieux. Personnage sympathique et charismatique, j’ai été agréablement étonnée par son talent littéraire. Quelle belle découverte ! 😀
Résumé
Ce livre est le vaisseau spatial que j’ai dû me confectionner pour survivre à ma propre guerre des étoiles. Panne sèche de moelle osseuse. Bug biologique, risque de crash imminent. Quand la réalité dépasse la (science-) fiction, cela donne des rencontres fantastiques, des déceptions intersidérales et des révélations éblouissantes. Une histoire d’amour aussi. Ce journal est un duel de western avec moi-même où je n’ai rien eu à inventer. Si ce n’est le moyen de plonger en apnée dans les profondeurs de mon coeur. Mathias Malzieu
Albin Michel
Un artiste doté d’une richesse intérieure impressionnante, d’une très grande force mentale et d’une imagination sans borne
Du diagnostic à la guérison, Mathias Malzieu nous livre le journal complet de son hospitalisation. Cette hospitalisation supposera un myélogramme – examen médical particulièrement douloureux permettant l’étude de la moelle osseuse et qui s’effectue en plantant une aiguille dans le sternum et en ponctionnant l’os, une biopsie de moelle, moult transfusions, un séjour en chambre stérile et une greffe de moelle. Mathias Malzieu aurait pu nous offrir un témoignage larmoyant sombrant dans le pathos. Je vous arrête tout de suite, ce n’est absolument pas le cas. Emprunt d’humour, il nous fait découvrir un univers onirique truffé de personnages rocambolesques et de visions chimériques. De sa plume, il s’efforce de sublimer le monde hospitalier glacial et déprimant. Il y fait pénétrer de la magie et parvient à rendre plus acceptable ce qui à 41 ans semble encore inconcevable. Pour pallier à ses angoisses, il pourra compter sur la richesse de son monde intérieur. Son imagination fertile fonctionnera plein pot et lui permettra de s’extraire d’une réalité morbide. Cette capacité reflète une très grande force mentale. Ainsi, il personnifie la mort incarnée par « Dame Oclès », femme guerrière sensuelle se mouvant constamment avec son épée et se tenant prête à frapper.
Je me retourne. Une silhouette féminine ondule dans ma baignoire. Elle se lime les ongles avec une épée. Sa crinière rougeoyante cascade sur ses épaules translucides. Ses cils sont si longs qu’ils semblent faux. Un trait d’eye liner piège mon regard.
– Je ne vous imaginais pas si petit…
Sa voix ressemble à celle qui annonce les horaires des trains sur les quais de gare.
– Il va falloir que je vise bien pour vous couper la tête ! Elle fait glisser le plat de son épée contre ma joue.
– Mais qui êtes-vous et…
– Je suis Dame Oclès, me coupe-t-elle.
– Dame qui ?
– Oclès ! Dame Oclès enfin ! Mon épée est assez réputée, déclare-t-elle en tapotant fièrement le métal de sa lame.
– Dame Oclès…Connais pas.
– Comment ça « connais pas » ?
– Ah non, non, connais pas !
– Eh bien vous allez apprendre à me connaître, car désormais j’irai partout où vous irez, dit-elle en levant son épée au-dessus de ma tête.
Ses lèvres sont plus rouges que l’hémoglobine, on dirait qu’elle vient de boire du sang mais avec l’application de celle qui se maquille. Elle fume une cigarette fine genre Vogue et se sert de mon lavabo comme cendrier. Telle la proue d’un galion élégant, sa poitrine porte haut le noir étendard de son décolleté. On s’y crèverait allègrement les yeux.
Une témoignage emprunt d’humour et d’humanité
Il traite un sujet délicat avec humour et positivité. C’est ce qui rend ce journal intime particulièrement savoureux. Il dépeint avec une grande délicatesse les aléas de sa maladie.
Dame Oclès me suit maintenant comme une ombre. Partout, tout le temps. Elle me regarde me laver, se marre quand je mets du temps à m’habiller. Son moment préféré lorsqu’elle m’accompagne au service hématologie, c’est quand on passe devant les petites boutiques de la mort de la rue Saint-Jacques. Dame Oclès pousse des cris d’extase devant les plaques gravées. On dirai tune adolescente dans un magasin de prêt-à-porter. « Lequel tu préfères ? Oh ça, ça t’irait tellement bien ! dit-elle devant un cercueil un peu vintage qui semble avoir déjà servi. Ça fait vampire. tu devrais le réserver, non ? »
Il se gardera également de sombrer dans l’aigreur. Reconnaissant envers le corps médical, il adresse un message fort aux aides soignantes qui l’accompagneront au cours de cette lutte. À défaut d’évacuer sa frustration de malade sur les autres, Mathias Malzieu se montre joueur et désopilant. Ce qui n’empêche malheureusement pas la réalité de resurgir et de le rattraper. Il redoublera d’efforts, alors, pour garder le moral au beau fixe et ne pas laisser la maladie prendre le dessus. Même au prise avec celle qui le ronge de l’intérieur, il fera preuve d’empathie envers les autres. Il émane de Mathias Malzieu une très grande humanité. Personnage à la fois doux et fantasque, plonger dans le monde bigarré de Mathias Malzieu c’est faire une expérience humaine incroyable.
Ici c’est le pays des canards et de la pédagogie. Les infirmières portent des armoires à glace émotionnelles sur leur dos en souriant. Ce sont les grands déménageuses de l’espoir. À elles la lourde tâche de diffuser quelques bribes de lumières aux quatre coins de l’enfer, là où les anges perdus font du stop à main nue. Comme avec les médicaments, elles doivent en ajuster constamment le dosage. Elles sont cigognes-mamans-nymphes-filles. Elles gagnent à être (re)connues.
Conclusion
Un conseil FONCEZ EN LIBRAIRIE vous procurer ce journal terriblement émouvant signé Mathias Malzieu ! Vous ne sortirez pas indemne d’une telle lecture. De plus, si comme moi vous ne connaissiez pas bien ce Monsieur c’est l’occasion rêvée pour découvrir son univers. Dès les premières pages j’ai été happée par ce récit portant sur le sujet pourtant particulièrement délicat de la maladie. J’ai tendance à éviter de lire des romans, documents, essais…traitant ce thème par sensibilité, mais Mathias Malzieu prouve ici qu’il est possible d’aborder un tel sujet en associant puissance et humour. Journal d’un vampire est tout simplement un formidable témoignage à lire et relire !
POÉSIE
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